« Face aux nouvelles mutations économiques mondiales, la bonne gouvernance et le développement de l’Afrique, un enjeu géostratégique au XXIème siècle » - Maghreb Emergent

« Face aux nouvelles mutations économiques mondiales, la bonne gouvernance et le développement de l’Afrique, un enjeu géostratégique au XXIème siècle »

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Cette présente contribution est mon intervention  à l’invitation de la   rencontre internationale- Alger- centre  international des conférences d’Alger  18/19 février 2019, sur le  thème «  Inspirer, soutenir, et dynamiser  les entrepreneurs en Afrique »  organisée par la Confédération CGEOA  en collaboration avec l’organisation  internationale  des employeurs O.I.E, de la banque mondiale, de l’union européenne,   Business Africa.   

Il faut être réaliste, face aux futurs enjeux géostratégiques l’émergence d’entreprises dynamiques compétitives en termes de coût-qualité, en termes d’avantages comparatifs mondiaux ou domine des institutions non adaptées, la sphère informelle, les entraves bureaucratiques  et des micro-unités,  suppose une autre gouvernance pour l’Afrique

  1. Il existe des Afriques et non une Afrique

L’Afrique couvre 30,353 millions de km2.  De 100 millions d’habitants en 1900, la population de l’Afrique est passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990 et à 1,2 milliard en 2016. Selon les projections démographiques, en 2020, la population africaine devrait passer à 1,3 milliard et à 2 milliards en 2040 et quatre (4) milliards en 2100. Mais sept pays regroupent plus de 50 % de la population. Les pays constituant l’Afrique par zones sont: Afrique du Nord – Algérie – Égypte – Libye – Maroc – Tunisie. Afrique occidentale – Bénin – Burkina Faso – Côte d’Ivoire – Ghana – Guinée Bissau – Libéria – Mali – Mauritanie – Nigeria – Sénégal – Togo. Afrique centrale – Burundi – Cameroun – République centrafricaine – République démocratique du Congo – Guinée équatoriale – Rwanda – Tchad. d – Afrique orientale – Djibouti – Erythrée – Ethiopie -Kenya – Ouganda – Soudan – Tanzanie. Afrique australe et océan indien – Afrique du Sud -Madagascar – Malawi – Maurice – Zambie. – Zimbabwe. Certains pays notamment le Nigeria, le Gabon, le Tchad, la République démocratique du Congo, l’Algérie, la Libye sont spécialisés dans le pétrole, le gaz et les matières premières, qui ont connu une forte demande et un prix élevé sur le marché mondial leur permettant une relative aisance financière mais artificielle en fonction des cours mondiaux et donc de la croissance de l’économie mondiale notamment des pays développés et émergents. A l’inverse, des pays comme le Bénin, le Malawi, l’Ile Maurice, le Swaziland, l’Ethiopie, le Togo, le Mali, qui sont pénalisés dans des produits qui connaissent souvent une détérioration en termes d’échange, la misère, la famine et souvent des conflits internes et externes où le budget des dépenses militaires en Afrique dépassent l’entendement humain au détriment de l’allocation des ressources à des fins de développement.. Malgré cette diversité et ses importantes potentialités, l’Afrique est marginalisée au sein de l’économie mondiale mais existe un avenir promoteur comme l’atteste la majorité des rapports internationaux.  