L’hécatombe de Mina, où des centaines de pèlerins sont morts, n’est pas due à la « mauvaise organisation de la saison du hadj de cette année », a déclaré Mohamed Aïssa, ministre algérien des Affaires religieuses. Et l’Algérie, a-t-il pris soin de préciser, n’a pas l’intention d’utiliser cet « incident » à des fins politiques. Mais Mohamed Aïssa sait-il qu’il fait de la politique à son insu ?
Mohamed Aïssa, ministre algérien des Affaires religieuses et des Wakfs, a fait plaisir aux autorités saoudiennes. Il a balayé toutes les questions évidentes qui se posent après l’hécatombe de Mina. Il s’est fait l’avocat tranchant des autorités saoudiennes.
L’hécatombe de Mina, où des centaines de pèlerins sont morts, n’est pas due à la « mauvaise organisation de la saison du hadj de cette année », a-t-il déclaré. Et l’Algérie, a-t-il pris soin de préciser, n’a pas l’intention d’utiliser cet « incident » à des fins politiques.
Mohamed Aïssa avait-il besoin de faire ce genre de déclarations alors que les Saoudiens, eux-mêmes, après avoir mis en cause « l’indiscipline » des pèlerins, ont fait un petit recul en demandant aux gens d’attendre les résultats de l’enquête ?
Si ce n’est pas une mauvaise organisation, terme « neutre » et « apolitique », à quoi serait due donc cette catastrophe, M. Aïssa, on est nombreux à vouloir une réponse ?
Serait-ce le fait d’un « complot perse » comme le suggèrent grossièrement les armées électroniques informelles des pays du Golfe qui inondent les réseaux de ces théories fumeuses en occultant le fait que les Iraniens comptent le plus grand nombre de victimes?
Serait-ce, encore une fois, le fait de l’indiscipline présumée des pèlerins qui pourtant suivent des chemins balisés pour le rituel des jamarat ? C’est, on le sait, la plus terrible des excuses : rendre les victimes responsables de leur propre malheur.
Les familles des victimes de la catastrophe de Mina, un « incident » qui n’aurait pas dû avoir lieu et dont elles refusent d’en accuser la fatalité, sont choquées par les déclarations du ministre.
L’auteur de ces lignes – qui a perdu un grand-frère là-bas avec qui il avait de longues discussions à terminer – peut aussi le dire au ministre : notre famille ne comprend pas vos déclarations.
Elles étaient déplacées, inutiles. Et même si vous aviez le souci des relations d’Etat, elles n’étaient pas nécessaires ces déclarations.
On n’attendait pas du ministre qu’il soit offensif, ni qu’il prenne en charge les lourdes questions que posent les familles et encore moins leur sentiment que les organisateurs du pèlerinage n’ont pas été à la hauteur.
On n’attendait pas du tout de M. Mohamed Aïssa qu’il ait une attitude semblable à celle des iraniens et qui suscite du respect chez les familles de victimes algériennes.
Mais ces familles – et la mienne aussi – n’attendaient pas non plus que M. Mohamed Aïssa se fasse l’avocat des autorités saoudiennes.
Si un responsable algérien ne peut, au nom des intérêts présumés de l’Etat, critiquer les saoudiens, qu’il ne les défende pas au moins. Qu’il garde le silence, c’est le « niveau le plus faible de la foi » (adh3afou al imane) qu’on attendait de lui.
Dire que les centaines de morts de Mina ne sont pas le fait d’une mauvaise organisation est une outrance politique, un manque flagrant d’égard aux familles de pèlerins algériens morts là-bas.
Ces familles – dont certaines attendent encore des informations sur leurs disparus – ont une idée assez claire par les récits des survivants de la gabegie de ce qui s’est passé là-bas.
Oui, M. Mohamed Aïssa, ne « politisez pas » ! Le silence peut-être une vertu, une solution pour celui qui est contraint dans l’expression.
Ne vous faites pas l’avocat du déni. Respectez nos morts. Ils n’étaient pas des gens indisciplinés. C’étaient des pèlerins respectueux des règles. Ils ont fait confiance à des organisateurs qui n’ont pas été à la hauteur.