Affaire Belhimer / Khaled Drareni, la suite (Blog / Ali Bensaad) - Maghreb Emergent

Affaire Belhimer / Khaled Drareni, la suite (Blog / Ali Bensaad)

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Je veux couper court à tout faux-fuyant. Je déclare que je suis prêt à me présenter à la justice algérienne, en Algérie, avec mes documents. Je suis prêt à prendre ce risque malgré une justice algérienne aux ordres et le climat répressif en Algérie. Puisque la justice ne s’est pas saisie de la question comme elle se devait de le faire, c’est moi qui vais à la justice.
Je ne suis pas le seul à savoir ce que je sais sur M. Belhilmer et je ne serai pas le seul à en témoigner.
Je demande uniquement un engagement officiel et public qu’il ne sera attenté ni à ma personne, ni à ma liberté, notamment de circulation, et qu’on ne me fasse pas surgir une autre accusation. Je veux présenter mes documents à un juge, accompagné d’un avocat. Je ferai préalablement la même démarche auprès de la justice française pour authentifier mes documents et empêcher leur éventuelle manipulation ultérieure.
Que puis-je faire donc de plus ? La balle est complètement dans le camp du gouvernement dont Belhimer est ministre et porte-parole.

Les traces trop visibles des collaborations de Belhimer

Les soutiens de Belhimer commencent à admettre à demi-mot la réalité d’un dossier qu’ils niaient. Un « journaliste à képi » a tenté de me contacter comme il l’a fait il y’a plus de 20 ans pour tenter de jouer les intermédiaires. Le site Algérie1 qui fut l’organe de promotion de l’ancien premier ministre Sellal, fondé et dirigé toujours par l’officier du DRS qui fut l’officier traitant du ministère de la communication et l’obligé du sulfureux Mohamed Megueddem, boite noire et âme damné du régime, mort à Nice (Tiens, encore en France ?!), ce site ne nie plus la possibilité de l’existence d’un tel dossier. Dans un article écrit sous un pseudonyme qui cache mal son auteur, il avance, avec élucubrations, entre autre la possibilité que les « services français » aient pu me piéger en mettant ce dossier sur mon chemin et va jusqu’à me mettre en garde (moi ou qui d’autre ? ) que de toute façon ces services ne reconnaitraient pas l’authenticité de documents qui pourraient compromettre les relations franco-algériennes, rien que ça !
Je ne suis dans aucun secret et je ne sais pas si M. Belhimer a collaboré ou non avec les services secrets français. Je ne le saurai jamais et je ne me permettrai jamais de l’avancer comme le fait le pouvoir pour Khaled Drareni sans fournir la moindre preuve. Ce que je sais avec certitude, documentée, c’est que, 2 ans au moins avant d’être ministre, il a été en contact avec des militaires français de haut rang, échangé et produit pour eux des réflexions écrites sur l’Algérie et bénéficié pour ce faire d’au moins un billet d’avion. Par cela, je renvoie le pouvoir à ses propres suspicions sur les activités à l’international de ses citoyens, notamment intellectuels et activistes, et sa volonté de les criminaliser pour enfermer les Algériens dans un huis-clos et mener sa répression sans contraintes.
Je ne suis dans aucun secret. Je suis un chercheur qui va lui-même à la quête de faits y compris sur les terrains dangereux comme en Libye et au Sahel, et avec toujours la certitude que c’est dans la banalité du quotidien que se trouvent les vérités, y compris les plus cachées. La vie n’est pas une feuille blanche sur laquelle on passe impunément. On y laisse fatalement des traces contraintes. Le travail du journaliste d’investigation et du chercheur est de se donner la peine de pister ces traces, les recueillir, les relier entre elles et les restituer dans le contexte qui en permet l’interprétation. Les pires des dictatures et les moyens les plus sophistiqués ne peuvent tout effacer. C’est comme cela qu’éclatent les scandales dans les systèmes les plus fermés.

En se démenant pour se faire connaître et vendre, M. Belhimer a multiplié, par lui-même, les traces sur son sillage. Ses fragilités, c’est sa culture acquise dans la proximité du pouvoir algérien avec la croyance que les « décideurs », en France comme en Algérie, font les carrières, y compris académiques. C’est la fascination pour l’ancien colonisateur, aussi forte que l’énergie qui est mise à le nier, la croyance complexée en sa supériorité, la croyance infantile en l’infaillibilité de son système et la naïveté de s’y fier. C’est aussi le poids croissant de l’argent privé dans l’expertise stratégique qui fait que les agents de l’Etat en Europe ont aussi un pied dans le privé et que pour capter des financements, ils affichent leurs « collaborations indigènes ». Et même si le monde de « l’expertise » prend une place de plus en plus importante, il est souvent contraint, pour se crédibiliser, de recourir à des cautions académiques constituées, elles, d’électrons libres de toute institution et qui ne rentrent dans aucun jeu de dissimulation. Tout cela fait beaucoup de béances et de pistes pour un journaliste ou chercheur qui veut se donner la peine de savoir.

