Dans cette contribution, Dr. Abderrahmane Mebtoul énumère les « cinq facteurs importants » des tensions budgétaires à venir, conséquence de la baisse des recettes pétrolières, et appelle à un « front social intérieur » pour affronter ces difficultés.
A- Des tensions budgétaires à venir : les cinq facteurs importants
1.- Lors du conseil des ministres en date du 22 juillet 2015, il est noté que les recettes attendues des exportations d’hydrocarbures sont de 34 milliards USD contre 68 milliards USD en 2014 et les prévisions d’importations sont de 57,3 milliards USD contre 60 milliards USD en 2014. Ce sont les recettes, devant déduire els charges de SONATRACH d’environ 25% ce qui donnerait un profit net restant de 25,5 milliards de dollars pour fiancer le reste de l’économie non compris les investissements programmées de SONATRACH.
2.- Dans son volet budgétaire, la loi de finances complémentaire prévoit près de 4953 milliards DA de recettes et des dépenses de 7588 milliards DA, seulement une baisse de 104 milliards par rapport à la loi de finances initiale, 2635 milliards de dinars de déficit budgétaire soit 28 milliards de dollars au cours de 98 dinars un dollar venant de dépasser depuis le 20 juillet 2015 la barre symbolique au cours officiel de 100 dinars un dollar. En rappelant que le dérapage du dinar voile l’importance du déficit budgétaire, un cours de 79 dinars aurait donné le montant de 33,35 milliards de dollars.
3.- Le fonds de régulation des recettes a fortement baissé chutant à 3.916,5 milliards de dinars à fin mars 2015 soit 40 milliards de dollars au cours de 98 dinars un dollar contre 4 488,1 milliards à fin décembre 2014 et 5 088,6 milliards à fin mars 2014 Au cours de 98 dinars un dollar, le fonds de régulation des recettes pourrait s’établir au 31/12/2015 à 30,61 milliards de dollars pouvant s’épuiser fin 2016, début 2017 au cours de 58/60 dollars le baril, le prix du gaz étant indexé sur celui du pétrole
4.- Quant aux réserves de change via la rente des hydrocarbures, qui tiennent la valeur officielle du dinar à 70%, si ces réserves tendaient vers zéro, cela contraindrait le gouvernement à une très forte dévaluation du dinar pouvant se coter à plus de 200 dinars un dollar et sur le marché parallèle l’euro s’échangerait à 300 dinars. Ces réserves étaient évaluées à 193,3 milliards de dollars à fin juin 2014, à 185,273 milliards de dollars à fin septembre 2014, 178,9 milliards de dollars à la fin décembre 2014, et à environ 160 milliards de dollars fin mars 2015. Au vu du montant des importations très faiblement compressé de la LFC2015, auquel il faudrait ajouter les importations de services, une moyenne de 10/11 milliards de dollars, plus les transferts légaux de capitaux, au cours moyen de 60 dollars les réserves de change devraient clôturer au 31/12/2015 entre 140/145 milliards de dollars et aux cours de 55 dollars, entre 135/140 milliards de dollars pouvant s’ épuiser au rythme de l’actuelle dépense publique vers 2019/2020, sauf endettement extérieur.
5.- Les transferts sociaux et les subventions représentent en 2014 60 milliards de dollars soit 27/28% du PIB permettant de soutenir le taux d’inflation officiel à environ 4%, sinon le taux d’inflation serait supérieur à 10% obligeant les banques à relever leurs taux d’intérêts pour éviter les faillites et le risque également d’une bulle immobilière pour tous les prêts bonifiés habitat et ANSEJ ANEM. La baisse des réserves via les recettes hydrocarbures obligerait à ainsi une réduction de la dépense publique qui accroitrait le taux de chômage déjà sous évalué à 11% par des emplois improductifs, 83% du tissu économique étant représenté par le petit commerce services, le secteur industriel représentant 5% du PIB et sur ces 5% plus de 95% sont des PMI-PME peu initiés à la concurrence internationale
B- Pour un front social interne
1.- Je ne saurai trop attirer l’attention, et c’est peut être une banalité de le répéter, que la baisse des recettes des hydrocarbures, menace la sécurité nationale. Le numéro de juillet 2015 de la revue DJEICH (revue de l’armée nationale populaire), pose la problématique stratégique de la sécurité nationale passant par la consolidation du front social interne face aux nouvelles mutations régionales et internationales qui se dessinent et particulièrement des dangers à nos frontières notamment de l’élargissement du champ d’action du terrorisme et du crime organisé.
2.- Le dernier conseil des Ministres à travers les orientations du président de la république, Ministre de la défense nationale, du vice ministre de la défense nationale chef d’Etat major de l’ANP et différentes interventions des services de sécurisé dont la DGSN ont attiré l’attention sur ce facteur essentiel. Nous espérons pour l’Algérie, face tant aux enjeux géostratégiques qu’aux nouvelles mutations internes que le statut-quo actuel soit dépassé et que le front social interne soit consolidé, existant, comme j’ai eu à le souligner récemment lors de mon intervention devant les cadres supérieurs de la DGSN, en date du 08 mai 2015, un lien didactique entre sécurité et développement, entre la moralité et la consolidation de front social interne que tout patriote souhaite ardemment.
3.- J’ose imaginer un front social intérieur devant tenir compte de nos différentes sensibilités, une Algérie où les nouvelles générations vivront confiantes et heureuses dans leur pays et où nous assisterons à un retour volontaire progressif des cadres expatriés. Car, l’extérieur que certains brandissent comme un épouvantail, sans proposer de solutions crédibles, ne peut agir négativement que si le front social a interne est lézardé.
4.- Mais la consolidation du front intérieur passe inévitablement par une moralité sans faille de ceux qui dirigent la Cité tant au niveau central que local afin d’éviter la démobilisation de la population au moment où des ajustements économiques et sociaux douloureux s’annoncent inévitables entre 2016/2020, la remontée à 90/100 dollars le baril n’étant pas pour demain surtout avec l’entrée en force de l’Iran début 2016 et les nouvelles mutations énergétiques mondiales. Car sans une coopération internationale régionale et mondiale de lutte contre le terrorisme qui est une menace planétaire et sans développement interne , le terrorisme se nourrissant également de la misère et de la mauvaise gouvernance de certains dirigeants, nous assisterions inéluctablement à une confrontation directe, forces de sécurité/population, nécessitant un apport financier considérable qui serait soustrait aux secteurs dynamisant le développement, rentrant alors dans un cercle infernal conduisant le pays à une éventuelle déflagration sociale.
(1) Le problème de l’approfondissement de l’Etat de Droit et de la démocratie en Algérie condition de la réussite d’une croissance durable liant efficacité économique et justice sociale a été longuement analysé depuis plus de dix années dans un ouvrage collectif d’une brûlante actualité coordonné par le professeur Abderrahmane MEBTOUL Edition Dar El Gharb Algérie juin 2OO4 en français- en arabe et anglais « Perspectives Algérie- Démocratie et Développement ».
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