Devant au préalable préciser qu’il faille se méfier d’un indicateur global comme le produit intérieur brut PIB  qui est défini comme  « la somme de tous les salaires, bénéfices, revenus locatifs et revenus fiscaux nets » car la faiblesse de cette approche, c’est que dans beaucoup de pays d’Afrique et surtout subsaharienne notamment , une part importante des activités se déroule dans le secteur informel non quantifié  .Les économistes s’accordent à dire, que le PIB peut tenir compte des volumes de consommation, sans prendre en compte la qualité de ce qui est consommé ainsi que la répartition tant inter socioprofessionnelle qui cache les disparités spatiales , l’indicateur du PNUD de l’indice  du développement  humain IRH étant un indicateur plus pertinent. Autre exemple pour l’Afrique avec la désertification, des infrastructures publiques, peuvent avoir été acquises, au détriment de la destruction d’espaces cultivables ou d’une faune et d’une flore riches. C’est pourquoi d’autres indicateurs que ceux relevant de la comptabilité publique, doivent être considérés avec une certaine pertinence. Aussi devant tenir compte  que les méthodes de calcul du PIB diffère d’un pays à un autre du fait  de dela non homogénéité  du système statistique, selon la banque africaine de développement ,BAD dans son rapport de 2018, données de 2017,  nous avons pour le PIB global e tle PIB par tète d’habitant suivant pour 15 pays :   Nigeria avec un pib de $ 404.65 milliards (2176 US$ par habitant), Égypte avec un pib de $ 332.79 milliards (3478 US$ par habitant),  Afrique du Sud avec un pib de $ 295.46 milliards (5285 US$ par habitant), Algérie avec un pib de $ 159.05 milliards (3917 US$ par habitant),  Maroc avec un pib de $ 103.61 milliards (2832 US$ par habitant),  Soudan avec un pib de $ 95.58 milliards (2415 US$ par habitant), Angola avec un pib de $ 95.34 milliards (3309 US$ par habitant),  Éthiopie avec un pib de $ 72.37 milliards (707 US$ par habitant), Kenya avec un pib de $ 70.53 milliards (1455 US$ par habitant),  Tanzanie avec un pib de $ 47.34 milliards (879 US$ par habitant), Ghana avec un pib de $ 42.69 milliards (1513 US$ par habitant),  Tunisie avec un pib de $  42.06 milliards (3689 US$ par habitant),  Côte d’ivoire avec un pib de $ 36.37 milliards (1535 US$ par habitant),  Libye avec un pib de $ 34.7 milliards (5518 US$ par habitant),  Cameroun avec un pib de $ 32.22 milliards (1375 US$ par habitant). D’autres sources de la banque mondiale donnent les    dix pays les plus  pauvres  en termes de PIB par habitant Burundi sont , 285 ,Malawi,300, Niger,364, Mozambique 382, République Centrafricaine , 382, Madagascar,401,Somalie, 464, République démocratique du Congo, 444, Liberia 455 et Gambie, 473.:

