7% de croissance économique en Algérie d’ici 2019 : est-ce ce possible ? - Maghreb Emergent

7% de croissance économique en Algérie d’ici 2019 : est-ce ce possible ?

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Pour l’auteur de cette contribution*, la réponse à cette question est oui, à condition, toutefois, de réaliser un taux de croissance hors hydrocarbures à deux chiffres. Or, un tel exploit, explique-t-il nécessite des mesures audacieuses en faveur des secteurs économiques productifs.

 

 

Les 4, 5 et 6 novembre passés, nous avons assisté à la Conférence sur le développement économique et social, évènement organisé par le ministère de l’Industrie et des Mines. Etaient présents, le gouvernement, l’UGTA, le patronat, les chancelleries étrangères, les chefs d’entreprises algériens et étrangers, les experts et tous ceux qui font bouger le monde économique national.

Dans son discours, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, s’est employé à expliquer que le gouvernement compte cette fois-ci se démarquer des anciennes pratiques et œuvrera pour une économie participative. 

Nous avons retenu en substance que : 

– l’économie nationale est ouverte à tous les partenaires, publics ou privés, nationaux ou étrangers ;

– les lois algériennes protègent tous les partenaires ;

– désormais, il n’y a plus de différence entre public et privé et l’Etat n’injectera plus de capitaux dans les entreprises publiques ;

– le ministre de l’Enseignement supérieur travaille sur l’ouverture prochaine, à Alger, d’un grand pôle d’excellence, orienté vers la formation des cadres administratifs et managers d’entreprises ;

– le gouvernement table sur un taux de croissance de 7% à l’horizon 2019 ;

– l’Algérie a les moyens nécessaires pour atteindre ce niveau de croissance, rapidement.

Et si, maintenant, nous essayions de comprendre la problématique de la croissance, devenue le cauchemar des politiques de l’ère moderne !

En Algérie nous avons toujours eu cette distinction, propre aux pays exportateurs de richesses naturelles, entre une croissance globale et une croissance hors hydrocarbure. Je pense, par ailleurs, que cette distinction est un bon réflexe. En 2013 l’Algérie a enregistré un taux de croissance consolidé de 3%, dont un taux de croissance hors hydrocarbure de 6,3% en volume du PIB. Tout en restant simpliste dans cette analyse, pour atteindre un taux de croissance consolidée de 7%, il nous faudra un taux de croissance hors hydrocarbure à deux chiffres, sachant que le volume des exportations d’hydrocarbures à tendance baissière contribue à la diminution du taux de croissance en volume du PIB.

Autrement dit, au vu de la conjoncture mondiale et avec toutes les volontés dynamisantes, accroître cette croissance hors hydrocarbures – laquelle, seule pour l’instant, est en mesure de stimuler la croissance consolidée – relèverait de l’exercice d’une grande rigueur, sans précédent, ceci en optimisant les facteurs de production par l’accroissement de leurs quantités, en améliorant la combinaison productive, en augmentant les capacités de production et, enfin, en utilisant les technologies à même d’augmenter la productivité. Cela en sachant que du point de vue théorique, la croissance résulte de trois paramètres fondamentaux : la quantité de capital utilisée, la quantité de travail utilisée et la productivité globale des facteurs.

 

Quels passages pour développer le secteur industriel algérien ?

 

Si nous voulons atteindre le taux de croissance de 7%, objectif réalisable, il va falloir passer en revue tous les éléments de la politique économique du pays et surtout opter définitivement pour le développement de la sphère de production.

Le pays s’est doté d’une variété de dispositifs à cette fin mais à chaque fois, l’hésitation prime sur la concrétisation, laissant ces initiatives et ces programmes sans lendemain. Je pense au dispositif de l’ANDPME, qui peine à démarrer car très mal conçu, et aux dispositifs de l’ANSEJ, CNAC et ANGEM, très mal encadrés et dont la finalité tend beaucoup plus vers le transfert social que vers le développement productif. Je pense aux programmes des fonds de financements, fonds de garanties, capital-risque, qui restent faiblement utilisés. Je pense aussi au foncier qui reste difficilement accessible, jusqu’à nos jours, malgré les différentes déclarations, prometteuses, des pouvoirs publics. Je pense aux deux programmes pour l’agriculture et du développement rural qui ne profitent pas aux objectifs tracés. Enfin, je pense au programme des zones industrielles, qui, malheureusement, n’ont pas été inscrits dans des réflexions d’économie territoriales. Il n’est pas trop tard ! Les dispositifs existent.

Selon un classement de la Banque mondiale pour 2013 (1), l’Algérie occupe la première place en termes de valeur d’opportunités d’investissement avec 76,14 milliards d’euros, devançant ainsi l’Afrique du Sud avec 73,01 milliards d’euros, l’Egypte, qui occupe la troisième place avec 42,05 milliards d’euros, et le Maroc, avec 33,59 milliards d’euros. Cela prouve que nous avons tous les moyens pour développer notre économie et que nos fondamentaux (agrégats macroéconomiques) sont solides. Il existe une stabilité politique et une évaluation avantageuse du risque pays en ce qui concerne les investissements. En revanche, un autre classement, de la Banque mondiale également (2), relatif aux facilités de faire des affaires (Easy of Doing Business), pointe l’Algérie au 153ème  rang, la reléguant ainsi au 18ème rang à l’échelle africaine dans un classement de 30 pays.

