Intervenant hier sur les ondes de Radio M., la webradio de Maghreb Emergent, l’ex-PDG de Sonatrach et ancien ministre continue de plaider avec vigueur en faveur d’une nouvelle politique énergétique. Pour lui, les piliers de cette politique devront être à la fois la consolidation de la production d’hydrocarbures et le développement des énergies renouvelables mais aussi et surtout les économies d’énergie.
Comme beaucoup d’analystes, Abdelmadjid Attar avoue avoir été surpris par l’importance de la chute des prix pétroliers. L’ancien PDG de Sonatrach ne croit d’ailleurs pas au maintien des prix actuels du baril : « Des prix inférieurs à 25 dollars sur une longue période sont insupportables pour 50% de la production mondiale et particulièrement pour les gisements situés dans les pays avancés. » Il tente de relativiser l’effondrement des cours observé ces derniers mois en formulant une prévision de prix moyen sur l’ensemble de l’année 2016 qui devrait se situer, selon lui, entre 40 et 45 dollars le baril.
Marché de l’énergie : des « transformations fondamentales »
Prenant du recul par rapport à la situation actuelle du marché, l’expert pétrolier algérien décrit un certain nombre de « transformations fondamentales » qui vont structurer le marché pétrolier au cours des années à venir. Au premier rang d’entre elles figure l’émergence de l’économie du gaz de schiste dont on a, selon lui, « sous-estimé la résistance et la capacité d’adaptation ». En raison d’importantes avancées technologiques et de réductions des coûts de production, qui ont atteint souvent jusqu’à 40 %, ce nouveau compartiment de la production énergétique mondiale ne serait vraiment « « menacé qu’avec des cours pétroliers durablement inférieurs à 40 dollars ».
Le nouveau modèle de consommation énergétique qui se met en place rapidement dans les pays avancés, plus économe et moins demandeur en énergies fossiles, est une autre de ces transformations qui vont agir en profondeur sur la demande de produits pétroliers. Le ralentissement de la croissance mondiale est, enfin, un facteur conjoncturel récent, qui inspire de plus en plus d’inquiétudes, et dont on ignore encore s’il va peser durablement sur l’orientation du marché.
« Le retour de l’Iran sur le marché sera très progressif »
A plus court terme, pour expliquer son l’optimisme relatif, M. Attar évoque un possible rapprochement, « même de façade », entre les producteurs OPEP et non OPEP, ainsi qu’une « attitude moins agressive de l’Iran » qui pourrait faire remonter les cours. A propos de ce dernier pays, qu’il connaît bien, l’ancien ministre souligne que « les installations pétrolières iraniennes ont subi beaucoup de dommages au cours de la période d’embargo. Elles ne pourront pas permettre une augmentation de la production supérieure à 150.000 barils/jour dans l’immédiat. Cette augmentation pourrait, cependant, atteindre 500.000 barils/jour d’ici la fin de l’année « à condition qu’elle trouve preneur sur le marché ».
« Les économies d’énergie, le plus grand gisement »
C’est à propos du modèle énergétique national que M. Attar se montre le plus offensif. En droite ligne avec les positions très en pointe qu’il a adoptée dans ce domaine au cours des dernières années, l’ancien PDG de Sonatrach continue de décrire l’Algérie comme le « pays le plus énergivore de la Méditerranée ». Les récentes augmentations des prix du carburant sont loin d’être suffisantes et auront, selon lui, seulement un « impact psychologique ». Elles devront être suivies de beaucoup d’autres d’une ampleur comparable, estime Abdelmadjid Attar, qui regrette qu’on n’ait pas entamé ces ajustements beaucoup plus tôt. La chute des prix constitue, explique-t-il, « une opportunité pour prendre des mesures en matière d’économie d’énergie » : « [L’économie d’énergie] est le plus grand gisement dont dispose l’Algérie, qui pratique, avec des pays comme la Lybie ou le Venezuela, les prix de l’énergie les plus bas du monde. Nous vendons les carburants beaucoup moins cher que l’Arabie Saoudite ou l’Iran. Il faut maintenant agir pour nous rapprocher de la vérité des prix à travers une augmentation progressive et échelonnée qui nous permettra de mieux maîtriser la croissance de la consommation et de mettre fin au gaspillage et aux différents trafics. Le levier des prix est le seul efficace dans ce domaine. »
« Consolider la production de Sonatrach »
Si les réponses sont clairement à moyen terme dans le gisement considérable constitué par les économies d’énergie, l’ex-PDG de Sonatrach ne néglige pas le rôle de « la consolidation de la production nationale d’hydrocarbures ». Elle passe pour lui par le « rattrapage des nombreux retards pris en matière d’achat et de remplacement des équipements ou de renouvellement des modèles d’exploitation des gisements ». Un rattrapage qui peut permettre d’ « enrayer la baisse tendancielle de la production nationale d’hydrocarbures et d’envisager [son] augmentation dans une proportion de 3à 4% ».
Pour réaliser ces objectifs, Sonatrach ne peut, à court terme, compter que sur ses efforts propres. Dans la situation présente de réduction de ses ressources financières, M. Attar estime que la compagnie nationale ne devrait pas craindre de faire appel à des financements extérieurs, « non pas pour financer l’exploration, ce qui est impossible, mais dans le domaine de l’exploitation des gisements qui sont aujourd’hui financés en totalité par les ressources propres de l’entreprise ».
Energies renouvelables : « Sonelgaz n’y arrivera pas seul »
Dans le domaine des énergies renouvelables. M. Attar avertit : « On a pris beaucoup de retard. Sur les 22.000 MW annoncés dès 2011, on n’a réalisé pour l’instant que 353 MW en comptant les projets en cours. Il faudra d’abord beaucoup d’argent et ensuite changer le cadre réglementaire pour attirer de nouveaux acteurs et encourager de nouveaux modes de production et de consommation de l’énergie. »
Sonelgaz est-il le bon acteur pour réaliser un tel programme ? Bien qu’il préconise « la relance de la filiale de Sonelgaz chargée des énergies renouvelables », M. Attar souligne aussitôt que « Sonelgaz croule sous la pression de la demande d’électricité ». Il affirme donc comprendre très bien que e groupe « ne puisse pas être au four et au moulin » et que son PDG se soit montré peu enclin, dans ses interventions publiques récentes, à ériger le développement des énergies renouvelables en priorité. L’ex-PDG de Sonatrach conseille donc de « reprendre le bilan sur le cadre réglementaire et de favoriser l’intervention de nouveaux acteurs y compris en ouvrant la porte au privé ».