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Opinions

A. Mebtoul : Le FCE a-t-il les capacités financières et humaines pour dynamiser l’économie algérienne ? (opinion)

Par Maghreb Émergent
juillet 31, 2015
A. Mebtoul : Le FCE a-t-il les capacités financières et humaines pour dynamiser l’économie algérienne ? (opinion)
Algérie Mebtoul

 

Les « grosses fortunes » algériennes pèsent-elles assez lourd dans la création de la valeur devant « les contraintes tant politiques qu’économiques qui se posent aux véritables entrepreneurs producteurs de richesses » ? C’est l’objet de cette contribution du Pr. Abderrahmane Mebtoul.

Cette brève contribution est une extension d’une interview que j’ai donnée courant 2012 à l’hebdomadaire international français « le Point » où je dressais une typologie du secteur privé algérien. En ce mois de juillet 2015, reprenant la majorité de nos recommandations largement diffusées entre 2008/2014 (www.golgle.com), le Forum des Chefs d’Entreprises FCE a fait une série de recommandations au gouvernement. L’objet de cette contribution est de poser clairement le poids du secteur privé algérien à la création de la valeur et les contraintes tant politiques qu’économiques qui se posent aux véritables entrepreneurs producteurs de richesses ? Les plus grosses fortunes ne sont-elles pas au niveau de la sphère informelle en n’oubliant pas les importantes fortunes à l’étranger (achat de biens ou dépôts dans des paradis fiscaux).

 

