Le démantèlement de la LFC 2009 va finalement prendre les deux premières années de la chute du prix du pétrole. C’est le temps de l’administration algérienne. Qui réagit vite dans le sens de la fermeture.
Et qui ne sait pas réagir dans celui, plus complexe, du retour d’expérience. Pourtant, le bilan est bien là. La LFC 2009 a été le plus grand désastre de politique économique depuis l’annulation du plan Valhyd par le premier gouvernement Chadli. Elle a aggravé la sortie des capitaux par les surcoûts d’importation et elle a freiné leur entrée par l’éviction des IDE.
Difficile de faire pire. Mais cela ne suffit toujours pas pour décider rapidement de la suppression de la lettre de crédit comme moyen de paiement dominant des importations.
De même que cela n’a pas l’air de conduire à la restriction de la règle des 51/49 aux quelques filières stratégiques qui peuvent le justifier. Pire encore. Dans le camp présidentiel, l’intention prêtée au gouvernement d’abandonner le droit de préemption est identifiée comme la preuve que le président Bouteflika n’est pas au courant de ce qui se déroule sous sa supposée autorité.
Comme si le droit de préemption systématique était le marqueur identitaire des convictions économiques du président Bouteflika. Alors qu’il s’agit d’une dérive sectaire de la LFC en date de 2009. C’est rappeler poliment à Mme Toumi, que son président de la République a dirigé dix années sans systématiser le droit de préemption.
D’où tenter d’en réduire la portée aujourd’hui aux grands partenariats public-privé n’est pas la trahison scandaleuse qu’elle cherche à traquer en demandant d’aller vérifier si le Président a toute sa tête. Cette résistance au démantèlement de la LFC 2009 refuse donc de voir la réalité. Plus de 30 milliards de dollars de déficit prévisionnel de la balance des paiements en 2015. Des transferts illicites colossaux au titre des importations.
30% de leur volume, a dit le ministre du Commerce avant de chercher à se démentir lui-même. 15 milliards de dollars de surcoûts engrangés par les banques étrangères sur six années pour honorer l’obligation de la lettre de crédit faite aux importateurs algériens (étude rapportée par El Khabar).
Une baisse spectaculaire des Investissements directs étrangers (IDE), passés d’une moyenne de 2,2 milliards de dollars par an les trois dernières années avant la LFC 2009, à une moyenne inférieure à 1,3 milliard de dollars par an depuis cette date. Résultat, l’Algérie ne figure même pas dans le top 15 des pays africains pour l’accueil des IDE.
Avec cette nécessité pour M. Belaïb, ministre du Commerce de recourir à l’opinion pour dénoncer le Crédit Documentaire et cette passe d’armes désuète sur le droit de préemption, il se profile un écart résiduel dans la perception de la conjoncture.
Le consensus autour des réformes n’est donc pas fait. Le simple retour à l’avant-LFC 2009 s’avère si compliqué. Alors que pour les spécialistes, il est déjà anachronique. Le virage compétitif qui attend l’Algérie est à angle de plus en plus serré.
Les exportations hors hydrocarbures de l’Algérie ne vont pas décoller en 2015. Ni en 2016. Ici, c’est encore plus complexe que le simple retour à l’avant-LFC 2009.
Car l’Algérie n’a jamais, depuis sa sortie du modèle colonial primaire, su exporter vraiment hors énergie. Un homme pense que c’est possible. Ali Bey Nasri vient d’être réélu à la tête de l’association nationale des exportateurs algériens (ANEXAL). Son raisonnement est simple. Ce que peuvent faire les voisins maghrébins, l’Algérie peut tendanciellement le faire.
A commencer par l’exportation des produits frais. Ali Bey Nasri estime qu’il existe une réserve de 1,5 million d’hectares de terres agricoles, qu’il faut dédier majoritairement à l’exportation. C’est-à-dire que l’attribution des concessions sur ces nouvelles terres agricoles doit être liée à un plan d’exportation.