2. L’Afrique et les tensions géostratégiques, le cas de la région du sahélienne

Le développement de l’Afrique pose  le problème de la sécurité et de la stabilité des Etats qui doivent se fonder sur des valeurs démocratiques. Nous avons assisté dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen, avec des conséquences pour la région. Depuis des siècles, l’Afrique via le Maghreb est lié avec l’Europe où les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent l’Europe sur les relations de toutes natures entre le Maghreb et l’Afrique noire et notamment subsaharienne avec la pénétration de l’islamisme radical à ne pas confondre avec l’Islam religion de tolérance à l’instar du judaïsme ou du christianisme avec des menaces réelles tant au Maghreb, qu’en Europe. Et sans oublier qu’existent des influences religieuses autour de la conception de l’Islam en Afrique qui influence largement les dirigeants politiques. Entre les frères musulmans qui encouragent les le maraboutisme (zaouias) dominantes d’ailleurs au Maghreb et les djihadistes  qui y voient une dérive de la religion, comme en témoigne la destruction des mausolées au Mali lors de l’occupation dans certains régions par les djihadistes. Comme nous assistons  récemment depuis le début 2018, à l’arrivée de nouveaux groupes venant de la Syrie et de l’Irak  qui s’installent au niveau de cette région avec le  risque de déstabilisation. C’est que nous  avons assisté dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen, Kadhafi disparu, , des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une partie a été accaparé par de différents groupes qui opèrent au Sahel. Le directeur du FBI, James Comey qui a affirmé le 14 novembre 2013 devant le Congrès qu’Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi) constituait une forte menace aux intérêts américains et occidentaux dans la région de l’Afrique du nord et du Sahel. C’est donc dans un contexte d’instabilité dans la zone sahélo-saharienne, du fait que la corruptibilité générale des institutions, qui  pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l’application des lois et la justice pénale en général que bon nombre de ces pays ont des  difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l’hétérogénéité des systèmes juridiques notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire. De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d’agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes. À terme, il s’agira d’attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes. La plupart des dirigeants du Maghreb de l’Afrique de l’Europe et des Etats Unis d’Amérique s’accordent dorénavant sur la nécessité de coopérer d’avantage face à la menace de l’insécurité et du crime organisé. Il s’ agit dorénavant de mettre l’accent sur l’obligation de mettre en application une stratégie interrégionale qui associe l’ensemble des pays de la zone en plus des partenaires européens et internationaux, du fait que la région est devenue un espace ouvert pour divers mouvements terroristes et autres groupes qui prospèrent via le trafic d’armes ou la drogue, menaçant la sécurité régionale et par ricochet l’Europe et les USA., où l’ensemble des recommandations internationales insistent sur  l’urgence d’une coopération tant africaine que mondiale dans la lutte contre la criminalité transnationale , nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme.

