“Chriky” est une plateforme algérienne de Crowdfunding, lancée en septembre par un groupe de jeunes diplômés en finances, en informatique et en audit. Le site s’adresse aux porteurs de projets en quête de capitaux pour la création d’entreprise. Sofiane, Mohamed, Soumia et Ayoub nous en disent davantage sur cette initiative.
Pouvez-vous nous présenter “Chriky” ?
Chriky est une plate-forme gratuite de mise en relation des porteurs de projets ou des chefs d’entreprises en activité, avec des investisseurs et des bailleurs de fonds potentiels. Le concept du crowdfunding est très bien connu dans le monde. Nous n’apportons donc rien de nouveau à ce niveau. Nous avons surtout notre propre méthode de le faire pour l’instant. Le nom “Chriky” vient de “Cherka” (fait de s’associer), en référence aux investisseurs et entrepreneurs qui s’associent autour d’un projet ou d’une startup.
Qu’est-ce qui vous a motivé à lancer Chriky ?
L’idée nous est venue en regardant notre entourage. Beaucoup avaient des projets et des opportunités pour créer des entreprises, mais manquaient de financements. D’un autre côté, nombreux sont ceux qui ont des sommes d’argent, sans pour autant savoir quoi en faire. Nous nous sommes dis pourquoi ne pas mettre les deux parties en contact, et essayer d’effectuer une plate-forme pour les réunir. A l’époque, nous savions que le concept existait ailleurs, mais nous ne connaissions pas le terme “Crowdfunding”. Nous avons fait des recherches, et nous nous sommes approfondis dans la constitution du modèle à choisir pour le lancer en Algérie. En plus, l’expérience et la compétence de notre équipe pluridisciplinaire constituaient un atout important pour se lancer dans ce créneau. Le concept étant assez nouveau en Algérie, nous avons une marge d’avance pour se rapprocher des créateurs de sociétés.
La nouveauté que nous apportons dans le “Crowdfunding” en Algérie réside dans une de ses formes. Le “Crowdfunding” peut se concrétiser sous forme de dons de contributeurs aux porteurs de projets, sans contrepartie. Il peut aussi prendre la forme d’un prêt rémunéré, où les investisseurs prêtent de l’argent aux entrepreneurs, et jouent indirectement le rôle d’une banque. Il existe une troisième forme, où le « financier » reçoit des contreparties en nature. Le quatrième modèle, le plus récent, et le plus difficile, c’est l’“Equity Crowdfunding”. Il s’agit d’une participation en capital à la création d’entreprise. Les investisseurs deviennent des actionnaires du projet. D’où le nom Chriky, comme nous l’expliquons dans notre vidéo sur YouTube.
Comment cela marche, notamment au niveau juridique ?
Notre entreprise est en cours de création. Nous rencontrons des contraintes techniques, d’ordre juridique, économique, bancaire, dans la concrétisation de ce concept. Actuellement, nous procédons, à travers des séances de travail, à des services d’accompagnement des deux parties. Dès qu’un investisseur exprime son intérêt pour un projet sur la plate-forme, nous collectons le montant et nous le mettons en contact avec le porteur de projet Notre rôle prend fin au lancement de l’entreprise, qui bénéficiera d’un accompagnement dans ses démarches administratives et financières. Nous travaillons avec des notaires. Nous organisons tout le processus d’accompagnement jusqu’au notaire. Une fois le capital augmenté, notre mission prend fin.
Est-ce que Chriky ne s’adresse qu’aux entreprises et porteurs de projets ? Les organismes associatifs et les particuliers peuvent-ils bénéficier de vos services ?
Pour rester cohérent avec notre principe, “Chriky” signifie “association”, dans le domaine professionnel. Par contre, nous avons un projet qui sera bientôt lancé, qui s’appelle “Âawen” (Aider). Ce projet vient se positionner dans cette perspective. C’est pour les organismes à but non lucratif et les particuliers. En ce qui concerne Chriky, cela reste dans le domaine professionnel, de l’entrepreneuriat et de l’investissement.
Comment compte Chriky survivre en l’absence de l’e-paiement en Algérie ?
Le moyen de paiement que nous avons adopté en l’absence du e-paiement sera simple. Il est primordial de faciliter la procédure aux investisseurs. Il s’agit soit d’effectuer des virements CCP, des chèques par voie postale, ainsi que d’autres méthodes de paiement possibles en Algérie. Nous aurions voulu créer ce que l’on appelle des comptes provisoires au niveau des banques, en attendant la création de la nouvelle société. Mais, en Algérie, ce type de comptes bancaires n’existe pas. Pour ouvrir un compte, il faut déjà avoir créé son entreprise. C’est le problème majeur que nous rencontrons dans la création de notre entreprise, en l’occurrence concrétiser “Chriky” dans un contexte algérien.
Il existe des contraintes techniques, tel que le système financier et le paiement électronique. Notre objectif est de faire évoluer les mentalités et de pousser vers un changement des textes réglementaires en faveur du crowdfunding. Aux Etats-Unis et en France, c’est cette année que les textes se sont adaptés à ce nouveau concept. Nous voulons participer à l’évolution de ce processus en Algérie.
Le premier site de Crowdfunding Twizaa est “mort-né”. Est-ce que cela ne vous décourage pas ?
Non, pas du tout. Nous essayons d’apprendre des erreurs de Twizaa et de ne pas tomber dans les mêmes pièges. Nous subissons les mêmes contraintes techniques dues à la réglementation en Algérie. Mais nous essayons de contourner ces obstacles. L’un des facteurs majeurs dans une plateforme de “Crowdfunding”, c’est le paiement. Sur Twizaa, la quasi-totalité des contributions qui s’effectuaient en ligne, venaient de l’étranger. Nous devons de notre côté donner une motivation aux investisseurs d’aller jusqu’au bout dans la procédure “Equity Crowdfunding”. Avec une contrepartie, ils sont plus motivés pour aller jusqu’au bout.
En dehors de “Aawen”, que prévoit Chriky pour les prochaines années ?
Actuellement, nous nous concentrons sur Chriky, dont la mission est déjà assez difficile vu la règlementation. Nous essayons de rassembler le contexte idéal pour le fondement de la société de Chriky, pour que le crowdfunding puisse s’instaurer en Algérie. Les membres de notre équipe veilleront à vulgariser ce concept, pour que chaque Algérien puisse y participer.
Outre l’adoption du paiement électronique, notre souhait pour 2015 est que les autorités s’impliquent pour légiférer ce mode de financement. Nous espérons que les obstacles soient levés avec, notamment, l’ouverture de comptes bancaires provisoires, et l’attribution aux porteurs de projets, faisant appel au crowdfunding, les mêmes avantages que ceux accordés par les incubateurs, l’ANSEJ et autres organismes de soutien à l’emploi.