Voilà pourquoi je ne suis pas le seul à savoir ce que je sais sur M. Belhilmer et je ne serai pas le seul à en témoigner.

La France tant décriée dans le discours officiel est la résidence secondaire des élites du pouvoir, l’endroit où ils se relâchent de la gymnastique du double discours et où ils se débarrassent de leur masque pour respirer. C’est un magnifique observatoire à ciel ouvert de leur duplicité sauf pour ceux qui ne veulent pas voir ou ceux qui les protègent. Les nominations au bureau du DRS à Paris sont toujours l’objet de dures tractations et les trois dernières années ont connu un intense turnover avec des nominations et des rappels se contredisant. L’enjeu n’est pas sécuritaire ou diplomatique. C’est celui de la protection des intérêts de chacun des clans et la garantie de leur opacité. Ces mêmes services ont été par contre incapables de mener correctement un banal processus de validation d’identité pour la nomination d’un ministre, Samir Chaabna, qui était pourtant leur créature et qui, avant d’être ministre, comme député, était au cœur du système. Je ne veux même pas me poser la question sur ce que savait Samir Chaabna et sur ce qu’il en faisait, lui qui a ridiculisé tout le pouvoir et son discours nationaliste en renonçant à son poste de ministre pour la nationalité française.
Vous croyez ces mêmes services capables de faire une enquête sérieuse pour incriminer Khaled Drareni ?

Belhimer, au service de Sellal et Saïd Bouteflika et….. ?

Chaque fois qu’un journaliste ou chercheur réussit à lever le voile sur une affaire sérieuse, on ressort la théorie du complot qui a pour avantage supplémentaire de conforter les complaisants et de donner un alibi à ceux qui se délectent de leur propre impuissance.
Souvenez-vous du journaliste Mohamed Tamalt qui avait révélé des informations précises sur les prédations de la famille Sellal et qui se confirment aujourd’hui. Il est mort en prison où il a été jeté par vengeance par Sellal. Les mêmes qui défendent aujourd’hui Belhimer, avaient cherché alors à semer le doute sur la validité de ses informations en arguant qu’il était impossible à un simple journaliste d’y accéder. Le même site Algérie1 qui se fait aujourd’hui défenseur de Belhimer, a été jusqu’à lui trouver des connexions israéliennes en invoquant des « tuyaux » de la présidence.

L’histoire réserve toujours des clins d’œil cruels. Au même moment où Tamalt risquait sa vie pour dénoncer les détournements de la famille Sellal, Belhimer, lui, prend sa plume pour faire la promotion de ce même Sellal. Il obéissait aux injonctions de Saïd Bouteflika qui voulait donner à Sellal une stature de présidentiable pour multiplier les potentiels candidats afin de jouer de leur concurrence. Les traces sont toujours là malgré l’acharnement de Belhimer à les effacer. Je vous en livre une, un article de Belhimer, en annexe, C’est un chef d’œuvre d’obséquiosité où il nous vend Sellal comme un miracle fait homme et le qualifie affectueusement de « Grand frère idéal ». Quand on se vend à n’importe quoi, on est capable de se vendre à n’importe qui.
Dans ce même numéro vous trouverez la promotion du patriotisme du patron de la gendarmerie, de celui de la police, bref de tous ceux qui dorment aujourd’hui en prison pour avoir dépecé le pays. C’est avec ce compagnon de route de Sellal et de Saïd Bouteflika que se construit « l’Algérie nouvelle » ? Si prison il y’a, qui devrait y être Drareni ou Belhimer ?

La justice algérienne ne jugera jamais Sellal pour le meurtre d’Etat de Mohamed Tamalt. Mais l’âme de Mohamed Tamalt a fini par retrouver la trace de Sellal pour le hanter dans cette même prison où il l’a fait jeter. Elle retrouvera nécessairement la trace de Belhimer et celle de l’officier traitant qui officie à la tête du site Algérie1.

L’enjeu de l’emprisonnement de Khaled Drareni : couper les Algériens des opinions mondiales pour mieux les réprimer.

La guerre d’indépendance n’a pas été gagnée par les seules armes et pas par les Algériens seuls et isolés. Elle a été gagnée aussi parce les Algériens ont porté leur combat devant les opinions mondiales et françaises, parce qu’ils ont développé une stratégie d’alliance avec la société civile française dont les réseaux, en plus de leur aide matérielle et militaire (rappelons-nous les « porteurs de valise »), ont également déstabilisé de l’intérieur le pouvoir colonial en faisant basculer des pans de la société française dans le camp de la paix contre le lobby colonial. La mort récente de Gisèle Halimi, avocate du FLN, vient le rappeler. Gisèle Halimi qui a continué, avec d’autres, nombreux, à défendre les immigrés algériens en France et les Algériens persécutés par leur régime.

