L’auteur plaide pour un lobyying transparent et réglementé des différents acteurs sociaux et économiques auprès des élus. Il rappelle l’organisation du lobyying auprès du Parlement européen, une organisation qui « traque le conflit d’intérêt, comptabilise les budgets dédiés au travail de lobbying, limite le volume horaire des contacts formalisés entre élus et lobbyistes » et « trace les revenus des uns et des autres ».
Le Parti des travailleurs a dénoncé le lobbying patronal qu’il considère désormais institué. C’est, bien sûr, la rencontre APN-organisations patronales de la semaine dernière qui a déclenché cette réaction. Le Parti des travailleurs a-t-il raison de monter au créneau pour un tel évènement ? Du point de vue de la séparation hygiénique entre le capitaliste et le législateur, sans doute oui. Mais nulle part dans le monde, hormis là ou il n’y a pas de capitalistes, cette séparation n’existe.
Du point de vue réaliste du capitalisme moderne, tel qu’il s’est développé ces cinquante dernières années, le Parti des travailleurs a tort de vouloir maintenir loin des regards l’influence patronale sur les producteurs des lois et des règlements. C’est, dans ce cas, la transparence du lobbying qui est la norme moderne. Il est aujourd’hui plus efficace de réglementer le métier de lobbyiste que de l’ignorer en faisant semblant de l’interdire. Le Forum des chefs d’entreprise (FCE) fait un lobbying soutenu en faveur de la levée des obstacles à l’investissement pour le privé. Cela est plus rassurant de savoir que Ali Haddad et les autres dirigeants patronaux sont obligés de convaincre les élus de l’Assemblée nationale dans une commission connue du public. L’autre scénario est celui dénoncé régulièrement par Louisa Hanoune : des députés qui vendent leurs voix pour faire changer la loi au profit d’intérêts particuliers.
La réglementation du lobbying est ambitieuse près du Parlement européen ou à Washington, près du Congrès. Elle traque le conflit d’intérêt, comptabilise les budgets dédiés au travail de lobbying, limite le volume horaire des contacts formalisés entre élus et lobbyistes, trace les revenus des uns et des autres, identifie les entreprises qui louent les services des lobbyistes ; bref, elle veille à maintenir un équilibre entre les différents intérêts même si les plus puissants financièrement sont les plus efficaces lobbyistes. Ainsi dans la bataille entre pétroliers et partisans des énergies renouvelables aux Etats Unis. Les premiers ont différé jusqu’en 2015 le vote d’une loi rendant plus contraignants le forage horizontal et la fracturation de la roche dans l’industrie du schiste.
L’organisation du lobbying n’est donc pas unilatérale. Toutes sortes d’intérêts doivent pouvoir faire entendre leurs points de vue auprès des législateurs. L’UGTA et les syndicats indépendants comme d’autres associations. Rien de pire que des intérêts cachés, défendus dans l’ombre de la transaction délictueuse. Les ambassades des pays fournisseurs de l’Algérie, gênés par la mise en place chaotique des restrictions aux importations, ont démarché le gouvernement pour le sensibiliser sur le caractère contre-productif du blocage de marchandises déjà arrivées aux ports algériens. Lobbying de chancellerie. Il est autorisé. Réciproque. Celui des entreprises auprès des faiseurs de lois mérite d’être lisible. Louisa Hanoune a défendu la production du gaz de schiste à In Salah. Un marché captif pour les fournisseurs américains des solutions techniques du forage non-conventionnel. Personne ne dira que Louisa Hanoune a été touché par un lobby pro-Haliburton, bien sûr. Mais si ce lobby existait, il serait bienvenu qu’il se déclare au grand jour. C’est pourquoi la réunion des parlementaires avec le FCE n’est pas le scandale de la semaine.
L’événement de la semaine est peut être encore devant nous. Nabni revient ce mardi avec un plan d’urgence de 12 mesures. L’énoncé des propositions du think tank indépendant est encore sous embargo. Mais une mesure vient coiffer le dispositif qui donne une dimension nouvelle à ce plan. Elle concerne la capacité du pouvoir politique algérien à endosser et mener à bien des réformes.
Le constat est implacable : cette capacité est extrêmement faible. Alors pourquoi proposer un plan d’urgence avec 12 réformes à un gouvernement qui ne peut pas réformer ? D’abord parce que l’espoir fait vivre. Ensuite et, surtout, parce que les expériences des autres pays offrent l’opportunité d’éviter l’échec. Pour donner une petite chance à quelques unes des mesures du plan d’urgence d’aboutir Nabni va proposer d’instituer une delivery unit, une haute structure transversale dont la seule mission serait de déblayer le terrain devant la réalisation de la réforme. Une cellule liée directement au président de la république ou au cabinet du Premier ministre qui apporterait chaque jour le parapheur de la signature au décideur pour cibler l’obstacle qui retarde la réforme choisie. Chaque membre de la delivery unit serait le responsable en charge du succès d’une réforme. Il serait doté de la petite équipe plénipotentiaire qui l’aiderait à faire la bonne analyse de la résistance et à l’éliminer.
Le gouvernement Blair de son second mandat est réputé avoir donné ses lettres de noblesses à ce procédé de gouvernance innovant de la réforme, dont le design vise à contourner la force d’inertie de l’administration, à échapper aux réseaux traditionnels du lobbying et donc à délivrer un résultat sous délai compté. D’autres pays ont reproduit la recette. Avec plus ou moins de succès. L’idée paraît séduisante en Algérie, compte tenu la difficulté de la tâche. Une question reste cependant posée. Auprès de qui faut-il instituer une delivery unit algérienne pour espérer la doter des pouvoirs nécessaires ? Auprès d’Ahmed Gaïd Salah ou de Saïd Bouteflika ?
Le reste de la semaine économique pourrait bien être écrasé par le risque de défaut de paiement grec. Les places boursières européennes ont nettement donné le sentiment qu’elles anticipaient l’échec des négociations entre Bruxelles et Athènes. Elles ont dévissé en fin de semaine dernière, les investisseurs américains notamment choisissant d’inverser les flux du printemps dernier, en quittant le Vieux-Continent.
Dans ce climat tendu, sept économistes réputés ont apporté leur soutien au gouvernement grec d’Alexis Tsipras. Parmi eux Joseph Stiglitz et Thomas Piketty. Ils appellent l’Europe, principal créancier de la Grèce, à séparer le concept de réforme de celui d’austérité, afin d’ouvrir une voie vers la croissance et l’espoir, et à éviter de faire échouer la démocratie grecque qui a choisi une autre réponse à la crise mais dans le cadre de l’Europe et de l’euro. Le refus des Européens d’accepter un plan de réforme de Syriza – gauche radicale – où ne figurent pas des mesures de paupérisation supplémentaires conduit depuis plusieurs semaines la Grèce vers la porte de sortie de la Zone Euro. Le défaut de paiement de la Grèce serait le début d’un nouveau cycle de crises de la dette souveraine en Europe. Date-butoir : le 18 juin.