Algérie: la réforme du code des investissements en question sans une bonne Gouvernance - Maghreb Emergent

Algérie: la réforme du code des investissements en question sans une bonne Gouvernance

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Encore un nouveau code d’investissement en Algérie, en ce mois de juin 2016 , après tant d’autres sans impact sur la production hors hydrocarbure. Or toute loi est adaptable en fonction de nouvelles situations devant privilégier uniquement la création de valeur ajoutée. Le développement hors hydrocarbures ne saurait résulter de lois mais d’une réelle volonté politique allant vers une libéralisation maîtrisée, un rôle stratégique à l’Etat régulateur, conciliant efficacité économique et justice sociale, évitant l’idéologie dévastatrice.

 

1.- Je rappelle que l’économie algérienne a connu différentes formes d’organisation des entreprises publiques. Avant 1965, la forme d’autogestion était privilégiée ; de 1965 à 1980, nous avons eu de grandes sociétés nationales et de 1980 à 1988, il y a eu la restructuration des grandes sociétés nationales. Comme conséquence de la crise de 1986 qui a vu le cours du pétrole s’effondrer, des réformes timides sont entamées en 1988 : l’Etat crée 8 Fonds de participation qui étaient chargés de gérer les portefeuilles de l’Etat. En 1996, l ‘Etat crée 11 holdings en plus des 5 régionaux avec un Conseil national des privatisations ; en 2000, nous assistons à leur fusion en 5 mega holdings et la suppression du Conseil national des privatisations ; en 2001, nouvelle organisation et l’on crée 28 Sociétés de gestions des participations de l’Etat (SGP) en plus des grandes entreprises considérées comme stratégiques ; En 2004, ces SGP sont regroupées en 11 et 4 régionaux. En 2007, une nouvelle organisation est proposée par le ministère de l’Industrie et de la Promotion des investissements, articulée autour de quatre grands segments : de sociétés de développement économique qui relèvent de la gestion exclusive de l’Etat gestionnaire ; des sociétés de promotion et de développement en favorisant le partenariat avec le secteur privé international et national ; des sociétés de participation de l’Etat appelées à être privatisées à terme et, enfin, une société chargée de la liquidation des entreprises structurellement déficitaires. Cependant, en 2008, cette proposition d’organisation est abandonnée et a été émise l’idée de groupes industriels (en 2009) que l’actuel ministre a mis en œuvre en 2015. Ces changements d’organisation périodiques démobilisent les cadres du secteur économique public, et même les investisseurs locaux et étrangers montrant clairement la dominance de la démarche administrative et bureaucratique au détriment de la démarche opérationnelle économique. On assiste à un gaspillage des ressources financières et à un renforcement de la dynamique rentière et cela bloque tout transfert de technologique et managérial. Ainsi l’Algérie a les meilleurs lois du monde mais rarement appliquées.

2. Il y a lieu de prendre au sérieux les déclarations récentes de pays étrangers après bon nombre d’autres pays et organisations: d’Alain BENTEJAC président du Comité National des Conseillers du Commerce Extérieur (Cnccef) en date du 03 octobre 2015  de Mme Joan A. PLOASCHIK Ambassadrice des Etats Unis d’Amérique le 04 octobre 2015 ,de l’Ambassadeur de grande Bretagne Andrew NOBLE le 14 octobre 2015, du Président   du Sénat  français lors de sa  dernière visite en Algérie et  de Mr Jean Pierre CHEVENEMENT (2015/2016), ami de l’Algérie ; des ambassadeurs d’Allemagne,  et devant le Ministre de l’Industrie l’ambassadrice de Suisse (2016), de la mise en garde de bon nombre d’experts et d’opérateurs algériens animés par les intérêts supérieurs du pays, personne n’ayant le monopole de la vérité et du nationalisme, et récemment  (juin 2016)- excepté ceux  du RND par  fidélité à son SG qui était premier ministre, qui a instauré cette règle en 2009, et le PT pour des raisons idéologiques,  par une majorité  de députés dont le FLN qui ont affirmé qu’avec la règle des 49/51%, je les cite : « les PME performantes étrangères  dans  le cadre d’un  partenariat gagnant/gagnant (transfert technologique et managérial avec le  partage des risques,  l’Algérie supportant tous les surcoûts, ne viendront pas en Algérie».