C’est de cette opinion publique solidaire que le pouvoir veut couper l’Algérie. Il a emprisonné Drareni parce que c’est un relai entre ces opinions et les Algériens en lutte contre le régime.
Le régime reproduit une vieille stratégie coloniale. Au début du 20ème siècle, alors que la France pour les besoins de son industrie, accueillait des immigrés de partout, les colons et les Bachaghas se sont opposés fermement au départ des algériens en France. Ils ne voulaient pas qu’ils voient autre chose, qu’ils soient contaminés par les syndicats et les partis. C’est pour cela que pendant des décennies, les émigrés algériens étaient surtout Kabyles car la Kabylie, montagneuse, n’intéressait pas les colons. Les colons avaient raison : c’est dans l’immigration que se sont constitués les premiers noyaux indépendantistes modernes comme l’Etoile Nord Africaine et des leaders comme l’émir Khaled ou Messali Hadj, au contact des syndicats et des leaders des autres peuples coloniaux comme les chinois ou les vietnamiens présents en France à l’exemple de Ho Chi Minh

Comme hier les colons et les bachaghas, le pouvoir veut isoler les Algériens, il ne veut pas qu’ils s’ouvrent sur l’extérieur. Son discours de haine et de peur avec le fantasme de la main étrangère vise à mieux isoler et enfermer son propre peuple pour mieux l’assujettir. Il veut faire de l’Algérie une Corée du Nord coupée du monde mais avec des zones franches ouvertes pour lui et ses enfants. L’enfermement de Drareni s’inscrit dans cette logique.

Le pouvoir se méfie même de sa diaspora car elle a vu autre chose. C’est pour cela, alors qu’elle regorge de compétences, il lui a choisi un clown comme ministre, Samir Chaabna, qui a ridiculisé publiquement le discours nationaliste du pouvoir en lui préférant la nationalité française

Le retour de bâton de l’enfermement culturel ou comment un premier ministre s’est ridiculisé par son ignorance :

Emboitant le pas à Kadhafi qui affirmait que Shakespeare était un arabe s’appelant Cheikh Zoubir, M. Djerrad a affirmé devant caméras que ce sont les conquérants arabes qui ont donné le nom de Pyrénées à la chaine éponyme, le dérivant de Burnous. Pourtant, plusieurs siècles avant que les conquérants arabes ne l’atteignent, cette chaine portait déjà ce nom comme l’attestent Plutarque ou Cicéron. En faisant de l’idéologie nationaliste au mépris de la science, il a fait mal à toute l’Algérie et à ses universitaires qui se sont sentis ridiculisés. Les Arabes ont suffisamment fait, en Espagne même, pour ne pas avoir besoin d’un tel délire.

L’enfermement culturel prive même de la connaissance de soi-même. Il faut s’ouvrir aux autres pour se connaitre. Les arabes ont restitué Platon à l’Europe qui l’a redécouvert, en Arabe, par le passage des Pyrénées justement. En cette période de régression et d’indigence de la production culturelle dans nos pays, nous pouvons, nous aussi, nous redécouvrir par les autres. M. Djerad aurait pu trouver, par exemples des éléments plus probants pour son discours chez cet homme qui, au plus obscure de la nuit coloniale, a produit une œuvre de référence sur Ibn Khaldoun, sur l’histoire culturelle de l’Algérie et son apport aux sciences, je cite à tout hasard, Yves Lacoste car il est le fondateur de l’Institut où j’enseigne.

Je m’adresse à vous M. Djerrad,
Nous savons tous les deux pourquoi vous avez cru utile de parler des Pyrénées. Je pourrais même vous donner le nom de celui qui, directement ou par l’intermédiaire de son ministre, vous a fait dire cette grosse bêtise qui marquera à jamais votre carrière. Rassurez-vous, je n’ai pas de micro dans votre bureau. Mais je connais bien ces conseillers. Pas personnellement, du tout. Mais par les traces de leur bêtise et le style des bêtises de chacun. Méfiez-vous d’eux. Ils ont encore moins de culture que vous et vous fourvoient. Ils glanent seulement des citations sur internet pour le vernis culturel. Mais leur duplicité surclasse la vôtre. Ils vous ruineront plus rapidement que vous ne le ferez vous-même.

Belhimer, Monsieur « Makech Sahafi »

De l’éphémère et pathétique ministre de la culture, fille de son père, on ne se souvient plus que de « Lastou Marfouda » (je ne suis pas rejetée).
De Belhimer, il ne restera que « Makech Sahafi » (Tu n’es pas journaliste) lancé contre Khaled Drareni qui l’a pourtant interviewé lui et son président.
Mais ce déni ne s’adresse pas seulement à Drareni, il indique la volonté de contraindre tous les journalistes, encartés ou non, à l’autocastration de leur qualité de journaliste. Mais ils vous survivront. Il y’a un capital de courage plus grand que vous ne pouvez l’imaginer. Ne vous réjouissez pas du climat de terreur dans la presse et le pays. Vous partirez plus vite que vous ne l’imaginez et il ne restera de vous que le « Makech Sahafi », monsieur Makech Sahafi, le sobriquet qui sera désormais le vôtre !

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