Ahmed Gaïd Salah-Hirak : et maintenant on fait quoi ? - Maghreb Emergent

Ahmed Gaïd Salah-Hirak : et maintenant on fait quoi ?

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L’initiative des élections du 12 décembre était un pari risqué. Elle prend l’allure d’une aventure déraisonnable après la mobilisation spectaculaire de ce 1er novembre 2019.  L’impasse et les scénarios pour y rester. Où en sortir.

Plusieurs scénarios sont possibles après le déploiement d’une mobilisation d’envergure des Algériens, ce vendredi 1er novembre, en faveur du départ du régime et contre les élections qu’il organise le 12 décembre. Le plus probable est celui, bien sûr, du maintien du processus électoral comme si de rien n’était. L’Autorité en charge du vote rendrait les résultats de l’étude des dossiers de candidatures au plus tard cet après-midi, et les candidats retenus se mettraient sur la ligne de départ de la campagne présidentielle comme prévu dans l’agenda électoral.

Dans le contexte hostile à la tenue d’un scrutin sous l’ère Bensalah-Bedoui, ce scénario risque de tourner dans le vide d’un vase clos civique. Les Algériens en sont sortis le 22 février. Et les « candidats » sont menacés de se retrouver bien seuls. Dans ce scénario, le plus probable, il existe deux variantes. Plus de répression ou moins de répression. Le choix d’emprisonner des leaders naturels du hirak pour ouvrir la voie à la re-légitimation du système par un scrutin électoral sur mesure a échoué. Il faudra soit réprimer beaucoup plus largement sans garanties de résultat. Soit changer de démarche et jouer l’apaisement afin d’introduire un minimum de quiétude autour du processus électoral.

Ahmed Gaïd Salah a tranché mercredi dernier la délibération pour tout le monde. Pas de détente. Son intervention dans le rôle d’un magistrat de cour, valait pour ceux qui ont porté, selon lui, « atteinte à l’emblème national ». En réalité, c’est un message pour tous les détenus. Pas d’apaisement.

Elan inertiel vers les élections ?

Si l’option paraît donc écartée d’une inflexion de la politique répressive qui pourtant n’a pas empêché des millions d’Algériens de continuer à sortir au point de culminer dans une mémorable journée du 1er novembre,  l’option inverse, celle d’un recours plus fort à la répression n’est pas à écarter pour faire place nette au vote. Elle est de fait contrariée par la grève des magistrats. Elle même conséquence non prévue d’un emballement de la machine répressive qui a induit des résistances plus souvent passives qu’actives dans les tribunaux ? La tentation de mettre en prison des lanceurs d’alerte sur les réseaux sociaux, des administrateurs de pages facebook hirakistes très suivies, ou encore des militants associatifs très actifs sur le front du Hirak, est alimentée par des « spin doctors » improvisés dans les services comme recours pour enfin décapiter la mobilisation populaire. Ce point de vue s’est sûrement ébranlé après cette semaine historique qui a vu se multiplier les actions de résistance, entre journée de grève dans l’éducation nationale avec rassemblement des syndicalistes de la CSA, marche des avocats, dissidences des juges, et protesta festive des Algériens le soir du 31 octobre en bande d’annonce du lendemain. Difficile d’espérer mieux – sur le court terme du 12 décembre- avec plus d’arrestations et d’incarcérations. La trajectoire qui se dessine est celle inertielle, d’une poursuite du dispositif actuel, sans idées, du régime. Sans mesures de détente ni à l’inverse de nouvelles mesures de répression qui alourdissent la barque. Après la validation des candidatures, un dispositif de sécurité spécial protégera les candidats pour qu’ils puissent tenter d’approcher les Algériens et leur parler de leur avenir. Le risque de contact rugueux est réel. Les dérapages aussi. Qui en tirerait le plus profit ?    

La main peut repasser à l’opposition

Le lendemain du 1er novembre peut aussi ouvrir la voie à un autre scénario. Il ne serait plus le fait de Ahmed Gaïd Salah – ordonnant la convocation du corps électoral puis le maintien en détention des prévenus du drapeau- , mais celui des acteurs de la société civile et de la classe politique.

Une première réunion consultative le 24 août dernier à la Safex avait soulevé beaucoup d’espoirs en la possibilité d’un plan de règlement politique portée solidairement par la quasi totalité de l’opposition, partis et personnalités, réunis à l’initiative des dynamiques de la société civile dites du 15 juin.

Ce processus, chahuté par la convocation le 15 septembre dernier du corps électoral, a dû attendre une décantation en son sein (repli de Benflis et de Bengrina) avant de se remettre en route ces derniers jours, aidé en cela par la déclaration des 20 personnalités qui signifiait que le vote du 12 décembre, dénoncé par les manifestants, n’allait rien régler.

Le 1er novembre 2019 et son message tonitruant, apportent du carburant au processus poussif du 24 août pour la relance d’une solution politique.  Une nouvelle offre politique globale et unitaire, qui ne serait ni tout à fait celle des forces du changement  (Ain Benian 06 juillet), ni celle du Pôle de l’alternative démocratique (PAD, 26 juin), est à nouveau poser sur le métier à tisser des médiateurs dans la société civile et dans les partis. A-t-elle besoin de se prononcer sur le vote du 12 décembre prochain, comme ne le souhaite pas Abderezak Makri ?  La mobilisation du 1er novembre transcende les horizons. L’Algérie n’est plus gouvernable selon les méthodes que reproduit au pas militaire, l’actuel chef d’Etat-major. Il faudra inventer une autre voie vers la légitimé représentative et pas seulement une autre légitimité que celle qui a prévalu jusque là.  Le chantier de cette invention est définitivement celui de l’opposition et des élites militantes issues du mouvement populaire. C’est-à-dire exactement le territoire des acteurs qu’a ignoré le panel de Karim Younes, durant le court moment politique qu’a concédé Ahmed Gaïd Salah à Abdelkader Bensaleh. Le 1er novembre populaire vient de redonner la main aux élites populaires pour se hisser à la hauteur du moment historique. Et inventer le sentier politique de l’avenir. L’interlocuteur militaire serait, finalement, bien heureux de trouver une telle offre politique sur la table. Lorsque les décombres du projet présidentiel, en bric et en broc, lui seront retombés dans sa cour des miracles.

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