A.- Les principaux entrepreneurs privés algériens

Pour éviter des interprétations byzantines, la liste qui suit n’est pas exhaustive et ne traduit pas forcément le poids réel de chaque groupe. 1.-Nous avons le groupe CEVITAL qui s ‘est retiré du FCE pesant en chiffre d’affaires plus de 30/40% au sein de cette organisation, le plus médiatisé en Algérie, pesant environ 3,5 milliards de dollars en 2012, employant plus de 12.900 personnes et selon le PDG le chiffre d’affaires devrait aller vers 6,5 milliards de dollars courant 2015. Deuxième exportateur, il est aussi deuxième contribuable après Sonatrach. Les richesses créées par le groupe sont ainsi réparties : 59% en impôts et taxes, 40% en investissements et 1% en dividendes distribués aux actionnaires ce qui lui permet actuellement l’autofinancement et de déployer à l’international. 2- . Le Groupe HADDAD active dans les secteurs des travaux publics, de l’hydraulique et des transports. Les filiales Haddad sont les bitumes et pétrole Haddad, la maîtrise d’œuvre Berhto, Housing construction, Tourisme et hôtellerie, Savem et établissement Toyota Haddad. Le groupe ambitionne à s’ouvrir les portes de l’activité dans les hydrocarbures, après la société Kougp du groupe Kouninef, Il occupe aujourd’hui la deuxième place dans le secteur des travaux publics, emploie plus de 10 000 salariés Il est également le propriétaire du club de football algérien de l’USM Alger. -3- Le groupe RAHIM contrôlant ARCOFINA est un groupe algérien diversifié, dans des métiers aussi différents que la distribution pharmaceutique, la banque, les technologies de l’information, la grande distribution, l’hôtellerie, l’immobilier d’affaires et l’assurance. Filiale d’ARCOFINA, l’Algérienne des assurances (2A) employant 2000 personnes. En début 2009, le groupe occupe la une des journaux algériens pour son projet pharaonique d’Alger Medina qui selon son promoteur devrait créer 10 000 emplois et attirera 100 000 visiteurs par jour pour un investissement de 2,5 milliards de dollars- 4.-Nous avons le Groupe MEHRI a étendu son champ d’activité au monde des affaires internationales dès 1965. En tant qu’investisseur, il crée le GIMMO (Groupe d’Investisseurs du Maghreb et du Moyen-Orient) holding étrangère dont il est le principal actionnaire et fondateur. 5- Le groupe BENAMOR est spécialisé dans la filière agro-alimentaire et leader sur le marché national. Implanté dans la wilaya de Guelma, dans l’Est algérien, il est devenu leader sur le marché national en matière de tomate industrialisée et de s’affirmer de plus en plus parmi le top 3 des plus grands producteurs nationaux de semoule, de farine et de couscous d’affaires. 6- Le groupe OTHMANI -(Propriétaire de Coca Cola Algérie) avec, NCA Rouiba emploie plus de 500 travailleurs, donnés de 2012. 7- Le groupe BENHAMADI active dans l’informatique, électronique, électroménager. Avec un effectif de plus de 3 000 employés l’activité est concentrée dans la zone industrielle de Bordj Bou-Arreridj. Son premier responsable qui annonce son intention d’investir dans d’autres pays comme la Tunisie et le Maroc, voire même l’Afrique noire. – 8- Le groupe HASNAOUI, «Bâtiment» et «Agriculture», dont le siège est à Sidi-Bel-Abbès,( Ouest Algérie) en quatre Sociétés par Actions, par fusion et transformation des Sociétés à responsabilité limitée (Sarl) d’avant 2008. Le Groupe agriculture, regroupe la Société de Développement Agricole (SODEA), créée en novembre 2000 et la Société de Production de Plants Maraîchers (SPPM), fondée à la même date. Un des leaders, au plan national, dans le domaine du bâtiment et des travaux publics, emploie 1 500 collaborateurs avec une capacité de réalisation de 1 500 logements/an. La Sarl Hasnaoui est le concessionnaire principal de Nissan Algérie – 9- Le groupe BIOPHARM est un laboratoire pharmaceutique Algérien, indépendant, fondé en 1992 par Mr. Abdelmadjid Kerrar. L’agence française pour le développement international des entreprises (UbiFrance) affirme, dans une étude, que le groupe privé algérien Biopharm est classé au 1er rang des producteurs privés et des importateurs algériens de médicament en terme de chiffre d’affaires global (importation et fabrication). Le groupe compte emploie environ 1300 collaborateurs dont un tiers de scientifiques – 10- Le groupe SIM est aujourd’hui composé de huit filiales et a acquis «La Source» (Mouzaïa) et est un des premiers producteurs de couscous sur le plan mondial et il exporte vers 29 pays – 11- Le groupe HAMOUD BOUALEM qui est une entreprise familiale, fondée en 1889 à Alger par Youssef HAMMOUD. C’est une marque algérienne fabriquant diverses boissons, du sirop au soda et exporte également en Angleterre, au Canada et aux USA étant en concurrence avec les sociétés IFRI, Coca Cola et Pepsi – –12- Le groupe ATTIA (Batna) spécialisé en fabrication de briqueteries, tuileries, boissons, eaux minérales et de source, boissons non alcoolisées. –13- Le groupe EDEN (Cherif Othmane) qui active depuis bientôt 40 ans, principalement dans l’Ouest algérien (Oran), ses domaines d’intervention étant , l’industrie de transformation, le tourisme et l’hôtellerie, la promotion immobilière et le négoce et la distribution, employant, plus de 900 employés. – 14- Le groupe DENNOUNI avec un effectif de plus de 1000 personnes activant dans le BTPH, avec des productions intégrées, société en pleine expansion avec un chiffre d’affaires d’environ 100 millions d’euros. –15- Le groupe ALLIANCES /ASSURANCES employant plus de 300 personnes qualifiées investissant récemment dans l’immobilier et l’agriculture. -16 -Le groupe KOUININEF , allant de l’immobilier , au BTPH à l’industrie-17- Le groupe LA BELLE, qui assure la commercialisation de café, riz, couscous, farine- 18- Le groupe BELLAT, créée en 1970, qui s’est spécialisée dans la production et la commercialisation des produits carnés, étant leader en Algérie dans la production et la commercialisation des produits carnés.-19- Avec tout ce beau monde nous avons les privés ayant investi dans les filières lucratives, du lait et des eaux minérales. Mais il existe par ailleurs des centaines d’entreprises privées nouvelles performantes, animées par de jeunes entrepreneurs notamment dans les prestations de services, devant éviter la vision matérielle du passé, qui contribuent à la valeur ajoutée, comme l’entreprise SLC fournisseur de haut débit internet.

 

B.- Entraves au développement du secteur privé

Le secteur privé algérien s’est développé largement à l’ombre du secteur d’Etat selon le fameux slogan cher au parti FLN de secteur privé facteur complémentaire du secteur d’Etat. Ce qui le freine c’est l’environnement et la sphère informelle dominante en Algérie.