3. Les perspectives  économiques  de l’Afrique

Dans le rapport «  perspectives économiques en Afrique 2018» ,la banque africaine   note que  le Nigéria, l’Algérie et l’Égypte –, qui représentent près de 50 % du PIB du continent ont revu à la baisse leurs prévisions pour 2017 et 2018 et  que la  croissance du PIB de l’Afrique a été d’environ  3 % en 2017, contre 2,2 % en 2016, mais en baisse par rapport aux prévisions initiales de 3,4 % avec des  prévisions de 3,7 % de croissance en 2018, en légère baisse par rapport aux estimations initiales de 4,2 %.  L’Afrique de l’Est reste la région à plus forte croissance, passant de 5,1 % en 2016 à 5,4 % en 2017 et 5,8 % en 2018, L’Afrique du Nord a enregistré le deuxième plus fort taux de croissance, de l’ordre de 3,1 % en 2016, grâce à la reprise économique en Égypte (4,3 % de croissance) et en Algérie (3,3 %). La croissance de la région de l’Afrique du Nord devrait atteindre 3,1 % en 2017 et 3,6 % en 2018. Toutefois, la Banque met en garde contre les incertitudes politiques persistantes  qui continuent de peser sur la croissance dans la région. En Afrique de l’Ouest et Afrique centrale, régions où la production de pétrole tient un rôle central dans l’économie, la croissance a fortement baissé, passant de 0,5 % en 2015 à 0,4 % en 2016. L’Afrique de l’Ouest devrait connaître une amélioration de sa croissance, avec un taux de 2,5 % en 2017 et de 4 % 2018, en raison principalement d’un redressement de la production pétrolière au Nigeria qui représente 72,4 % du PIB global de la région d’Afrique de l’Ouest, Dans cette région, la récession économique au Nigeria a complètement masqué les très bonnes performances enregistrées en Sierra Leone, au Togo, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, ces deux derniers pays affichant les économies à plus forte croissance de la région. L’Afrique centrale quant à elle a vu sa croissance freinée par les faibles performances de la Guinée équatoriale et du Tchad, dont les économies se sont contractées respectivement de 7,3 % et de 6,4 %, outre la République du Congo qui a connu elle aussi une contraction de 2,4 %. Les données actualisées de la Banque indiquent que la République centrafricaine devrait toutefois enregistrer une croissance en hausse en 2017 et 2018, avec un taux de 1,6 % et 3,1 % respectivement. Toutefois, la performance globale du continent se révèle favorable quand on la compare à la croissance économique mondiale, dont les projections se situent à 3,5 % pour 2017 et à 3,6 % pour 2018.Le rapport cité  attribue l’essentiel de la reprise économique de l’Afrique aux facteurs suivants :le redressement de l’économie mondiale et la fin du tassement des prix des produits de base intervenus depuis 2014 , aux  déficits budgétaire et des comptes courants qui devraient se résorber grâce à un regain de vitalité des exportations et à une hausse des recettes publiques et enfin une demande intérieure soutenue et des investissements publics réguliers dans les infrastructures qui ont également contribué au maintien de la croissance dans plusieurs pays.  Mais  selon la majorité des experts  et des organismes internationaux, les gouvernements africains doivent résister à la tentation de « se rattraper » sur les dépenses qui avaient été suspendues ces deux dernières années, car les déficits s’en verront autrement exacerbés devant procéder de toute urgence et de manière soutenue à une diversification économique et à une transformation structurelle pour éviter la répétition de phases successives d’expansion et de récession dans le sillage de la volatilité des prix des produits de base, l’objectif stratégique étant des sous intégrations régionales. Car le  commerce intra-africain « constitue un élément susceptible de protéger le continent des chocs économiques extérieurs », selon le rapport sur le commerce  en Afrique d’Afreximbank  publié en marge de l’Assemblée générale 2018 de l’institution d’import-export tenue à Abuja, la capitale du Nigeria, du 11 au 14 juillet  2018 où est souligné que parmi les apports importants du développement du commerce intra-africain : l’accélération du « processus d’industrialisation » et la mise sur le marché de produits manufacturés africains, lesquels occupent une place importante dans le commerce intra-africain, contrairement au commerce de l’Afrique avec l’extérieur. A la treizième édition Conférence économique africaine (CEA), dont le thème était « l’intégration régionale et continentale au service du développement en Afrique «  , il a été  établi que  le chiffre du commerce intra-africain à environ 15 % contre 59 % en Europe, 51 % en Asie, 37 % en Amérique du Nord, et 20 % en Amérique latine Car  force est de constater qu’à  128,25 milliards de dollars, les transactions commerciales intra-africaines marquent une progression