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Au sujet de la réunion Gouvernement-CNES- experts : comment mettre fin au blocage de l’investissement productif ?

Par Yacine Temlali
septembre 21, 2015
Au sujet de la réunion Gouvernement-CNES- experts : comment mettre fin au blocage de l’investissement productif ?

Pour l’auteur de cette contribution*, le déblocage des investissements ne réside pas en l’élaboration d’un nouveau code d’investissement mais dans l’approfondissement des réformes micro-économiques et institutionnelles, sans lesquelles la stabilisation relative du cadre macro-économique restera éphémère.

 

 

Je ne puis qu’être d’accord avec de nombreux experts internationaux et avec le Premier ministre, Abdelmalek Sellal : il ne peut y avoir de développement en Algérie sans un retour de la confiance brisée entre l’Etat et les citoyens, passant par un langage de vérité, loin des discours démagogiques. Si l’on veut éviter la réédition du scénario dramatique du contre-choc pétrolier de 1986, il faut former un large front national permettant une mobilisation générale de tous les Algériens, tout en tenant compte de leurs différentes sensibilités. Il faut aussi faire du travail et de l’intelligence pilier de l’épanouissement de l’entreprise créatrice de richesses sans distinction entre le secteur public et le secteur privé local et international.

 

Quelles sont les sources de blocage à l’investissement ? 

 

La mentalité bureaucratique rentière croit qu’une loi permet de modifier le fonctionnement tant de l’économie que de la société, alors que les pratiques contredisent souvent les plus belles lois du monde. Dans les pays développés il n’existe pas de codes d’investissement mais une planification stratégique tenant compte des mutations des filières internationales, en perpétuelle modification du fait des innovations technologiques continues.

En trois décennies, l’Algérie a élaboré plusieurs codes d’investissement et le résultat est mitigé. 83 % du tissu économique est dominé par le petit commerce-services (tertiairisation de l’économie), le secteur industriel représente moins de 5% du produit intérieur brut, et sur ces 5%, environ 95% sont le fait de PMI-PME peu initiées au management stratégique. Environ 97-98% des exportations proviennent toujours des hydrocarbures.

Le déblocage des investissements ne réside pas en l’élaboration d’un nouveau code d’investissement mais dans l’approfondissement des réformes micro-économiques et institutionnelles, sans lesquelles la stabilisation relative du cadre macro-économique – d’une manière artificielle, par des transferts de rente – restera éphémère.

Il y a sept facteurs de blocage de l’investissement.

– Premièrement, le manque de visibilité et de cohérence de la politique socio-économique. 

– Deuxièmement, la faible efficacité des institutions, qui ne sont pas au diapason des mutations économiques locales et internationales. 

– Troisièmement, le manque de transparence dans la gestion (la transparence passe par la démocratisation des décisions politiques et économiques et par le rétablissement des institutions de contrôle, dont la Cour des comptes, et du contrôle parlementaire).

– Quatrièmement, la bureaucratie paralysante locale et centrale, qui produit les dysfonctionnements au sein des appareils d’Etat, lesquels nourrissent la sphère informelle et la corruption. Lorsqu’un Etat produit des lois qui ne correspondent pas à l’état réel de la société, celle-ci enfante ses propres lois qui lui permettent de fonctionner dans un cadre contractuel de confiance demandeurs/offreurs.

– Cinquièmement, le système financier, qu’il faut réformer : plus de 85% des crédits octroyés le sont pas les banques publiques qui ne sont, en réalité, que de simples guichets administratifs. Le danger des orientations actuelles est celui de déplacer le déficit du Trésor au niveau des banques publiques qui, en cas de non-recapitalisation, mettraient en danger tout le système financier. De plus, sur le court terme, on ne peut compter sur la Bourse d’Alger, en léthargie depuis 1997, du fait de la léthargie du secteur productif.

– Sixièmement, le système éducatif et le système de la formation professionnelle. L’urgence est de créer un grand ministère de l’Education nationale, facteur essentiel de synchronisation du secteur éducatif.

 – Septièmement, l’épineux problème du foncier, dont le règlement passe par l’émergence d’un véritable marché du foncier industriel – ce qui pose, d’ailleurs, la problématique du marché foncier agricole. 

 

Que faire pour dynamiser l’investissement ?

 

Pour permettre à l’Algérie de surmonter la crise actuelle, il faut mettre fin à la mentalité rentière. Cependant, ce vœu si cher aux algériens ne pourra se réaliser que par une profonde moralisation, la rénovation des institutions, la refonte du système partisan et de la société civile, qui dépasse le cadre strictement économique.

Outre la levée des contraintes techniques mises en relief précédemment – qui d’ailleurs renvoient toutes au politique -, il s’agit d’éviter les perpétuelles modifications juridiques qui démobilisent les investisseurs : ne pouvant plus faire un calcul de gains sur le moyen et le long terme préférant, ils se réfugient dans les activités spéculatives.

La dépense monétaire à travers la dépense publique, via la rente des hydrocarbures, les subventions généralisées et non ciblées, les versements de traitements sans contreparties productives, les projets non matures, etc. ne peuvent donner que des résultats mitigés. Le défi majeur de l’Algérie entre 2015 et 2030, au sein d’une région qui devrait connaître une profonde reconfiguration géostratégique, est d’atteindre un taux de croissance qui puisse résoudre les tensions sociales, soit 8-9% cumulé sur 7-8 ans. Or, le taux de croissance de l’économie algérienne n’a pas dépassé 3% entre 2000 et 2014.

Du fait d’une dette extérieure faible (moins de 4 milliards de dollars) et de réserves de change substantielles même si elles sont en nette diminution (certainement 135-140 milliards de dollars fin 2015), l’Algérie a les moyens d’éviter le scénario dramatique d’une crise similaire à la crise de 1986. Mais s’imposent une gouvernance rénovée et le développement des libertés. La future Constitution devra consacrer la liberté d’entreprendre et l’irréversibilité de l’économie de marché concurrentielle à finalité sociale. Le meilleur investissement est celui qu’on fait dans la ressource humaine de qualité et dans la réhabilitation de l’entreprise concurrentielle, qu’elle soit publique ou privée.

 

(*) Abderrahmane Mebtoul est professeur des Universités et expert international en management.

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