 Toutes ces déclarations avec des partenaires qui représentent plus de 65% de nos exportations, y compris ceux officiellement publiées des institutions internationales entre 2014/2016 vont dans le sens contraire des  déclarations euphoriques  du Ministre  de l’Industrie  vivant de l’illusion  de l’aisance financière contraire à la réalité où l’Algérie connait des tensions budgétaires, le risque en puisant dans les réserves de change étant d’aller droit au FMI entre 2018/2019  ce qu’aucun algérien ne souhaite . Mon expérience et mes contacts internationaux aux plus hauts niveaux,  montrent  que dans la pratique des affaires n’existent pas de sentiments mais que des intérêts et l’Algérie doit défendre ses intérêts  Car force est de reconnaître que l’Algérie attire peu d’investisseurs potentiels hors hydrocarbures concurrentiels au niveau international, ayant un marché interne limité, n’utilisant pas les réseaux. Le temps est terminé du tout Etat et des relations personnalisées entre responsables politiques, sans compter les nombreux conflits internationaux de ceux présents où l’arbitrage international a été souvent en défaveur de l’Algérie avec des pertes se chiffrent en dizaines de millions de dollars.

3. La majorité des responsables, se réfugient derrière les orientations du président de la république qui est un homme pragmatique et il appartient au gouvernement et notamment au Ministre de l’Industrie de l’éclairer, de lui dresser le bilan objectif de la règle des 49/51% selon des normes économiques et non selon une vision idéologique largement dépassée en ce XXIème siècle. L’on devra privilégier uniquement les intérêts supérieurs de l’Algérie qui a besoin d’une croissance forte et non les intérêts étroits d’une minorité rentière en précisant les aspects suivants : -cette règle des 49/51% instaurée depuis 2009 a-t-elle permis de freiner les importations ; a-t-elle permis le transfert technologique, managérial et la création d’emplois productifs ; dans quels secteur les quelques participations ont –elles eu lieu et ont –elles permis l’accroissement de al valeur ajoutée, sachant que la croissance de par le monde repose sur la densification de PMI / PME initiées aux nouvelles technologies et se fondant sur l’économie de la connaissance à travers des réseaux décentralisés ;  quel gain en devises ou  alors quel est le montant des surcoûts supportés par l’Algérie ? A ce titre, je conseille au gouvernement de dresser un bilan à l’opinion publique d’être réaliste et pragmatique (ni un libéralisme sauvage, ni l’étatisme bureaucratique rentier) et d’assouplir la règle 49-51% pour les PMI/PME qui n’existe même pas en Chine. Et aberration, l’Algérie, seul pays du monde, voudrait généraliser cette règle même au commerce comme si cette mesure allait réduire les importations alors que le problème est ailleurs. L’on devra distinguer les segments stratégiques, où cette règle peut s’appliquer, qu’il s’agit de définir avec précision, car historiquement datés. Ce qui était stratégique hier peut ne pas l’être aujourd’hui et demain (exemple les télécommunications). Pour les segments non stratégiques mais à valeur ajoutée importante, il serait souhaitable d’appliquer la minorité de blocage de 30% afin d ‘éviter les délocalisations sauvages. Et si demain les réserves s’épuisent, il ne faut pas être un grand économiste, pour prédire que ces étrangers qui ont accepté la règle des 49/51% nous abandonneront à notre propre sort avec le risque de faillites notamment des unités à grandes capacités, l’Algérie ne maîtrisant pas les circuits de commercialisation mondiaux. L’observation des grands espaces mondiaux montrent clairement que seules quelques grandes firmes contrôlent les circuits du commerce mondial, étant impossible aux opérateurs algériens de pénétrer le marché sans un partenariat gagnant/gagnant.

