Le Huffington Post Algérie analyse, dans cet article, un récent décret présidentiel qui a pour objet d’encadrer les missions judicaires du redoutable Département du Renseignement et de la sécurité (DRS, Renseignements militaires).
Un décret présidentiel daté 11 juin 2014 portant création, missions et organisation du service d’investigation judiciaire de la direction de la sécurité intérieur du Département du Renseignement et de la sécurité (DRS) a été publié dans le Journal Officiel n°32 daté du 12 juin 2014.
Le décret porte sur la création d’un service d’investigation judiciaire au sein de la direction de la Sécurité intérieure du Département du renseignement et de la sécurité du Ministère de Défense nationale et fixe ses missions et son organisation. Il signe le retour formel, sous une autre dénomination, du service de police judiciaire du DRS, dissous en septembre 2013.
Le service d’investigation judiciaire de la direction de la Sécurité intérieure est dirigé par un « officier supérieur nommé conformément aux dispositions règlementaires en vigueur au sein du ministère de la Défense nationale ». Ses activités s’exercent, selon l’article 2, sous la « surveillance du Procureur général et le contrôle de la Chambre d’accusation du territoire de compétence, et ce, dans le respect des dispositions du Code de procédure pénale et du Code pénal ».
La sécurité du territoire, le terrorisme, la subversion et le crime organisé
Le décret présidentiel du 11 juin 2014 ne cite pas les enquêtes anti-corruption dans le secteur économique comme faisant partie des missions du DRS. L’article 5 stipule que les missions du service d’investigation judiciaire de la Direction de la sécurité intérieure portent, sous la supervision du procureur territorialement compétent, sur « la sécurité du territoire, le terrorisme, la subversion et le crime organisé ».
Les enquêtes « anticorruption » dans le secteur économique ne sont pas citées formellement comme faisant partie des prérogatives du service d’investigation judicaire. Mais certaines notions sont suffisamment larges pour que des affaires liées à la gestion de grandes entreprises publiques stratégiques comme Sonatrach puissent entrer dans la définition de la sécurité du territoire.
Il est clair, comme le note le site Yagool, que « l’absence d’une évocation claire du crime économique reflète les polémiques qui ont précédé la publication du décret sur le rôle du DRS dans la lutte contre la corruption. Mais, concrètement, la défense de la sécurité du territoire, domaine de compétence naturel de tous les services de renseignement du monde permet au général Toufik d’intervenir comme il le veut dans le domaine économique ».
Que deviendra l’enquête sur la gestion de Chakib Khelil ?
Le 3 février dernier, une sortie inattendue et sans précédent du secrétaire général du FLN, Amar Saadani, contre le général Mohamed Mediene, dit Toufik, patron du DRS, avait accrédité l’idée que les enquêtes menées sur des affaires de corruption impliquant Sonatrach et l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, étaient effectivement la source de tensions au sein du régime.
L’ancien ministre de l’Energie, qui fait aujourd’hui l’objet d’un mandat d’arrêt international, est un proche d’Abdelaziz Bouteflika. Amar Saadani avait accusé directement le DRS d’avoir fait « éclaté, soi-disant, le scandale de Sonatrach pour cibler Chakib Khelil qui est l’un des cadres les plus intègres et le plus compétents de l’Algérie. » « C’est à son époque que Sonatrach a doublé sa production. Et que le pays a épuré sa dette », avait-il déclaré.
Cette défense de Chakib Khelil – directement cité par une enquête judiciaire en Italie comme un destinataire de pots-de-vin versés par Saipem, une filiale du groupe italien ENI – accréditait l’idée que la « réorganisation des services » visait à lui enlever cette capacité à enquêter sur le secteur économique.