Vers quels marchés ? Le plus grand du monde, celui de l’UE, est fermé à «l’élément agricole». Le président de l’ANEXAL propose de remettre totalement à plat l’accord d’association avec l’UE pour s’ouvrir la porte fermée de ce marché après avoir donné de manière asymétrique un accès privilégié à l’Europe en Algérie. «Il faut le faire selon une approche à la grecque» ; une approche politique et non pas ligne tarifaire par ligne tarifaire. Ali Bey Nasri sait de quoi il parle. Lorsque l’Algérie a signé l’accord d’association en 2002, elle l’a fait avec l’Europe des 15.
Depuis, l’Europe en est à 28 membres et six autres pays sont dans le sas d’entrée. Le périmètre de la négociation n’était pas celui-là. La Roumanie, qui fait partie des nouveaux entrants à l’UE, a multiplié quasiment par dix des exportations vers l’Algérie qui échappent aux droits de douane avec le démantèlement tarifaire.
En sens inverse, des exportations de produits manufacturés (Cevital) qui n’étaient pas concernés par le contingentement en Croatie sont tombés sous le coup des quotas et donc sous celui de la surtaxation (pour ce qui vient au-dessus du quota), lorsque la Croatie est entrée dans l’UE. Les arguments sont donc nombreux pour renverser la table dans l’approche d’un nouvel accord de libre échange avec l’UE.
A une condition : avoir autre chose à exporter que des produits énergétiques. La Tunisie et le Maroc arrivent à couvrir à hauteur de 80% et de 60% leurs importations à partir de l’UE avec des exportations hors énergie et hors matières premières. Il suffirait presque de les imiter. En commençant par exemple par dédier des zones offshore à l’exportation. Elles représentent 60% des exportations tunisiennes.
Dans le cas de l’Algérie, le gap dans la performance à l’exportation est tellement grand que le recours à cette solution de la zone franche où l’administration algérienne est maintenue à distance en devient l’équivalent du recours aux Chinois pour le rattrapage dans le logement et les équipements.
Maintenir l’administration à distance pour accueillir des exportateurs ? Pas suffisant. Il faudra aussi s’occuper de la banque d’Algérie. Le premier obstacle à l’exportation en Algérie, de l’avis des membres de l’ANEXAL, est à mettre au passif du Conseil de la monnaie et du crédit (CMC). Le retard de rapatriement des revenus des exportations est puni de prison par un dispositif du CMC.
L’incident de paiement ? Le CMC ne prévoit rien d’autre que la pénalisation. Et ne veut pas changer. Pour le gouverneur de la Banque d’Algérie, financer en devises des importateurs de cailloux et de fausse marchandise est manifestement moins choquant.
Les stocks de pétrole ont atteint un record dans le monde avec 3 milliards de barils. C’est l’AIE qui l’annonce. Le marché est protégé sur son front de l’offre en 2016. Même un hiver rigoureux sur l’hémisphère Nord ne changerait pas le niveau de confort de l’approvisionnement. Or, les prévisionnistes annoncent plutôt un hiver doux en Amérique du Nord et en Europe.
L’offre de pétrole non Opep, que la guerre des prix en cours visaient à faire sortir du marché va continuer donc à baisser avec des prix durablement non rémunérateurs. Mais pas suffisamment pour compenser la stagnation de la consommation de produits énergétiques carbonés dans le monde industriel.
D’où une première tentation de l’OPEP de réduire la course aux volumes mis sur le marché pour amorcer un semblant de retour à la maîtrise de la production. L’inflexion n’est pas pour tout de suite. Il faudrait pour cela sans doute que les cours replongent nettement sous les 45 dollars.
Il y a un an, la réunion de l’Opep à Vienne annonçait une ère de chacun pour soi dans le management de l’offre de pétrole sur le marché mondial. La sortie de cette ère est lointaine. Le gouvernement algérien a mis longtemps à le comprendre. D’ailleurs l’a-t-il compris vraiment ?