L’objet de cette présente contribution, à partir des données officielles, est de présenter objectivement le bilan financier de l’Algérie entre 2005/2014, afin d’éviter le scénario dramatique des années 1986, d’analyser les impacts de la chue du cours du pétrole sur l’évolution de la balance commerciale, de la balance des paiements et donc sur l’évolution des réserves de change et du fonds de régulation des recettes. S’impose une loi de finances complémentaire pour 2015 si l’on veut éviter une dérive budgétaire.
1. Quelle est l’évolution de la structure de la balance commerciale et de la balance des paiements en rappelant que pour le calcul à prix constants, il faille tenir compte du taux d’inflation et de l’évolution des taux de change. Ainsi le taux de change pour un euro en 2001 était de 69,20 dinars et 77,26 dinars un dollar ; en 2012, 102 dinars pour l’euro et 77 dinars pour le dollar ; en 2013, 105 dinars pour un euro et 79 dinars pour un dollar et le 11 avril 2015 nous avons 104,56 dinars un euro et 98,78 dinars pour un dollars. Les importations de biens, à prix courants, sont évaluées à 39, 294 milliards de dollars en 2009 au moment de la loi de finances complémentaire instaurant le crédit documentaire le CREDOC et la règle des 49/51% 40,472 en 2010 ; 46, 453 en 2011 ; 47,490 en 2012 ; 55,028 en 2013 et 58,330 en 2014. Le taux d’intégration des entreprises publiques et privées ne dépassant pas 15% , fonctionnant en majorité avec de la matière première importée, les biens intermédiaires sont passées de 17,423 milliards de dollars en 2012, à 17,536 en 2013 et à 17,475 milliards de dollars en 2014.Comment dès lors cibler les crédits à la consommation normalement destinés à la production nationale dont le taux d’intégration dépasse les 40% et ce crédit généralisé ne risque t-il pas de conduire à l’accroissement des importations de cette rubrique? Mais il y a lieu outre les importations de biens analysés précédemment, d’inclure des importations de services, en majorité appel aux bureaux d’études étrangers dont plus de 70% proviennent de Sonatrach/Sonelgaz et du BTPH. Ainsi selon la banque d‘Algérie les services, ont représentés en 2013 10,77 milliards de dollars donnant un total des importations de biens et services de 65,76 milliards de dollars et en 2014 11,70 milliards de dollars avec un total d’importation de biens et services de 71,14 milliards de dollars. Ce sont les sorties de devises sans les transferts légaux de capitaux dont les transferts courants nets ont été de 2,79 milliards de dollars en 2013 et 3,30 milliards de dollars en 2014. Cela traduit la faiblesse pour ne pas dire l’inexistence de bureaux d’études pluridisciplinaires complexes dans la majorité des secteurs sans lesquels aucun développement fiable à terme ne peut se réaliser renvoyant à la ressource essentielle dans tout pays qui est la ressource humaine.
2-Les exportations sont à dominance d’hydrocarbures. Ici, je dois souligner que selon un rapport de fin mars 2015 de l’Agence gouvernementale américaine d’information sur l’énergie (EIA), à ma disposition que les recettes de Sonatrach ( à ne pas confondre d’ailleurs avec le résultat brut d’exploitation devant déduire les charges d’environ 25% pour avoir le profit net) aurait été de 56 milliards de dollars et non de 63 en 2013, de 48 milliards de dollars en 2014,et non de 59 soit un écart de 11 milliards de dollars. Il appartient à la banque d’Algérie et au Ministère de l’Energie d’éclairer l’opinion publique sur cet écart de 11 milliards de dollars. Et éventuellement pour voir si la méthodologie de calcul de l’EIA correspond à celle de Sonatrach, certains pays ne prenant en compte que les exportations brutes du pétrole et du gaz et non les dérivées. Car pour la banque d’Algérie dans son rapport officiel, repris par le FMI, les exportations d’hydrocarbures ont été de 63,66 milliards de dollars en 2013 58,34 en 2014, et durant les mois de janvier/février 2015 de 5,152 milliards de dollars contre 10,396 pour la même période 2014 soit une chute de près de 50%. Ainsi le solde de la balance commerciale a été de 24,376 en 2012 ; de 9,946 en 2013 et seulement de 4,626 en 2014 en n’oubliant pas que le cours moyen entre le premier semestre (plus de 105 dollars le baril, le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole) et le second semestre a été selon la banque mondiale de plus de 85 dollars. Cependant, la balance commerciale ne couvre que les biens, les services. Aussi la balance des paiements est le document de référence qui permet de quantifier la solidité économique et financière d’un pays. .Si l’on prend les données de la banque d’Algérie pour seulement 2013/2014 les revenus des services facteurs nets sont négatifs moins de 4,52 milliards de dollars pour 2013 et 4,88 milliards de dollars pour 2014. La balance courante accuse un solde positif d’un milliard de dollars en 2013 mais un solide négatif de 9,11 milliards de dollars fin 2014. Le solde global de la balance des paiements a été de 130 millions de dollars en 2013 et négatif de 5,88 milliards de dollars fin 2014.