1.- Le milieu des affaires est peu propice aux initiatives créatrices de valeur ajouté à l’instar de la politique salariale qui favorise des emplois rentes au lieu du savoir et du travail. Cela explique selon notre enquête que les entrepreneurs cités, face à une concurrence étrangère (nombreux privés dans l’import) à laquelle ils n’étaient pas préparée, ont des filières d’importation afin d’équilibrer leur comptes globaux. Que l’on visite bon nombre d’anciennes zones industrielles (Est- Centre – Ouest ou la zone de Ghardaïa) et l’on constatera que bon nombre d’anciennes usines se sont transformées en aire de stockage expliquant d’ailleurs le dépérissement du tissu productif où l’industrie représente à peine 5% du produit intérieur brut. La raison essentielle sont les contraintes d’environnement : bureaucratie pour plus de 50%, un système financier administré, (plus de 90% des crédits octroyés sont le fait de banques publiques), un système socio-éducatif inadapté et enfin l’épineux problème du foncier. A cela s’ajoute du fait de l’ancienne culturelle, une méfiance vis-à-vis du privé tant local qu’international du fait que les tenants de la rente ont peu de perdre des parcelles de pouvoir. Cela explique d’ailleurs ces alliances entre la sphère bureaucratique et certaines sphères privées spéculatives mues par des gains de court terme via la rente. Or le véritable dynamisme de l’entreprise, qu’elle soit publique ou privée suppose une autonomie de décisions face aux contraintes tant internes qu’internationales évoluant au sein de la mondialisation caractérisée l’incertitude, la turbulence et l’urgence de prendre des décisions au temps réel. Par ailleurs, selon les données quantitatives du recensement économique (RE) effectué par l’Office national des statistiques (ONS) en 2011, le nombre d’entreprises recensées sur le territoire national a atteint 990.496 entités dont plus de 934. 250 entités économiques avec la «prédominance» du secteur commercial et le caractère «tertiaire de l’économie nationale plus de 83% du tissu économique global). Par ailleurs, cette enquête a révélé que le tissu économique national est fortement dominé par les personnes physiques à 95% (888.794) alors que les personnes morales (entreprises) représentent seulement 5%, soit 45.456 entités, ce résultat étant révélateur d’une économie basée essentiellement sur des micro- entités peu initiées au management stratégique. Les quelques cas analysées précédemment qui sont d’ailleurs confrontés à de nombreuses contraintes, ne peuvent permettre à eux seuls une dynamisation globale de la production hors hydrocarbures, nécessitant des milliers d’entrepreneurs dynamiques. Car si le secteur privé réalise 80% de la valeur ajoutée hors hydrocarbures du pays, qui ne représente d’ailleurs que 2/3% du total des exportations contre 97/98% pour Sonatrach, sa part dans l’investissement global est négligeable, certaines sources donnant 1,9/2% du total de l’investissement entre 2010/2013. D’une manière générale que représente le secteur privé algérien face au chiffre d’affaires de Sonatrach qui contribue directement et indirectement via la dépense publique/via les hydrocarbures à plus de 80% du produit intérieur brut ? A cela s’ajoute le manque d’unification des organisations patronales privées où sans être exhaustif nous avons la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) la Confédération générale du patronat (CGP-BTPH), la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA), la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA, la Confédération algérienne du patronat (CAP) , le Conseil supérieur du patronat algérien (CSPA), l’Association des femmes chefs d’entreprises (Savoir et vouloir entreprendre-SEVE), le Club des entrepreneurs et des industriels de la Mitidja (CEIMI). Quant au Forum des chefs d’entreprises (FCE), il regroupait en 2012 environ 499 entreprises qui peuvent corollairement appartenir à des associations syndicales, couvrant 18 des 22 secteurs économiques et représentant un chiffre d’affaires de 14 milliards de dollars, employant environ 105.000 salariés, le FCE étant considéré comme un Think tank (laboratoire d’idées) et non comme une organisation syndicale.