de 5,6 % en 2017 par rapport à l’année 2017 du volume total des échanges commerciaux du continent avec le reste du monde situé à 907,63 milliards de dollars avec une précision de taille, près de la moitié de ces échanges concerne le commerce des hydrocarbures. Si l’Afrique est pour le moment derrière les autres continents, elle pourrait cependant bien rattraper son retard, notamment grâce à la mise en application de la zone de libre échange continentale(ZLEC), le projet économique phare de l’Union africaine signé en mars 2018,  la ZLEC pouvant  accroitre les échanges intra-africains de 52,3 % horizon  2022.Cela montre les grands défis qui attendent l’Afrique si l’on compare à l’évolution du commerce mondial. En effet, les exportations mondiales de marchandises ont augmenté pour atteindre 17 730 milliards d’euros  en 2017, contre 16 030 milliards de $EU en 2016, du fait en partie de la hausse des prix des produits de base et les  exportations mondiales de services commerciaux ont augmenté de 8% en 2017, pour atteindre 5 280 milliards d’euros. l’Asie étant  la région qui a le plus contribué 4,7% à l’augmentation du commerce en volume en 2017, avec une croissance de 8% .Quant au Maghreb, d’environ  99,38 millions d’habitants 375,6 milliards de dollars de PIB  en  2017  avec une superficie totale de l’UMA est de 5.8 millions km2 représentant 4,3 % de la superficie mondiale et dépassant de près de 80% la superficie de l’Union européenne, mais dont une grande partie est désertique ( le  17 février 2018, l’Union du Maghreb arabe (UMA) ayant  fêté son 30 ème  anniversaire), force  est de constater que  depuis sa création, l’UMA malgré toutes les résolutions et les discours politiques,  n’arrive toujours pas à se concrétiser et le bilan est très mitigé.  Si  l’on prend l’année 2017, selon les données de la banque mondiale  et du  FMI nous avons : -Algérie, un produit  intérieur brut (PIB) de 170,4 milliards de dollars pur une population de 41,32 millions d’habitants -Maroc, un PIB  de 109,1 milliards de dollars pour une population de 35,74 millions d’habitants -Tunisie, un PIB  40,2 milliards de dollars pour une population de 11,53 millions d’habitants -Libye, un PIB  de 50,9 milliards de dollars (baisse importante du fait des conflits internes)  pour une population de 6,37 millions d’habitants -Mauritanie, un PIB de 5,0  milliards de  dollars pour une population de 4,42 millions d’habitants Ce qui nous donne pour 2017 un  total un PIB pour le grand  Maghreb de 375,6 milliards  de dollars pour une population de 99,38 millions d’habitants. Si l’on soustrait le phosphate marocain et tunisien, le pétrole algérien et libyen  le PIB   serait inferieur à plus de 70%. A titre de comparaison, la Grèce malgré la crise  ayant un PIB de 200,30 milliards de dollars pour une population de 10,77 millions d’habitants et la Belgique pour une population de11,35 millions d’habitants a un PIB de 462,7 milliards de dollars. Un pays qui a une population supérieur de 20% , estimée en 2017 à   126,8 millions d’habitants, a un PIB  de  4872 milliards de dollars soit près de treize (13)   fois celui du Maghreb . Cela montre le long chemin qu’ont à parcourir l’Afrique et les pays du Maghreb dont les échanges intra-maghrébins  ne dépassent pas 3% et surtout sa marginalisation au sein de l’économie mondiale dont le PIB mondial pour 2017 a été de 79865 milliards de dollars pour une population de 7,44 milliards  d’habitants, le Maghreb en 2017 représenta  environ  0,5% du PIB mondial et l’Afrique avec un PIB d’environ 2500 milliards de dollars en 2017 représentant 3,13%.   Les raisons de ce faible taux d’intégration tant de l’Afrique du Nord que de l’Afrique noire, sont multiples : l’héritage colonial fait que les économies africaines restent largement extraverties et orientées vers les exportations de matières premières,  continuant de tout importer d’Europe et d’Asie, faute de filières industrielles endogènes capables de satisfaire des pans entiers de la demande sur les marchés intérieurs, pourtant en pleine croissance, le  manque de capitaux, d’infrastructures et mauvaise gouvernance. Sans compter les taxes douanières qui coûtent très cher. Tous ces problèmes de logistiques associés au manque de compétence des ressources humaines constituent un sérieux frein à la fluidité des échanges alors qu’une entreprise a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée. Certes, existent des entités régionales  telles que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ou la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (Ceeac). Mais plusieurs dissensions entravent leur bon fonctionnement. Il existe par ailleurs la barrière de la langue et de la culture entre les pays de la zone francophone et anglophone qui ne facilite pas le développement de l’intégration régionale.  

