Le panel de médiateurs pour le dialogue présenté le jeudi 25 juillet aux Algériens, lors de sa rencontre avec le président de l’Etat Abdelkader Bensalah, n’a pas réussi son examen de passage auprès des manifestants de ce vendredi dans les rues d’Alger.
Smail Lalmas, expert financier, un des cinq panélistes qui ont accompagné Karim Younes, ancien président de l’assemblée nationale, au palais d’El Mouradia, a choisit de descendre dans la rue comme à son accoutumé les vendredis. Mal lui en a prit. Il a tenté d’expliquer, en vain, son choix à un public hostile, et a du même faire face à quelques débordements verbaux, à la place premier mai de la part de personnes excitées moins disposées à la discussion. Des slogans ont été également scandés contre Karim Younes, à la Grande Poste. Pour de nombreux observateurs, une incompréhension couvre la mission de ce panel ; « les Algériens pensent qu’ils sont des représentants du hirak et leur dénient le droit de parler en leur nom. Alors qu’il s’agit de médiateurs pour organiser le dialogue entre le hirak, la classe politique, la société civile d’un coté et le pouvoir de l’autre coté » explique Amine syndicaliste à la retraite. Outre l’incompréhension sur la fonction de ce panel, sa composante a également été largement critiqué dans les rues d’Alger durant ce 23e vendredi de protestation. En dehors de Karim Younes, directement en charge de la coordination du panel, de la constitutionaliste Fatiha Benabou, et de Smail Lalmas , les trois autres membres du panel sont inconnus du grand public et ne sont pas assimilés particulièrement proches du mouvement populaire. Il s’agit de Lazhari Bouzidi professeur de droit constitutionnel à l’université de Constantine et ancien sénateur, Abdelwahab Bendjelloul: syndicaliste à Touggourt, membre de la direction du Cnapeste et Azzedine Benaissa: professeur à l’université de Tlemcen
Le panel remanié nuitamment
Le « coming out » du panel de la médiation aurait sans doute pu mieux se dérouler vis à vis de l’opinion nationale. Karim Younes a, selon des informations recoupées par Maghreb Emergent, renoncé en dernière minute à un scénario de présentation et à une composition de son panel différents de ce qui s’est déroulé jeudi dans une grande précipitation. Il était question qu’il se présente seul à El Mouradia pour la cérémonie d’installation en tant que coordinateur du panel de médiation en charge du dialogue, préconisé par le président de l’Etat Abdelkader Bensalah, puis qu’il entame son travail pour former son équipe et la présenter aux Algériens. Mais surtout, l’ancien président de la chambre basse du parlement, avait pressenti une liste autrement plus combative de panélistes que celle présentée jeudi. Quatre noms, en particulier, ont été écartés manifestement dans la nuit du mercredi au jeudi. Il s’agit de Said Salhi vice président de la ligue des de défense des droits de l’homme (Laddh, Zahouane), Nacer Djabi sociologue, Lyes Merabet président du Syndicat des praticiens de la santé publique et de Islam Benatia, youtuber et acteur du mouvement. Ces personnalités actives dans la société civile et dans le hirak avaient été approché il y’a plusieurs jours par Karim Younes pour faire partie de son panel. Elles ont posé des conditions à leur participation après consultation avec leurs attaches militantes respectives, pour ceux qui sont représentent syndicat ou association. L’option de leur participation à cette médiation coordonnée par Karim Younes était toujours en lice mercredi soir. Il était encore question de laisser celui ci se rendre seul à la présidence pour s’emparer de sa mission, mais aussi de s’assurer que les préalables liés à la mise en place du panel soient garantis.
Renoncement et mauvais départ
Le renoncement de Karim Younes à défendre la composante pressentie de son panel de la médiation est un premier signe inquiétant sur sa capacité à bien répercuter le point de vue du mouvement populaire dans le dialogue qu’il s’apprête à mettre en place. Ce renoncement est politiquement parlant. Les quatre noms biffés de la liste finale ont exprimés plusieurs exigences politiques dont le coordinateur du panel semble avoir, d’ores et déjà, échoué à assurer la possible satisfaction. La première est bien sur liée au contexte dans lequel doit se dérouler le dialogue politique : sans détenus politiques, sans pression sur le hirak. Il se précise de ce point de vue, que l’appel lancé par le président de l’Etat à la justice pour qu’elle libère les détenus du mouvement populaire exclu les personnalités politiques détenus en vérité pour délit d’opinion. Ali Ghediri, Hocine Benhadid et surtout Lakhdar Bouregâa « ont affaire directement avec l’armée » ce serait excusé le président de l’Etat. Le cas de Louiza Hanoune était même évoqué séparément. Les autres exigences politiques également paraissent poser problème d’emblée. Ainsi les quatre noms retirés du panel ont clairement prévenu qu’il n’était pas question d’enfermer le dialogue dans la feuille de route des élections présidentielles, tel que l’avait fait Abdelkader Bensalah dans son offre politique le 03 juillet dernier. Une option ouverte en théorie, mais problématique dans les faits. Parmi les profils retenus dans le panel aucun ne s’est clairement distingué en faveur d’un processus constituant (Référendum constitutionnel, ou assemblée constituante), préalable à l’élection présidentielle. Karim Younes s’est privé d’entrée des arguments politiques pour un dialogue ouvert et inclusif. L’accueil hostile des manifestants ce vendredi est largement justifié. La médiation, souhaitée par une grande partie de la société civile et de la classe politique, a clairement pris un mauvais départ.