Le choix de Abdelaziz Djerad au poste de premier ministre est il une ouverture vers le Hirak populaire ?
Abdelmadjid Tebboune veut garder la haute main sur le pilotage politique de la gestion de crise et confier à son nouveau Premier ministre le chantier brûlant de la remise en état de marche de l’économie. C’est ce qui ressort des premières nominations à la présidence et de la première déclaration de Abdelaziz Djerad après sa nomination. Cela peut paraître tout de suite comme une grossière erreur. Le « président » désigné par feu le chef d’Etat-major aura du mal à devenir un interlocuteur du dialogue qu’il a évoqué avec le Hirak. Son Premier ministre est mieux outillé pour cette mission à haut risque. Il n’a pas d’affaires connues à son passif, il a une approche politique de l’action publique, fréquente les lieux de réflexion sur la production des solutions, et présente les gages non écrits qui rassurent le système, sans être exposé au public. Le confiner à une activité technocratique sans agenda politique est une maladresse opérationnelle. Qui s’ajoute à la fausse route de l’ère Gaid Salah.
Le politologue lui-même disait, à l’antenne de Radio Chaine 3, en avril dernier que la solution devait d’abord être politique et que le challenge était de rétablir la confiance par des mesures fortes. Après dix mois de défiance populaire soutenue dans les marches, cela est encore plus vrai que jamais. L’avènement de ce Premier ministre au cv Poutino-Gorbatchevien était-il sur la feuille de route de Ahmed Gaïd Salah ? Il y a de bonnes raisons d’en douter. Il ne serait même pas tout à fait sur celle de Abdelmadjid Tebboune, les deux hommes ne sont pas connus pour être particulièrement liés. Les choses se déroulent comme si un logiciel de l’Etat Profond c’était brusquement remis à marcher. Il serait activé en mode « sans échec », par des débris de la haute administration résiliente des années Bouteflika, d’un noyau pensant au sein de l’armée en tenue, de fragments du DRS éparpillés depuis longtemps mais toujours prêts à souffler des solutions, et par des clientèles politiques bienveillantes.
Un premier Ijtihad
La naissance du tandem Tebboune-Djerad serait donc le fruit d’un premier ijtihad. Qui en attend d’autres. Celui des partages des tâches, qui d’entrée, est problématique. Le gouvernement Djerad ne peut prétendre à aucun traitement du front « socio-économique » sans consensus politique préalable sur le mode du changement que réclament les Algériens dans le très grande majorité. Or, ce consensus ne peut naître que d’un dialogue politique avec les acteurs, dans leur diversité, du mouvement du 22 février.
Les Algériens vont scruter, sans beaucoup d’illusions, la marge d’indépendance du nouveau Premier ministre, dans la composition du gouvernement. Pour ceux qui descendent dans la rue, le dialogue est un non-sujet. Le cadre répressif doit d’abord disparaître.
Le dialogue sur le dialogue débutera ensuite. Ils ne veulent pas céder les plans de « la nouvelle république » (Tebboune) à qui que ce soit. Le changement démocratique est leur projet, ils en détiennent le code source. Ils détesteront les contrefaçons.
Dans un tel contexte, un scénario de consultations politiques à l’ancienne au palais d’El Mouradia est bien sur voué à l’impasse. Le système a tenu ses primaires le 12 décembre dernier. Il faudra maintenant permettre au camp populaire d’organiser les siennes. Avant d’ouvrir le dialogue. Si Djerad le comprend il mettra un pas dans celui d’un Gorbatchev de l’urgence, au chevet d’un système finissant. S’il cède à la logique sécuritaire liberticide en vigueur, il ne pourra même pas prétendre à devenir Poutine. Eltsine est enfermé à Zeralda et n’a pas préparé son successeur.