4.- L’essentiel ce ne sont donc pas les lois mais de s’attaquer au fonctionnement du système afin de déterminer les blocages qui freinent l’épanouissement de l’entreprise créatrice de richesses qu’elles soient publiques, privées locales ou internationales. L’investissement hors hydrocarbures en Algérie, porteur de croissance et créateur d’emplois, est victime de nombreux freins dont les principaux restent l’omniprésence de la bureaucratie et la corruption qui freinent la mise en œuvre d’affaires, ainsi que l’extension de la sphère informelle qui contrôle plus de 40% de la masse monétaire en circulation. Le terrorisme bureaucratique représente à lui seul plus de 50% des freins à l’investissement» dont l’élimination implique «l’amélioration de la gouvernance et une plus grande visibilité et cohérence dans la démarche de la politique socio-économique». La léthargie du système financier  le fait est qu’il faut «plusieurs mois» pour le virement d’un chèque d’une région à une autre, la marginalisation du secteur privé puisque les banques publiques continuent à accaparer 90% des crédits octroyés ont carrément été saignées par les entreprises publiques avec un assainissement qui a coûté au trésor public «plus de 60 milliards de dollars entre 1991 et 2015», entraînant des recapitalisations répétées,   l’absence d’un marché foncier «libre» et l’inadaptation du marché du travail à la demande constituent autant de freins à l’investissement hors hydrocarbures.

5.- Aussi avec l’épuisement des ressources en hydrocarbures à horizon 2030, est-il urgent de penser d’ores et déjà à la transition énergétique qui devra s’insérer dans le cadre de la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures supposant un profond réaménagement des structures du pouvoir algérien assis sur la rente, Aussi évitons de vendre des rêves Le changement de cap de la politique socio-économique, conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale et une révolution culturelle de nos dirigeants devient urgent. Aucun patriote algérien ne veut revivre les impacts dramatiques de la crise de 1986, ni retourner au FMI qui cette fois imposera des conditionnalités draconiennes. La solution n’est pas de se refermer sur soi et de pondre des règles juridiques correspondant à une aisance financière et qui accroissent la méfiance internationale ce qui, avec le temps accroîtra la crise. D’où l’urgence d’une réorientation de toute la politique socio-économique passant par de profonds ajustements économiques et sociaux donc par de profondes réformes structurelles en encourageant le partenariat public/privé local et international, devant éviter l’illusion monétaire, devant synchroniser la sphère réelle et la sphère financière, la dynamique économique et la dynamique sociale et l’illusion mécanique, étant à l’ère de l’immatérialité où les firmes éclatent en réseaux à travers un monde turbulent et instable comme une toile d’araignée. Le retour à la confiance, sans laquelle aucun développement n’est possible passe par une vision stratégique clairement définie. Ce sont autant de facteurs déterminants comme moyen de mobilisation.

6.-En résumé, l’Algérie  a besoin surtout d’une stratégie de sortie  de  crise afin d’asseoir  une économie diversifiée dans  le cadre  des valeurs internationales, afin  d’ éviter la faillite  vénézuélienne  pays beaucoup plus riche que l’Algérie. Évitons donc les utopies néfastes  et  tant l’autosatisfaction que la sinistrose. Bien que la situation sera de plus en plus difficile sur le plan économique entre 2016/2020, l’Algérie a les moyens de la surmonter avec du réalisme par un discours de vérité évitant les discours démagogiques populistes se fondant sur une vision idéologique dépassée. Un  nouveau code d’investissement  en Algérie, sans vision stratégique,une nouvelle gouvernance, de profondes réformes structurelles conciliant efficacité économique, avec  l’assouplissement de la règle  des 49/51% et la nécessaire cohésion sociale, supposant une profonde moralité de ceux  qui dirige la  Cité, aura un impact mitigé pour ne pas dire nul. Le dépassement de l’entropie actuelle, les tensions géostratégiques à nos frontières,  pose la problématique   de la sécurité nationale, supposant la mobilisation de toutes les algériennes et algériens.  ademmebtoul@gmail.com

* Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités Expert International en management stratégique

 

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