Déficit budgétaire, dévaluation, inflation, hausse des prix, érosion des investissements. La spirale qui guette l’économie algérienne se déplace. Un expert tente de l’évaluer, à travers une projection basée sur un baril de pétrole à 60-70 dollars durant le plan quinquennal.
Avec un baril de pétrole à 70 dollars, le Fonds de Régulation des recettes sera épuisé en deux ans, mais les réserves du pays en devises s’élèveront encore à 90 milliards de dollars en 2019, à la fin de l’actuel plan quinquennal. C’est ce que prévoit Rachid Sekak, expert financier, dans des projections visant à alerter sur les vrais dangers qui guettent l’économie algérienne, en étudiant différentes variantes durant le plan quinquennal en cours 2015-2019. Selon M. Sekak, au rythme des dépenses actuelles, l’Algérie aura encore 60 milliards de dollars de réserves de changes en 2019 avec un baril moyen à 60 dollars, et 90 milliards avec un baril à 70 dollars. Il n’y a donc pas d’inquiétude en ce qui concerne les ressources en devises. Par contre, dans tous les cas de figure, et même si les choses n’évoluent jamais de manière linéaire, le FRR sera épuisé en deux ans, poussant le pays vers une spirale qui risque de devenir incontrôlable, dit-il.
Il rappelle qu’en 2014, malgré un baril à 98 dollars, le déficit du trésor s’est élevé à 30.000 milliards de dinars, ce qui représente 17% du PIB. Avec un baril à 70 dollars, il faudra trouver l’équivalent de 23 milliards de dollars pour équilibrer le budget, et 28 milliards si le baril est à 60 dollars.
Risques d’inflation
La dette publique atteint aujourd’hui 8% du PIB. En maintenant les rythmes actuels de dépenses, elle sera multipliée par neuf en 2019 avec un baril à 70 dollars, et elle atteindra 60% du PIB avec un baril à 60 dollars, ajoute-t-il. Dans ce cas de figure, le gouvernement sera tenté d’agir sur la parité du dinar. Il sera, en effet, très facile de trouver des ressources budgétaires en dévaluant le dinar, mais cela se traduira par une inflation qui risque de tout détruire, averti M. Sekak. Pourtant, rappelle-t-il, le plan 2015-2019 est constitué à 80% des fameux restes à réaliser des deux plans antérieurs, ce qui signifie que des projets sont inscrits, budgétisés, mais non réalisés.
Sur un autre plan, Rachid Sekak déplace les priorités en matière d’hydrocarbures. « La question fondamentale n’est pas celle des prix, mais celle de la quantité » à produire et à exporter, dit-il, rappelant que « le repli de la production est une réalité ». « La valeur ajoutée a diminué d’un quart depuis 2008 », malgré un rebond annoncé en 2014, dit-il. Plusieurs facteurs ont, selon lui, contribué à ce reflux de la production et des exportations, dont le boom de la consommation locale. « En gros, on consomme la moitié du pétrole et le tiers du gaz produits », alors que l’Algérie a importé 4,7 milliards de dollars de carburants en 2014, rappelle M. Sekak.
Les réserves de change très bien gérées
Tout en affirmant qu’il veut rester « à la lisière du politique », M. Sekak souligne que ces données permettent de situer les vrais problèmes. Tout converge pour montrer, selon lui, que la priorité est dans le changement de modèle, non dans les restrictions sans lendemain. Il estime que l’Algérie a encore la possibilité d’amorcer le virage en douceur, en tirant profit de certains atouts.
Il se félicite, entre autres, de la gestion des réserves de change. « Les réserves de change ont été admirablement gérées par la Banque d’Algérie », dit-il à ce sujet, rappelant que la création éventuelle d’un fonds souverain, souhaitée par certains économistes, n’est pas du ressort de la banque centrale mais des autorités politiques. La Banque d’Algérie a été souvent critiquée pour sa gestion, jugée trop prudente, des réserves de change.