4. Les défis de l’Afrique, rivalités géostratégiques  et bonne  gouvernance

Le développement du XXIème siècle repose sur la bonne gouvernance et la valorisation du savoir. Une enquête menée en 2012 par l’UA/Nepad dans 19 pays africains montre que seuls le Malawi, l’Ouganda et l’Afrique du Sud investissent plus de 1% de leur PIB dans la Recherche-développement (R-D), contre de 0,2% à 0,5% pour les autres. Le rapport précité de l’Unesco souligne que l’Afrique ne consacre que 0,3% du PIB en moyenne à la R-D. C’est sept fois moins que l’investissement réalisé dans les pays industrialisés. Or, l’Afrique perd chaque année 20.000 professionnels comme conséquence de la «fuite des cerveaux», selon le bulletin de la Commission Européenne. Un tel exode influe négativement sur le continent dont le départ des compétences intellectuelles vers d’autres continents contribue à marginaliser l’Afrique dans les systèmes mondiaux du savoir. Le fait que ces personnes qualifiées et compétentes ne retournent pas dans leur pays  pour des raisons à la fois économiques et politises,  constitue la cause de l’impossibilité pour l’Afrique, d’entrer dans l’arène mondiale du savoir. Comme la bonne gouvernance implique de s’attaque au  poids de l’informel en Afrique, produit de la bureaucratie paralysante, favorise la corruption, variant selon les pays, mais dépassant d’une manière générale 60% de la surface économique. Pour certains pays, cette sphère emploie plus de 70% de la main-d’œuvre. Selon le Bureau international du travail (BIT), ce secteur fournit 72% des emplois en Afrique subsaharienne, dont 93% des nouveaux emplois créés, en comparaison avec le secteur formel qui n’emploie que près de 10% des emplois sur le continent. Au Maghreb (voir notre étude réalisée sous ma direction pour l’Institut français des relations internationales, Paris -IFRI décembre 2013, la sphère informelle au Maghreb, ) dépasse les 50% de la surface économique et emploi plus de 30% de la population active. Aussi, pour analyser les blocages en Afrique, on ne peut isoler les facteurs économiques des facteurs politiques. Le rapport conjoint BAD-GFI diffusé le 29 mai 2013 met en relief le fait que l’Afrique a pâti de sorties nettes de fonds de l’ordre de 597 milliards de dollars à 1 400 milliards de dollars, entre 1980 et 2009, après ajustement des transferts nets enregistrés pour les flux financiers sortants frauduleux, et que la fuite des ressources hors de l’Afrique au cours des trente dernières années – l’équivalent du PIB actuel de l’Afrique – freine le décollage du continent. Ce constat a été également mis en relief le 30 novembre 2016 à Dakar, par Amath Soumare, président fondateur de Sopel International et président du Centre africain de la Nouvelle économie, CANE Executive. Pour qui l’Afrique voit s’échapper chaque année 192 milliards de dollars causés par des flux illicites contre seulement 30 à 40 milliards d’aide au développement.  Ainsi, les dirigeants africains portent une lourde responsabilité devant leur population et doivent favoriser l’Etat de droit,  la lutte contre la corruption et les mentalités tribales, la protection des droits de l’Homme et s’engager résolument dans la réforme globale, donc la démocratisation de leur société tenant compte de l’anthropologie culturelle évitant de plaquer des schémas déconnectés des réalités sociales. Un partenariat gagnant – gagnant entre l’Afrique et les pays développés et émergents, sans oublier l’intensification des échanges intra-africains,   devient  urgent  car le   développement de l’Afrique sera profitable à l’ensemble des autres espaces économiques évitant cette migration clandestine avec des milliers de morts. Dans le cas contraire, il est à craindre des crises politiques à répétition. Bon nombre de citoyens africains traversent une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership avec le danger d’une polarisation de la société. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand. L’écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, d’éducation, de santé et de mobilité sociale avec des  conséquences pernicieuses sur l’accroissement du taux du chômage, sans compter le ma que de vision d’une politique d’aménagement du territoire avec une urbanisation accélérée (bidonvilles autour des grandes des villes)   

