La dette intérieure et les marchés obligataires devraient à l’avenir probablement jouer un rôle de plus en plus important dans le développement des pays africains qui ne pourront continuer à compter sur les revenus des exportations des matières premières et encore moins sur les financements extérieurs provenant, notamment, des pays avancés.
Cependant, l’augmentation des emprunts du secteur public pourrait avoir pour effet d’évincer l’investissement privé, a mis en garde la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) dans un rapport publié jeudi dernier.
Plusieurs pays africains font de plus en plus appel à des sources de financements nationales
La Cnuced, qui tenait jusqu’au 22 juillet sa quatorzième réunion quadriennale dans la capitale kenyane Nairobi, relève dans son rapport 2016 sur le développement économique en Afrique que «jusqu’à une période récente, les ouvrages concernant l’emprunt souverain et la dynamique de la dette ne s’intéressaient guère au rôle que la dette intérieure pourrait jouer dans le financement du développement (…) et mettaient l’accent presque exclusivement sur la dette extérieure». Mais depuis quelques années, «plusieurs pays de la région font de plus en plus appel à des sources nationales lorsqu’ils ont besoin d’augmenter l’emprunt net et adoptent des politiques visant à développer les marchés obligataires nationaux avec le soutien actif d’institutions financières internationales et d’autres organisations internationales». «En raison du rôle toujours plus important de la dette intérieure, les pays feront face à des risques nouveaux, à mesure que le nombre de créanciers et d’instruments de dette augmentera », selon l’institution qui estime que «compte tenu de son ampleur et de sa progression rapide, il sera important de prendre en considération la dette intérieure dans les évaluations de la viabilité de la dette publique».
«En tant que facteur de gonflement de la dette intérieure, l’augmentation des emprunts du secteur public sur les marchés nationaux pourrait avoir pour effet d’évincer l’investissement privé, car les marchés financiers sont peu développés» avertit l’institution.
L’emprunt intérieur pourrait entraîner une certaine instabilité macroéconomique
La Cnuced relève, en outre, que «les emprunts sur le marché national sont également source de préoccupation», car ils sont «souvent perçus comme étant incompatibles avec la possibilité d’assurer et de préserver la viabilité de la dette publique». «La libéralisation financière ainsi que les réformes dont elle s’est accompagnée depuis le milieu des années 1980 ont conduit à une hausse des taux d’intérêt réels nationaux. En conséquence, d’aucuns craignent que l’emprunt intérieur n’entraîne un certain degré d’instabilité macroéconomique dans les pays africains et que la charge élevée d’intérêts n’absorbe une part importante des recettes publiques, au détriment des dépenses qui réduisent la pauvreté et de celles qui stimulent la croissance», fait remarquer l’institution.
Le rapport indique que l’Afrique doit mobiliser 600 à 1200 milliards de dollars par an en vue d’atteindre les objectifs de développement durable et de lutte contre la pauvreté qu’elle s’est fixée. Cependant, les ressources budgétaires des gouvernements et l’aide au développement seront insuffisant compte tenu de l’ampleur de es besoins, c’est pourquoi «le modèle de financement de l’Afrique doit évoluer. A l’avenir, les pays devront s’appuyer bien plus sur leurs ressources intérieures».
Mobiliser l’argent des diasporas et lutter contre la corruption et l’évasion fiscale
La CNUCED conseille au pays africains de ne pas trop compter sur la dette pour financer son développement et de diversifier ses sources de financement, notamment en mobilisant l’argent des diasporas installées à l’étranger qui ont envoyé plus de 63 milliards de dollars sur le continent en 2014. Mais les transferts des migrants africains pourraient atteindre des montants plus importants si les Etats utilisaient de nouveaux outils comme les «obligations diaspora» pour mieux capter cet argent.
Elle propose également de promouvoir les partenariats public-privé, notamment pour financer les grands projets d’infrastructures et de renforcer la lutte contre les flux financiers illicites, à savoir ceux issus de la corruption, de la fraude fiscale ou des activités criminelles. A ce propos, le rapport affirme que «les flux financiers illicites ont fait perdre 854 milliards de dollars au continent africain entre 1970 et 2008, soit 22 milliards par an». Un tiers seulement de ce montant aurait pu suffire à effacer la totalité de la dette extérieure africaine, estimée à 279 milliards de dollars en 2008, fait remarquer le document.