 

2.- Les plus grosses fortunes en Algérie ne sont pas forcément dans la sphère réelle mais au niveau de la sphère informelle notamment marchande avec une intermédiation informelle à des taux d’usure. Ici existe des données contradictoires, le premier ministre annonçant pour 2014 37 milliards de dollars et le nouveau ministre des Finances dans plusieurs déclarations publiques avant sa nomination entre 40/50 milliards de dollars. Selon Deborah Harold, enseignante américaine de sciences politiques à l’université de Philadelphie et spécialiste de l’Algérie se basant sur des données de la banque d’Algérie, l’économie informelle brasserait 40/50 % de la masse monétaire en circulation soit 62,5 milliards de dollars soit plus de quatre fois le chiffre d’affaires de toutes les grandes entreprises du FCE réunies. Ces données sont corroborées selon le quotidien arabophone El Khabar en date du 18 février 2013 citant un document du Ministère du commerce algérien pour qui existeraient 12.000 sociétés écrans avec une transaction qui avoisinerait 51 milliards d’euros au cours de 2012 soit 66 milliards de dollars. Les dernières mesures, tant des chèques que de l’obligation de déposer l’argent de la sphère informelle obligatoirement au niveau des banques algériennes qui sont actuellement de simples guichets administratifs, ignorent le fonctionnement de la société algérienne. On n’impose pas par la contrainte des mesures. Je préconise trois actions au gouvernement : Premièrement, la suppression de la taxe des 7% car si cet argent sert à dynamiser le secteur productif, à terme, c’est plus bénéfique par l’accroissement future de l’assiette fiscale. Deuxièmement un large emprunt national sous couvert de bons anonymes, dont les taux rémunérateurs approchent le taux d’inflation et la dépréciation du dinar par apport aux devises fortes, devant forcément dynamiser la bourse d’Alger. Troisièmement un décret exécutif, afin de redonner confiance aux citoyens, et éviter les erreurs des décrets de 2005 et 2011 qui n’ont jamais vu le jour, de séparer la fonction bancaire et du contrôle fiscal qui ne devra se faire qu’après une exécution judiciaire (cas de recyclage de l’argent de la drogue par exemple) pour la vérification des comptes, les contrôleurs fiscaux ou service de sécurité n’ayant pas à s’immiscer dans la gestion bancaire. Cette sphère contrôle au niveau de la sphère réelle 65% des segments des produits de première nécessité : fruit/légumes, marché du poisson, marché de la viande blanche/rouge et à travers des importations informels le textile/cuir, avec une concentration du capital au profit de quelques monopoleurs informels. Cette sphère liée à la logique rentière tisse des liens dialectiques avec des segments du pouvoir expliquant qu’il est plus facile d’importer que de produire localement. Mais il ne faut pas se tromper de stratégie. Nous avons de nombreux entrepreneurs dynamiques informels acquis à la logique de l’économie de marché qu’il s‘agit d’introduire dans la sphère réelle non par mesures administratives autoritaires mais par de nouveaux mécanismes économiques de régulation.

 

C.- En résumé, contrairement à certaines déclarations d’un certain segments du patronat privé qui veulent coller avec les déclarations du gouvernement, qui soutiennent cette règle dont aucun bilan n’a été fait à ce jour, appuyés par des segments rentiers , bon nombre d’entrepreneurs privés tant algériens, qu’américains ou européens, et d’autres critères comme une balance technologique, managériale et en devises positives pour l’Algérie, et selon nos enquêtes militent pour son assouplissement préférant la minorité de blocage pour les secteurs non stratégiques qu’il s ‘agira de définir avec précisions. L’Etat régulateur a un rôle stratégique en économie de marché afin de concilier les coûts sociaux et les coûts privés. Le secteur privé algérien a une attitude contradictoire tant vis-à-vis de la politique du gouvernement que de grands dossiers (OMC- Accord d’Association avec l’Europe, dossier de la privatisation). Le secteur privé national productif a besoin de plus d’autonomie et d’espaces de liberté, ne signifiant pas capitalisme sauvage. Le véritable nationalisme à l’avenir face à la baisse des recettes de SONATRACH qui peut conduire le pays à une cessation de paiement horizon 2020, en cas de non changement de la trajectoire socio-économique, supposant de profondes réformes structurelles, se mesurera par la contribution de tous les Algériens à la valeur ajoutée locale. Combien d’entrepreneurs privés ont investi dans la ressource humaine pivot du développement ? Vouloir des parts de rente en contreparties d’une soumission, ne rend service ni au secteur privé dans son ensemble, ni à l’Algérie qui a besoin d’entrepreneurs dynamiques investissant dans les segments productifs dans le cadre des valeurs internationales.

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