5- La responsabilité du devenir de l’Afrique est celle des Africains

Le 23 octobre 2001, au Sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) qui s’est tenu à Abuja, trois chefs d’Etat africains, constatant l’échec de tous les efforts fournis en matière de développement de l’Afrique, prennent l’initiative de proposer une nouvelle approche dans le traitement des problèmes que vit le continent africain. Cette initiative a été une synthèse entre deux plans : celui de l’Algérie, de l’Afrique du Sud du sud-africain, appelé «Millenium African Plan» (MAP) et celui du Sénégal (permettant à la France de se positionner) dénommé plan OMEGA. Ces deux plans sont fusionnés pour donner la «Nouvelle Initiative Africaine» (NIA). La NIA prendra plus tard le nom de «Nouveau Partenariat Pour le Développement de l’Afrique» ou NEPAD (de l’anglais «New Partnership for African Development»). Le NEPAD avait été conçu pour face aux difficultés que connaît le continent africain actuellement mais hélas son impact et très mitigé et cette initiative doit être à nouveau dynamisée au profit du continent. L’objectif au départ du NEPAD était par exemple de traduire en actes concrets notamment le problème de l’eau et de l’énergie. L’enjeu fondement du développement de l’agriculture qui devait reposer plus sur les cultures vivrières est un enjeu majeur du continent sans oublier les conflits comme ceux récemment entre l’Egypte et l’Ethiopie pour l’eau du Nil. Sans oublier le problème de la désertification en Afrique et donc également d’une véritable politique écologique, tenant compte de la protection de l’environnement et du cadre de vie dont les forêts. Car, il est prouvé mondialement ces dernières années dans les différents rapports de l’ONU, l’UNESCO, du Conseil Mondial de l’eau, que les ressources en eau vont poser un grave problème à l’humanité, les deux tiers de la planète dont l’Afrique, risquant de souffrir d’un manque d’eau grave en cas où les schémas actuels de la politique de l’eau restent inchangés. Quant à l’accès à l’énergie des pays africains qui en sont dépourvus, il était prévu le développement des infrastructures de transport et de communication, notamment les grands projets dans les énergies renouvelables  dont l’Afrique recèle d’importantes potentialités afin de  fixer durablement les populations par un développement durable et éviter ce mythe d’eldorado artificiel notamment l’Europe, l’Amérique ou l’Australie. Dans ce cadre, je voudrais  m’appesantir sur un facteur pour l’Afrique  qui me semble vital car toute promotion de la femme est un signe de vitalité de tourte société. L’apport à l’économie peut être considérable  estimé selon certaines études  entre 150 à 200 milliards de dollars de valeur joutée créés par ces femmes africaines en majorité au niveau de la sphère informelle, reflet non seulement de la richesse ou de la pauvreté économique, du niveau d’éducation et d’alphabétisation, de l’accès au marché de l’emploi mais aussi de différences socioculturelles et religieuse disparates en Afrique. Environ 24 % des femmes africaines créent leur entreprise, et en moyenne une femme sur trois déclare avoir un projet de création. C’est le plus fort taux de création d’entreprises (depuis la création jusqu’à 42 mois d’activité) constaté à l’échelle mondiale (contre 17 % en Amérique latine et Caraïbes, 12 % en Amérique du Nord et 8 % en Europe et Asie centrale.. Cependant deux chiffres interpellent : 39 % des entrepreneuses cessent leur activité parce que non profitable et 15 % parce qu’elles n’ont pas accès aux financements nécessaires pour se développer. D’où l’enjeu d’un accompagnement des femmes africaines, pour les former, créer des incubateurs, convaincre les investisseurs, structurer des réseaux grâce au numérique. On constate ainsi une forte diversité entre les pays africains, Pour l’Algérie la place de la femme entrepreneur en Algérie est très faible,  ne représentant selon un réent séminaire  pour 2017  que 16% et   selon les responsables du secteur dans le tourisme ,  parmi l’ensemble des artisans 30% de femmes, et 3400 femmes formées à l’entreprenariat, mais  un nombre qui reste en deçà des défis qui attendent le pays où les femmes sont appelées à jouer un rôle nodal dans la dynamique de relance économique. Mais, les femmes entrepreneurs  s’affirment depuis quelques années comme un élément incontournable de l’échiquier économique du pays. D’une manière générale,  l’émergence d’entrepreneurs dynamiques en Afrique implique de lever  quatre  contraintes  pour réussir un projet d’entreprise : premièrement la levée du problème du foncier ;  deuxièmement,  une politique de gouvernance basée sur des textes économiques clairs passant par la débureaucratisation/décentralisation  principal obstacle ; troisièmement, la réforme du système financier des outils de financement appropriés notamment pour dynamiser les PMI/PME qui ont la compétence mais n’ont pas suffisamment de garanties et suffisamment de  volume d’investissement conséquent pour financer les projets, et quatrièmement  une ressource humaine compétente passant par la réforme du système socio-éducatif  du primaire au supérieur en passant par la formation professionnelle.

