Dans les affaires liées au montage automobile et au financement occulte de la campagne électorale du 5e mandat, la première chambre pénale près la cour d’Alger a revu à la baisse les peines annoncées quelques semaines plus tôt.
Ces deux affaires lourdes de sens, impliquant plusieurs anciennes personnalités politiques et hommes d’affaires emblématiques des vingt ans du règne de Bouteflika, sont censées témoigner de la volonté du pouvoir de combattre définitivement la corruption.
Mais si les deux ex-premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal ont vu leurs peines confirmées en appel, des hommes d’affaires et d’autres responsables ont, quant à eux, vu la durée de leur peine baisser et d’eux d’entre eux ont même été relaxés.
Ainsi, la cour d’Alger a prononcé le 25 mars dernier, la relaxe au profit de l’ex-ministre des Travaux publics, Abdelghani Zaalane qui était aussi directeur de la campagne électorale du président déchu. La même décision de relaxe a été prononcée pour l’ex-PDG de la BNA, Aboud Achour.
La même cour a aussi revu à la baisse les sanctions retenues contre les ex-ministres de l’Industrie, Mahdjoub Bedda et Youcef Yousfi, en réduisant leur peine de 10 ans de prison ferme à 5 ans. Il en est de même pour les hommes d’affaires Ali Haddad, Hacene Arbaoui et Ahmed Mazouz, condamnés à 4 ans de prison, après avoir été condamnés en première instance à une peine de 7 ans de prison.
L’empreinte du politique
Depuis le début de ce procès au tribunal de Sidi M’Hamed, les principaux accusés dans ces deux affaires ont nié en bloc les accusations portées contre eux rejetant, pour certains du moins, le tort sur les autres. Les deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, ont décidément opté pour la même stratégie de défense. Ouyahia a assuré qu’il ne faisait qu’appliquer à la lettre le programme de l’ex-président déchu. Sellal, quant à lui, a demandé carrément la convocation d’Abdelaziz Bouteflika comme témoin. Chose qui ne s’est jamais réalisée.
Quant aux avocats des hommes d’affaires, ils ont rejeté toutes les accusations retenues contre leurs clients, à savoir le blanchiment d’argent, influence exercée sur des agents de l’Etat et financement occulte de la campagne électorale présidentielle.
Pour les avocats de l’homme d’affaires Ali Haddad, le dossier de leur client « a été traité politiquement ». Ils ont déclaré que leur client n’avait fourni aucun argent dans la campagne de Bouteflika pour le déclarer accusé. « S’il y a des faits pour lesquels la loi sanctionne, nous serons tenus responsables, mais si la politique entre dans la justice, il n’y aura pas de justice », ont-ils déclaré à la cour.
En décembre dernier, de nombreux avocats de la défense avaient décidé de boycotter ce procès, dénonçant une « parodie de justice » et un climat de « règlements de comptes ».
Pour le professeur en droit, Reda Deghbar, ces procès contre les acteurs du régime de Bouteflika ne sont qu’une mise en scène pour duper l’opinion publique.
« Ce qui est désolant c’est que cette opération de justice à travers laquelle le système en place prétend combattre la corruption, n’est qu’une mise en scène. Le système veut, à travers sa non-application des lois de la république, donner à ces accusés la chance de fuir la loi et de pouvoir les innocenter à la fin », a déclaré le professeur.
Pour Deghbar, tous ces agissements prouvent l’absence d’une volonté, de la part des tenants du pouvoir, de combattre la corruption et récupérer l’argent dilapidé. « Il est clair que ce système veut aller jusqu’à donner la chance à ces corrompus de fuir la justice », a-t-il souligné, en ajoutant : « le pouvoir a donné un aspect politique à ces procès pour donner l’impression aux Algériens qu’il est en train de combattre la corruption ».