Après un mois de manifestations non-stop contre le gaz de schiste dans les villes du sud, les dirigeants algériens lancent une offensive tous azimuts pour reconquérir le terrain perdu.
Les autorités algériennes ont lancé une vaste opération de séduction pour contenir la contestation contre le gaz de schiste qui s’est étendu dans les villes du sud du pays depuis un mois. Le président Abdelaziz Bouteflika a été contraint de monter en première ligne, en donnant de nouvelles assurances et en faisant des promesses destinées aux populations du Sahara, qui en sont à la quatrième semaine de contestation non-stop.
Le chef de l’Etat a d’abord annoncé un conseil interministériel restreint tenu mardi, et consacré exclusivement au développement des régions du sud. Il a voulu se montré rassurant, affirmant que l’exploitation du gaz de schiste en Algérie « n’est pas encore à l’ordre du jour ». Il a toutefois évité d’abandonner définitivement la piste du gaz de schiste, insistant sur les mesures à prendre pour préserver l’environnement. « Si l’exploitation de ces nouvelles ressources s’avère une nécessité pour la sécurité énergétique du pays à moyen et long termes, le gouvernement devra veiller avec fermeté au respect de la législation par les opérateurs concernés, pour la protection de la santé de la population et la préservation de l’environnement », a-t-il dit.
Dans la foulée, le président Bouteflika a annoncé un nouveau découpage administratif pour le sud du pays, avec la création de nouvelles wilayas déléguées. Ces nouvelles circonscriptions seront dotées de « moyens renforcés et de compétences élargies ». La mesure sera élargie en 2016 aux Hauts-Plateaux, selon le communiqué publié à l’issue de la réunion.
Grands projets pour le sud
Voir leur ville passer au rang de wilaya est une revendication très répandue chez les Algériens, particulièrement dans des agglomérations moyennes où les gens d’admettent pas que la ville d’à côté ait obtenu ce statut. Pour le Sahara, El-Menéa, In-Salah et Touggourt semblent les mieux placées pour obtenir ce statut, d’autant plus que des troubles ont été enregistrées à In-Salah et Touggourt. Pour une ville de l’intérieur, en plus du prestige, acquérir le statut de wilaya est une garantie de recrutements importants dans l’administration, ainsi que des budgets conséquents et des investissements publics dans la plupart des secteurs.
En plus de ces arguments avancés par le chef de l’Etat, les autorités ont fait valoir les investissements massifs en faveur du sud et des hauts Plateaux. Messaoud Terra, directeur de l’eau potable au ministère des ressources en eau, a rappelé mercredi à la radio que l’Algérie a investi massivement pour ramener l’eau à Tamanrasset, sur une distance de 1.000 kilomètres, grâce à un investissement de trois milliards de dollars.
Un projet de même envergure, destiné à amener 100.000 mètres cube d’eau par jour à partir de la nappe albienne du nord du Sahara vers les Hauts-Plateaux, va être lancé, selon M. Terra. Le projet coûtera 70 milliards de dinars (875 millions de dollars) et concernera 19 wilayas, principalement le couloir Tiaret-Djelfa-M’Sila.
50 puits par an utilisent la fracturation hydraulique
Dans cette offensive tous azimuts, le PDG de Sonatrach, Saïd Sahnoun, est revenu lui aussi à la charge, pour réfuter l’idée selon la décision d’exploiter le gaz de schiste est déjà en application. « La faisabilité technique et commerciale du projet n’a pas encore été confirmée »a, a-t-il déclaré dans une interview à l’APS. « Les deux forages, en production expérimentale, vont permettre à Sonatrach de mesurer avec exactitude le débit d’un puits schiste en Algérie et le plateau de sa production », a-t-il ajouté, tout en rappelant que le bassin d’Ahnet, dans la région d’In-Salah, où a eu lieu le forage, « recèle d’importantes réserves ».
Le PDG de Sonatrach joue cependant sur plusieurs registres, dans une communication très brouillée. Dans une tentative de banaliser la technique contestée de la fracturation hydraulique, il a en effet déclaré que Sonatrach a eu recours à la fracturation sur les puits de Hassi R’Mel et Hassi Messaoud. Entre 2006 et 2010, cette technique a été utilisée dans « 50 puits par an », at-il dit. Selon lui, « c’est une technique maîtrisée par Sonatrach. Nous l’avons importée des Etats-Unis et utilisée de manière systématique dans ces forages ». Il a toutefois reconnu que « l’appréhension des gens par rapport à cette activité est souvent légitime ».
« Démarche citoyenne »
Sur un autre registre, M. Sahnoun a tenu un discours radicalement différent, mettant en avant la « démarche citoyenne » de Sonatrach. Cela s’est traduit par les méthodes utilisées dans les puits expérimentaux de In-Salah. La compagnie a choisi un site près de la ville précisément pour utiliser le gaz prélevé en vue de faire tourner la station électrique de In-Salah. Autrement, il aurait fallu torcher les rejets de gaz, « ce qui n’est pas raisonnable », selon lui. Il a aussi longuement exposé les techniques utilisées pour traiter les boues de forage, affirmant que Sonatrach maitrise parfaitement ces techniques, et utilise les procédés adéquats pour éviter toute pollution.