Les plans du chef d’Etat-major, Ahmed Gaïd Salah se sont compliqués un peu plus, après le 13e vendredi de mobilisation populaire pour le changement de système politique.
De nombreux calculs se sont révélés mal inspirés dans le projet soutenu par le chef d’Etat-major pour emmener, vaille que vaille, les Algériens aux urnes le 04 juillet prochain pour élire un nouveau président de la république. La division du mouvement sous la salve des « complots » et sa démobilisation sous l’effet du ramadan, sont les deux principaux paris aujourd’hui clairement perdus par le plan du 102, après un second vendredi de marches populaires pendant le ramadan.
Les Algériens ne se sont pas divisés politiquement, maintenant une remarquable ligne de continuité pour exiger une transition qui ne puisse pas être dirigée par des figures du système. Ils ne se sont pas éparpillés non plus en dépit du siège de la capitale, des effets du jeûne et des tentatives d’intimidations comme le tir irresponsable d’une grenade lacrymogène en fin de matinée à la Grande Poste d’Alger, ce vendredi 17 mai. Ils ont pris leur temps pour occuper le centre-ville de leur capitale. Puis y ont fait largement étalage de leur détermination à ne rien lâcher.
Le temps devait jouer contre la mobilisation. Il joue désormais contre le plan du pouvoir. A Alger et dans les principales villes du pays, le mot d’ordre de « Pas d’élections avec les Isabat » s’est largement affirmé.
La mort clinique du processus du 04 juillet emprunte le sentier de celle, du début mars, des élections du 18 avril dernier prévus pour poursuivre la présidence à vie de Abdelaziz Bouteflika. La feuille de route de queue de comète du Bouteflikisme avait fait de cet itinéraire constitutionnel du 102-104, une option qui n’en excluait pas d’autres par le recours aux articles 07 et 08 de la Constitution. Avant de devenir la seule option sur la table de fait.
En tête de liste
Les Algériens impliqués par dizaines de milliers dans les marches sont allés à l’essentiel depuis 2 vendredis. Ahmed Gaïd Salah a pris sur lui d’assumer un dévoilement de la mécanique du pouvoir. Il s’est attribué toutes les prérogatives régaliennes d’un président de la république, pour les outrepasser d’ailleurs notamment dans les orientations données au pouvoir judiciaire.
Ils traitent désormais le chef de l’armée pour ce qu’il donne à être. Un candidat anachronique au régime militaire forcément autocratique. Les mots d’ordres du « dégagisme » se sont focalisés sur le chef d’Etat-major. Ceux qui revendiquent le jugement des voleurs ont beaucoup reculé. Le rejet du pouvoir militaire est le nouveau point de ralliement. L’ambiguïté entre Ahmed Gaïd Salah et le peuple n’a pas dépassé le mois.
« Il n’est pas la solution, il est le problème », résumait un panneau cet après-midi, rue Pasteur à Alger. Même le mot d’ordre de « Djeich-Chaab khawa – khawa » a été hué. La défiance à l’égard du chef d’Etat-major est quasi unanime, y compris dans les villes moyennes du pays, où l’illusion a pu exister sur son rôle d’ami du mouvement populaire.
Même les deux « chefs » civils de l’intérim constitutionnel Abdelkader Bensalah à la tête de l’Etat et Nourredine Bedoui à la tête du gouvernement, sont passés au second plan. En mettant Ahmed Gaïd Salah en tête de liste de ceux qui doivent partir, une majorité de l’expression populaire ne verrait plus en lui un interlocuteur pour négocier la transition. L’entêtement à faire survivre en coma artificiel sa feuille de route du 102 aura beaucoup coûté à l’autoritaire chef militaire. Il est déjà le grand perdant de la surprenante vivacité de la mobilisation en plein mois de ramadan.
Tantawi avant Sissi
Les deux vendredis du ramadan ont accéléré la polarisation de la confrontation politique. Elle oppose désormais, sans intermédiation, le chef d’Etat-major, dévoilé imprudemment et le mouvement populaire ressoudé par la hantise d’un régime militaire à l’égyptienne.
La cascade des arrestations des anciens partenaires du pouvoir de Gaïd Salah et de ses adversaires dans l’armée, dans le milieu des affaires et dans la classe politique n’ont pas produit l’effet escompté. Les revendications populaires visent la prise de contrôle de la transition en premier. Exactement ce que refuse de céder le cœur du système, aujourd’hui défendu par l’Etat-major de l’armée.
Les Algériens parlent beaucoup du risque de Sissisation de leur révolution, au sens de virage vers le scénario égyptien. Erreur de périodisation. La phase actuelle est celle du Maréchal Mohamed Hussein Tantawi, l’homme qui a, à la tête du conseil supérieur des forces armées, négocié avec les représentants de la révolution du 25 janvier 2011, qui a convenu avec une majorité d’entre eux d’une feuille de route la transition et qui a été mis à la retraite le 12 août 2012 par le président élu, Mohamed Morsi.
Est-ce le scénario que prépare Ahmed Gaid Salah aux Algériens ? Un détail, le maréchal Tantawi a pris soin de ne pas se mettre à dos place Tahrir, avant de prétendre au rôle de partenaire de la transition.