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Avec la réforme Bouchouareb, la bureaucratie managériale tente de se redéployer pour garder la main

Par Yazid Ferhat
novembre 3, 2014
Avec la réforme Bouchouareb, la bureaucratie managériale tente de se redéployer pour garder la main

Le ministre de l’industrie Abdessalam Bouchouareb lance aujourd’hui au Club des Pins la première étape de sa grande réforme de l’entreprise.

 

Le ministère de l’industrie confirme son choix d’aller vers un réaménagement de la politique économique actuelle, plutôt que de changer de modèle. Malgré un aveu d’échec et un bilan sans concession des politiques menées jusqu’ici , c’est l’ option d’un aménagement dans la forme, sans changement de fond qui apparait clairement dans le grand chantier de réorganisation que veut lancer M. Abdessalam Bouchouareb avant la fin de l’année. M. Bouchouareb se place dans la ligne traditionnelle de l’action gouvernementale. Il veut marquer les esprits, tout en obtenant l’aval des partenaires de l’opération, pour préserver la paix sociale. Quant à l’efficacité, ou non, de la démarche, rien ne la garantit.

La première grande étape sera la conférence nationale sur l’industrie, qui s’ouvre aujourd’hui même  au Palais des Nations, dans le but d’ obtenir un consensus des acteurs économiques, politiques et sociaux, avant le lancement de l’opération. Les détails de la restructuration seront rendus publics à la fin de la semaine, mais d’ores et déjà, les grandes lignes sont connues : regrouper les entreprises du secteur public au sein de groupes plus grands, une dizaine, au lieu de dix-huit actuellement, pour leur donner plus de muscle lorsqu’il faudra lancer des investissements d’envergure ou aller sur le marché international. Mais le projet hésite sur l’essentiel : comment faire en sorte que des groupes, dans lesquels seront reconduits les mêmes managers, avec les mêmes méthodes de gestion, encadrés par les mêmes tutelles, puissent demain réaliser les performances  qu’ils ont été incapables de réaliser hier?

Démarche bureaucratique

Le ministère a déjà engagé une procédure de recensement typiquement bureaucratique pour préparer l’opération. 85 fiches concernant des projets de différents secteurs ont été préparées, a annoncé un haut responsable du ministère. 17 projets concernent le ciment et les matériaux de construction, quinze sont consacrés à l’industrie mécanique, quatorze pour les mines, sept projets pour chacune des filières manufacturière, électronique, électrique et câblerie, cinq pour d’autres secteurs comme la construction métallique, l’industrie pharmaceutique et les industries du papier et de la verrerie, et enfin  trois pour la sidérurgie. L’opération consistera à regrouper dans une même entité des entreprises supposées concurrentielles ou proches, pour pallier à certaines insuffisances, parfois bien définies par les documents du ministère.

Ainsi, les entreprises algériennes investissent peu dans la recherche développement. Avec leurs maigres budgets, elles ne peuvent le faire au niveau requis. En les regroupant, elles seront en mesure de mener une véritable politique de recherche, conclut naïvement le ministre de l’industrie. C’est oublier que des entreprises de la taille de Sonelgaz ou Cosider n’ont pas brillé par leur efforts dans le recherche-développement, malgré leur taille. La raison ? Les méthodes de gestion, évidemment.

Discours séduisant, démarche inefficace

Pourtant, le discours du le ministère de l’industrie parait séduisant quand il s’agit d’élaborer un constat, ou d’énoncer des objectifs. Le ministère affirme ainsi qu’il veut doter le pays de « grands groupes industriels performants et compétitifs », ce qui impose de doter les entreprises «d’un système de management souple basé sur des techniques de gestion modernes et stratégiques ». Il reconnait même qu’il y a un sérieux problème de management, quand il affirme que « la question de l’ingénierie de la croissance reste encore posée » si l’Algérie veut atteindre une croissance de sept pour cent par an, objectif officiellement fixé pour le prochain quinquennat.

De manière plus large, le ministère de l’industrie affiche sa volonté d’« augmenter la part de la production nationale sur le marché domestique », « de réduire de façon significative notre forte dépendance envers les hydrocarbures », d’autant que « les échéances internationales se rapprochent inexorablement », avec notamment  la mise en œuvre des accords d’association avec l’Union européenne et de la prochaine adhésion à l’OMC.

Mais quand il s’agit d’apporter les remèdes, la démarche proposée reprend les bonnes vieilles méthodes : on décide d’en haut, en s’arrangeant pour obtenir l’aval de gestionnaires très dociles, pour reconduire les mêmes mécanismes. Le résultat semble évident.

Incapacité d’innover

Dans ce processus, le ministère veut jouer le rôle de « facilitateur-accompagnateur, voire de leader dans la fabrication des conditions de la croissance ».  Il affirme que la volonté politique existe et qu’elle est affichée, et que des moyens importants sont mobilisés », en vue de réaliser l’objectif fixé par  le gouvernement, un taux de croissance élevé  pour les cinq prochaines années.

Mais cela risque de rester au niveau des intentions, et l’industrie, qui représente à peine cinq pour cent du PIB, ne semble pas encore en mesure d’effectuer son big bang. Les mécanismes susceptibles de mobiliser l’épargne disponible, de faciliter l’investissement, d’exploiter à fond les investissements publics disponibles, restent prisonniers de décisions aléatoires. M. Bouchouareb lui-même l’a reconnu : les entreprises publiques ont été incapables de consommer des budgets faramineux qui leur ont été alloués pour leur mise à niveau. Elles n’ont utilisé que 18% de ce qui leur a été accordé pour la formation. Elles risquent cette fois-ci de faire une restructuration comme celle menée dans les années 1980 par M. Abdelhamid Brahimi, mais à l’envers. Et de perdre cinq ans. Le temps de se rendre compte que ce n’était pas la bonne réforme qu’il fallait.

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