Mouloud Hamrouche se démarque de l’opposition. Il met en garde contre les fausses bonnes idées, comme une élection présidentielle anticipée des décisions économiques allant dans le sens de la libéralisation mais sans préalable politique.
Abdelaziz Bouteflika appartient au passé. Mohamed Mediène, c’est déjà du passé. Ahmed Gaïd Salah, encore en poste, a lui aussi son avenir derrière lui. Quoi que puissent faire ces trois hommes pour tenter de durer, un mouvement de fond est en train de faire glisser l’Algérie vers de nouveaux horizons, sur lesquels ils n’ont plus de prise. Le destin de l’Algérie ne leur appartient pas, parce qu’ils n’ont pas su préparer le terrain pour de nouvelles conquêtes.
Il y a peu, ces hommes avaient encore la main. Ils ont raté le coche. Le verdict de Mouloud Hamrouche sur leur bilan est très dur. Ils ont, moralement, perdu le droit de vouloir peser sur l’avenir du pays, dit-il. Il y a dix huit mois, à la veille du quatrième mandat, ils avaient la possibilité de placer le pays sur une orbite nouvelle. Hamrouche avait tenté de les grandir, pour les pousser plus haut et leur permettre de sortir par la grande porte. Il était allé jusqu’à prendre le risque de les comparer aux mythiques trois B, Krim Belkacem, Lakhdar Ben Tobbal et Abdelhafidh Boussouf, ceux qui avaient tenu le sort de l’Algérie entre leurs mains et maintenu le cap d’une ligne dure jusqu’à l’indépendance.
Visiblement, Mouloud Hamrouche a forcé la dose. Abdelaziz Bouteflika, Mohamed Mediène et Ahmed Gaïd Salah n’en avaient pas l’envergure. Ils ont gâché une ultime chance de sortir par le haut. Rattrapés par leurs petits calculs et leur appétit de pouvoir, ils ont préféré protéger le clan plutôt que d’entrer dans l’histoire. Ils quitteront la scène par la petite porte. Ils laisseront un pays menacé, angoissé, proche de la crise de nerfs ; un pays où ni le grade ni la fortune n’offrent la moindre assurance, comme le montrent les affaires Benhadid et Rebrab.
Gare aux fausses bonnes idées
Il reste donc à envisager de faire l’Algérie sans ce trio. Et là, les pistes sont nombreuses et les tentations très fortes. Les appétits de uns n’ont d’égal que les ambitions des autres. Tout ceci est légitime. Mouloud Hamrouche, cependant, met en garde contre deux fausses solutions qui guettent le pays. Elles paraissent d’autant plus dangereuses qu’elles ont de nombreux supporters.
La première concerne l’élection présidentielle réclamée par l’opposition et présentée comme une sorte de sésame pour régler les problèmes du pays. Nombre de partis et de personnalités la revendiquent, certains en faisant la première étape d’une sortie de crise. Estimant, à tort ou raison, que leur tour est arrivé, ces dirigeants insistent pour demander une présidentielle anticipée. D’autres, se plaçant dans la peau d’hommes politiques « légalistes », attendent tout simplement la fin ou l’interruption du mandant du président Bouteflika pour lui succéder dans une élection à l’algérienne.
Pour Mouloud Hamrouche, cette option est erronée. Elle ne fera que renforcer l’impasse. Pour une raison évidente : les mécanismes politiques et administratifs qui ont présidé aux élections présidentielles durant les deux dernières décennies sont intégralement en place. Ils déboucheront sur le même résultat, avec un président désigné par les lobbies les plus puissants et non un président élu.
Une telle situation créerait évidemment des frustrations que le pays ne peut supporter. Dans l’incapacité d’organiser, dans l’immédiat, des élections honnêtes, autant aller à une autre formule, pour offrir au pouvoir qui va se mettre en place une légitimité acceptable et préparer les conditions d’une élection réellement libre.
Solutions inopérantes
La seconde solution en vogue concerne l’économie. Les experts parlent des mesures à prendre, en allant parfois dans le détail. A l’exception de rares courants à la marge, les mesures prônées poussent vers une plus grande libéralisation, en offrant des facilités aux détenteurs d’argent. Les subventions sont également visées, parfois à raison quand il s’agit de leur côté inefficace et gaspilleur, parfois avec des sous-entendus non avoués.
Sur ce volet, Mouloud Hamrouche a un point de vue tranché. Certes, reconnaît-il, « les suggestions et propositions qui ont été avancées sont techniquement recevables pour une économie en crise ». Mais, ajoute-t-il, « elles sont inopérantes » en Algérie, « à cause de la spécificité structurelle de notre économie ». Selon lui, « les réalités économiques algériennes ne sont pas totalement saisies et maîtrisées ». Résultat : « Les recommandations qui en résultent ne sont pas toujours fiables », et « aucune solution de type économique et financier n’aura d’effet ». En tout état de cause assure-t-il, « il n’y a pas de solutions rapides pour le court terme ».
Mouloud Hamrouche ne laisse qu’un chemin très étroit pour une sortie de crise. Ce qui le pousse à inviter les partenaires politiques à « la lucidité » d’abord : ne pas se tromper dans le diagnostic pour ne pas s’engager dans des solutions illusoires. Ensuite concevoir une solution réaliste et lui donner toutes les chances de succès, en réunissant un consensus pour ne laisser personne sur le bord de la route. Ce n’est visiblement pas l’équipe qui a dirigé le pays depuis 1999 qui va réaliser ce projet.