3.-Quels sont les impacts des tensions au niveau de la balance des paiements sur les réserves de change et le fonds de régulation des recettes ? La société des hydrocarbures ne créant pas de richesses ou du moins très peu, elle transforme un stock physique en stock monétaire (champ de l’entreprise) ou contribue à avoir des réserves de change qui, du fait de la faiblesse de capacité d’absorption, sont placées à l’étranger (environ 83%). Ainsi, les recettes de Sonatrach ayant été entre 2000/2014 de plus de 760 milliards de dollars et plus de 580 milliards de dollars d’importation, la différence est les réserves de change actuelles. Les réserves de change étaient de 193,3 milliards de dollars à fin juin 2014, à 185,273 milliards de dollars à fin septembre 2014 et de 178,9 milliards de dollars à la fin décembre 2014, soit 15,6 milliards de dollars de moins que les 193,3 milliards de dollars enregistrés fin juin 2014. Cela s’explique par la cadence des importations de biens et services, la chute du cours du pétrole et également de la dévalorisation monétaire d’une partie des placements effectués en euros du fait de sa dépréciation par rapport au dollar. Ces réserves, non compris les 173 tonnes d’or d’une valeur monétaire d’environ 7 milliards de dollars au cours actuel, incluent le quote-part au Fonds monétaire international de 1,96 md de DTS (près de 3 milliards de dollars), s’ajoutant à la décision de l’Algérie en octobre 2012 de participer à l’emprunt lancé par le FMI avec un montant de 5 milliards de dollars. Ces placements des réserves de change à l’étranger tant en bons de trésor américains, en obligations européennes et dans des banques privées internationales cotées dites AAA , le rendement a été de 4,60 en 2010, de 4,45 milliards de dollars en 2011 et pour 2013 selon le gouverneur 3,155 milliards de dollars en 2013, reflétant un taux de rentabilité de 1,66% . Cependant il faut éviter une vision de sinistrose par rapport à 1986 où à cette époque commençait le niveau d’endettement et les réserves de change étaient presque nulles. Ainsi grâce au remboursement par anticipation, la dette à moyen et long terme est passée de 22,44 milliards de dollars en 2001 à 2, 068 en 2013 et la dette extérieure de 22,70 en 2001 à 3,396 en 2013 et à 3,666 milliards de dollars à fin 2014. D’une manière générale, si l’on maintient le niveau des dépenses de 2014 pour 2015, l’on devrait normalement puiser dans les réserves de change environ 30 milliards de dollars en 2015. Si l’on maintient le rythme et la même structure des dépenses à dominance publique, le versement de salaires sans contreparties productives durant la période 2015/2020, les réserves de change devrait s’épuiser horizon 2020/2021.
4.-Qu’en est-il de l’impact sur le niveau du fonds de régulation des recettes qu’il s’agit de ne pas confondre avec les réserves de change ? Le fonds de régulation des recettes résulte de la différence entre le prix de vente moyen annuel des hydrocarbures et le plancher de la loi de finances de 37 dollars, le premier étant géré par la banque d’Algérie et le second par le trésor. C’est la reconversion de la devise hydrocarbures en dinars algérien. De ce fait, un dérapage du dinar de 10 à 15% gonfle artificiellement le fonds de régulation des recettes de 10 à 15%. Il en est de même des importations en euros reconvertis en dinars au niveau de la douane où les taxes douanières se calculent en référence au dinar. De ce fait un dérapage du dinar tant par rapport à l’euro que par rapport au dollar gonfle la fiscalité hydrocarbures et ordinaires voilant la réalité du déficit budgétaire. A fin 2014, les avoirs du FRR s’étaient établis, après prélèvements, à 4.408,4 mds de DA contre 5.563,5 mds de DA à fin 2013, soit .cours de 95 dinars un dollar, 47 milliards de dollars, en signalant que loi de finances 2015 paradoxe, a été établi sur la base d’un cours de 79 dinars un dollar. La loi des Finances 2015 prévoit un déficit budgétaire de 4.173,3 mds de dinars, au cours de 95 dinars un dollars 44 milliards de dollars. Or, le budget de fonctionnement et d’équipement réuni selon la banque mondiale ne peut se réaliser que sur la base d’un cours de 120 dollars (37 dollars étant un artifice comptable). Ainsi si le cours moyen pour 2015 s’établit à 60 dollars et en prenant comme hypothèse qu’une chute d’un dollar par baril occasionne un manque à gagner d’environ 600 millions de dollars , en moyenne annuelle, les recettes de Sonatrach alimenteront le fonds de régulation des recettes que de 14 milliards de dollars donnant un total fin 2015 de 61 milliards de dollars , restant au 01 janvier 2016, en cas du maintien des dépenses prévues par la loi de finances 2015 que 17 milliards de dollars pour le fonds de régulation des recettes. En cas d’un cours entre 50/55 dollars le cas serait encore plus dramatique qu’en 1986 du fait de la pression démographique 40 millions fin 2015 allant vers 50 millions horizon 2030 et de l’exigence nouvelle des populations. Il s’en suivrait l’inévitable dévaluation du dinar, un processus inflationniste et la fin des subventions généralisées qui ont représentées 60 milliards de dollars en 2014, soit 27/28% du produit intérieur brut. Il devient urgent de prendre des mesures de rationalisation des choix budgétaires ciblées, de mieux gérer les réserves de change, de lutter contre la mauvaise gestion et la corruption, d’avoir un Etat de Droit, afin d’éviter les tensions sociales, voire politiques au sein d’une région qui devrait connaitre d’importants bouleversements géostratégiques. Devant différencier stratégie et tactiques, cette démarche de sortie de crise doit être sous tendue par le développement des libertés politiques, économiques, sociales et culturelles, l’Etat de Droit, évitant les instabilités juridiques perpétuelles, produit de rapports de forces contradictoires, qui découragent tout investisseur qu’il soit national ou étranger. [email protected]
(*)Professeur des universités, docteur d’Etat (1974) -expert international –