 

Qu’en est-il du syndrome hollandais en Algérie ?

 

Ironie du sort, nous ne pouvons pas vraiment parler de syndrome hollandais dans le cas de notre pays, pour la simple raison que la demande mondiale en hydrocarbures recule et que l’Algérie ne peut augmenter son quota à l’export.

Cette baisse est due essentiellement aux différentes crises qui ont frappé le monde globalisé et dont l’effet d’enchaînement n’en finit pas. C’est probablement la récession la plus profonde qu’a connu l’histoire des faits économiques du monde depuis sa création. Ce phénomène entre dans une logique cyclique à mesure que les rapports économiques changent de comportements et de concepts. Contrairement aux expériences passées, cette fois-ci la crise est globalisée ; sa sortie s’inscrit dans le temps.

Aujourd’hui, l’Algérie a les clefs de la réussite entre ses mains. Elle peut tranquillement rejoindre le club des pays émergents à la condition que notre gouvernement cesse d’hésiter et qu’il mette le cap sur l’impératif du développement de la sphère de production, ceci en maintenant les transferts sociaux le temps de renverser la situation d’économie rentière en économie productive. Par conséquent nous ne serions pas lucides si nous continuons à croire qu’avec cette politique de petites et timides mesures nous puissions atteindre ce grand objectif.

 

Des mesures courageuses s’imposent

 

Il est clair que de grandes réformes et des mesures courageuses s’imposent pour arriver à bon port. 7% de taux croissance est un objectif qui peut être atteint sans les mesures suivantes :

1 – L’attraction des IDE, un minimum de 10 milliard de dollars à l’horizon 2016, pour ce faire :

– réaménager la loi 51/49% en proposant 70% maximum aux étrangers dans le secteur industriel manufacturier et les services qui le soutiennent ;

– commencer par permettre aux entreprises championnes, après audit de performance, d’acheter des actions à l’étranger, seulement dans les secteurs d’activité qu’ils développent : ceci permettra un investissement vertical dont la finalité serait le transfert technologique. Car, en fait, en siégeant au conseil d’administration, le transfert de technologie sera effectué véritablement.

2. Une grande protection des industries naissantes à forte rentabilité. Cela consiste notamment à supporter le financement de ces projets à travers de nouveaux produits financiers et ainsi perfectionner le système financier algérien. Nous savons que de nombreux projets sont en cours dans ce sens-là. Il faut aussi apporter de véritables solutions aux problèmes d’appropriabilité : en subventionnant tous les frais de lancement liés à l’adaptation des méthodes de production à l’environnement local, la formation du personnel, la mise en place de chaînes logistiques, etc. Ces processus et réseaux pourraient servir à d’autres investisseurs. A titre d’exemple, il n’existe aucune chaîne organisée pour l’approvisionnement des produits agricoles pour l’industrie agro-alimentaire.

3. Le réaménagement des différents dispositifs, programmes cités ci-dessus en les dotant de dispositions claires afin de les rendre plus efficaces et performantes.

4. préparer les PME à emprunter le chemin de l’exportation en les modernisant et en adaptant leur management aux normes internationales, et ce, à travers un dispositif existant, tel que l’ANDPME, à condition de réaménager le contenu du mécanisme et de cibler les entreprises prêtes à cet exercice. Ces entreprises, bien accompagnées et mises à niveau, créeront un effet d’entrainement assuré pour d’autres entreprises.

5. Doter le conseil national du développement industriel de tous les outils modernes pour mener à bien sa mission. Il faudrait commencer par la création en son sein d’un Project management Office (PMO) ; cet organe se chargera de mettre en place un modèle de gouvernance pour l’ensemble des programmes et de la mise en place du suivi et du reporting liés aux différents projets de développement.

 

Lé génie politique est inefficace sans génie économique

 

Aujourd’hui, notre pays est acculé par des instabilités au niveau de ses frontières. Il est urgent de normaliser cette situation, aussi difficile soit elle, afin que l’Algérie puisse remplir son rôle de leader dans la région. Cette sortie de crise ne passe pas uniquement que par le génie politique et diplomatique, elle passera également par le génie économique.

Les Algériens lucides savent pertinemment qu’il est difficile, mais pas impossible, de rétablir la situation économique et d’aller vers des horizons de développement prometteurs, à la seule condition que le message politique soit clairement adressé à cet effet.

L’Algérie recèle une jeunesse très active, bouillonnante d’idées et prête à relever le défi tout comme la jeunesse du Brésil et de l’Afrique du Sud, pays des BRICS pauvres et opprimés il y a une vingtaine d’années.

La clé de réussite, est de canaliser tous ces flux avec stratégie.

 

Notes

(1) Classement de la banque mondiale daté de 2013 citer source * : formation brute de capital (Banque mondiale) 2013.

(2) Doing Business Report 2013 (Banque mondiale).

 

(*) Djamel Eddine Bouabdallah est general manager d’un cabinet conseil international. Il est doctorant en économie internationale. 

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