Le gouvernement examinera, mercredi, un décret exécutif pour l’instauration du paiement par chèque. La mesure concernera dans un premier temps, les transactions immobilières et l’acquisition de matériels roulants.
Selon une source au Premier ministère, qui s’est confiée à Maghreb Emergent, le décret exécutif « fixant le seuil applicable aux opérations de paiements devant être effectuées par les moyens de paiement à travers les circuits bancaires et financiers », qui sera présenté en conseil du gouvernement, a adopté une nouvelle approche. Il s’agit de fixer un seuil à chaque type de transaction « susceptible de constituer un foyer pour le blanchiment d’argent ».
Le décret fixe des seuils à partir de cinq millions de dinars pour les transactions immobilières et un million de dinars pour l’acquisition du matériel roulant, d’équipement industriel neuf, de véhicules de tourisme et utilitaires, pour lesquelles le paiement par chèque sera obligatoire. D’autres biens de valeur auprès de marchands de pierres et matériaux précieux ainsi que d’objets d’antiquités et œuvres d’art sont également concernés par ce décret.
Entrée en vigueur après la présidentielle
Notre source ajoute que le dispositif vise, entre autres, à contribuer « à la lutte anti blanchiment, à la lutte contre l’évasion fiscale et à l’atténuation des activités informelles » et, à « limiter la circulation fiduciaire et atténuer l’usage du cash ». En définitive le nouveau texte de loi vise à « élever le niveau de bancarisation et d’insertion des transactions commerciales dans les circuits bancaires » en Algérie.
Au plan pratique, le texte n’entrera en application que le 01 juillet 2014 «pour permettre aux opérateurs de se préparer à l’application », ajoute notre source.
La double reculade du gouvernement
Le nouveau texte est largement en retrait par rapport au décret de 2010 qui fixait le seuil de l’obligation d’utilisation du chèque à partir de 500.000 DA pour toutes les transactions commerciales. Mais le gouvernement Ouyahia avait été amené à « différer » l’application de la mesure, au lendemain des émeutes de janvier 2011 suite à des hausses brutales des prix des produits alimentaires, l’huile et le sucre en particulier. Les pouvoirs publics soupçonnaient alors fortement des barons de l’informel, que la traçabilité financière inquiétait, d’être derrière les émeutiers.
Autre reculade du gouvernement, le texte proposé aujourd’hui exclut tous les grossistes de l’informel et n’est applicable que pour deux secteurs (immobilier et matériel roulants) avec des seuils quasiment multipliés par 10.
35 milliards de dollars hors-circuit bancaire
Le secteur de l’informel domine largement l’économie algérienne au point d’en représenter une grave menace pour les PME. Les statistiques sur la part du PIB qui échappe au Fisc avancés par des experts et jamais démentis officiellement sont faramineux. Dans son intervention lors d’un colloque sur la relation entre les banques et les entreprises, organisé le 15 octobre 2012 à l’hôtel El-Aurassi à Alger, le PDG de la banque HSBC, Rachid Sekkak, avait estimé que l’équivalent de plus de 35 milliards de dollars circule hors circuit bancaire en Algérie. Cela représente 18% du produit intérieur brut (PIB).
Transactions informelles en hausse
Le gouvernement justifie la non application du décret de 2010 « en raison de l’environnement qui n’a pas été suffisamment préparé à cette opération, notamment en matière d’organisation des réseaux commerciaux ». Au vu de l’état des lieux aujourd’hui, les choses n’ont pas tellement changé, estiment des économistes qui considèrent que la progression des transactions illicites est vertigineuse et touche l’essentiel de l’économie hors secteur public.