En conclusion, les différentes rencontres internationales sur l’Afrique entre 2009/2018 ne sont  pas   innocentes car dans la pratique  des affaires n’existent pas de sentiments  mais que des intérêts. Les différentes rencontres avec les grands pays sur l’avenir de l’Afrique montrent surtout la rivalité du couple Etats-Unis/Europe –Chine, sans compter des pays  comme le Japon, la Turquie  pour le contrôle économique de ce continent vital. L’erreur fatale serait d’opposer en ce XXIe siècle les Etats-Unis et l’Europe qui ont le même objectif stratégique, bien qu’existent certaines rivalités tactiques de court terme, la stratégie des firmes transnationales tendant à atténuer les divergences et uniformiser les relations internationales. La situation actuelle impose d’analyser les grandes questions stratégiques et l’urgence d’un développement basé sur un partenariat gagnant- gagnant  donc de projeter   l’Afrique horizon 2025/2030.  Disons le franchement, les dirigeants africains portent une lourde responsabilité devant leur population devant  respecter davantage les principes de démocratie dont le fondement est la bonne gouvernance, donc la lutte contre la corruption et les mentalités tribales, la protection des droits de l’Homme et s’engager résolument dans la réforme globale. Il est donc impératif pour les pays développés et pour l’intérêt de l’humanité qu’à une vision strictement marchande se substitue un co-développement pour une richesse partagée. L’Afrique pour peu que les dirigeants dépassent leurs visions étroites d’une autre époque, a toutes les potentialités pour devenir un grand continent avec une influence, économique, dans la mesure où en ce XXIème siècle l’ère des micros-Etats étant révolue et que la puissance militaire est déterminée par la puissance économique. Pour cela, des stratégies d’adaptation au nouveau monde sont nécessaires pour l’Afrique, étant multiples, nationales, régionales ou globales mettant en compétition/confrontation des acteurs de dimensions et de puissances différentes et inégales. Face aux menaces communes et aux défis lancés à la société des nations et à celles des hommes, les stratégies de riposte de l’Afrique doivent être collectives, étant l’objet de toutes les convoitises. Le continent Afrique est un enjeu géostratégique majeur au XXIe siècle avec plus de 25% de la population mondiale avec d’importantes ressources non exploitées, sous réserve d’une meilleure gouvernance et d’intégration sous-régionales à l’horizon 2030/2040 l’axe de la dynamisation de la croissance de l’économie mondiale devant se déplacer de l’Asie vers l’Afrique expliquant en partie les tensions actuelles.  Face aux bouleversements géostratégiques, l’Afrique est appelée à se déterminer par rapport à des questions cruciales et de relever des défis dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils dépassent en importance et en ampleur les défis qu’elle a eus à relever jusqu’à présent. Mais avant tout, l’Afrique sera ce que les Africains voudront qu’elle soit. 

ademmebtoul@gmail.com

Références

-Pr Abderrahmane Mebtoul l étude réalisée pour l’Institut Français des Relations Internationales IFRI ( Paris –France novembre 2011)- Les relations Europe-Maghreb face aux enjeux géostratégiques  Le Maghreb face aux enjeux géostratégiques, le poids de la sphère informelle, Institut Français des Relations Internationales IFRI ( Paris –France décembre  2013)  -Conférence devant le  parlement européen novembre 2012-  le Maghreb, l’Afrique face aux enjeux géostratégiques Bruxelles –  -Le Maghreb face aux enjeux géostratégiques ouvrage collectif dirigé par le professeur Abderrahmane MEBTOUL et le docteur Camille SARI de la Sorbonne (36 auteurs maghrébins et européens, économistes, politologues-sociologues-militaires) – 2 tomes Edition Harmattan Paris -France 1100 pages 2015)   -Intervention du professeur Abderrahmane MEBTOUL rencontre internationale organisée par « L’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA) » le 26/30 janvier – Rabat/Maroc sur le thème « l’Afrique doit réinventer son économie » en partenariat avec la Fondation Charles Léopold Mayer pour les progrès de l’Homme, l’African Innovation et le Ministère français des affaires étrangères -Intervention du Pr Mebtoul au Sénat français , à l’invitation du professeur Jean-Pierre CHEVENEMENT ex président de l’Association Algérie-France et de la fondation Res Publica lors de la rencontre avec d’importantes personnalités des deux rives de la Méditerranée en partenariat avec l‘Union européenne le 17/02/ 2014 à Paris au sénat français  sur le thème-« Face aux enjeux géostratégiques, un co-partenariat entre l’Afrique et l’Europe, facteur de stabilité de la région»

Dr Abderrahmane MEBTOUL Professeur des Universités –expert international membre du conseil scientifique de la CAFRAD (Centre Africain de Formation et de Recherche Administratives pour le Développement –  Unesco)

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