Conférence de presse sur l’affaire Ihsane El Kadi : Les révélations du collectif de défense - Maghreb Emergent

Conférence de presse sur l’affaire Ihsane El Kadi : Les révélations du collectif de défense

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Le collectif de défense du journaliste et directeur du pôle éditorial d’Interface Média, Ihsane El Kadi, composé des maîtres Zoubida Assoul, Mostefa Bouchachi, Abdallah Hebboul, Abdelghani Badi et Said Zahi, a tenu ce samedi 7 janvier, une conférence de presse au cabinet de Me. Assoul à Alger, pour éclairer l’opinion publique sur la détention de leur mandant et la mise sous scellés des locaux d’Interface Medias, qui édite « Radio M » et « Maghreb Emergent ».

Dans son mot d’ouverture, l’avocate et présidente du parti UCP, Me Zoubida Assoul, a informé les journalistes présents qu’aucun détail susceptible de nuire au secret de l’instruction en cours ne pourra être révélé, tout en rappelant l’un des principes sacro-saints de la justice, à savoir la présomption d’innocence.

« Des tentatives pour manipuler la justice ! »

« La constitution algérienne garantit la présomption d’innocence à tout accusé jusqu’à sa condamnation définitive par la justice algérienne. Je rappelle cela, parce que depuis le début de l’affaire, nous avons entendu des voix, sur les réseaux sociaux, mais aussi sur de nombreux médias nationaux, prétendre révéler des détails de l’enquête, incriminant notre mandant. Ces voix qui s’imposent comme des tribunaux populaires ne cessent de distiller des fakes-news sans aucun fondement », indique Me Assoul qui dénonce des tentatives d’influencer, manipuler et entraver au bon fonctionnement de la justice.

La même avocate affirme que cette conférence entre dans le cadre des missions du collectif de défense de rétablir la vérité en informant l’opinion publique des dérives commises et permises à l’encontre du prévenu Ihsane El Kadi. « Il n’est pas normal que des personnes puissent parler des détails d’un dossier en cours d’instruction ; des détails dont elles ne disposent même pas. Et le pire c’est que ces détails sont erronés et mensongers ! », s’indigne l’avocate.

« Les informations distillées sur les réseaux sociaux et sur certains médias à propos d’un prétendu financement étranger des médias gérés par Ihsane El Kadi sont mensongères et le but de ces fakes-news n’est autre que d’influencer les futures décisions des magistrats », dénonce encore Me Assoul qui se pose la question de savoir qui est derrière une telle campagne diffamatoire. « Malheureusement, nous avons complètement inversé la règle fondamentale, à savoir l’innocence d’un accusé jusqu’à preuve du contraire. Aujourd’hui, on affirme la culpabilité d’un accusé, qui doit lui présenter les preuves de son innocence. Et c’est une grave dérive ! », dénonce encore la présidente de l’UCP, qui n’a pas omis d’aborder le sujet de la mise sous scellés d’Interface Média en tant que personnalité morale : « Il n’y a aucune poursuite contre Interface Média, la société éditrice de Radio M et Maghreb Emergent, donc rien qui ne justifie la mise sous scellés de ses locaux ».

Une arrestation et des zones d’ombre

De son côté, l’avocat et procédurier Abdallah Hebboul a abordé les conditions de l’arrestation, le placement en garde à vue et la mise en détention provisoire du journaliste, affirmant que les procédures n’ont pas été respectées et que l’arrestation s’est faite d’une manière illégale, puisqu’en dehors du cadre légal régit par le code des procédures pénales.

« La manière dont a été arrêté Ihsane El Kadi est la première dérive dangereuse dans ce dossier », accuse l’ex-magistrat qui révèle l’existence de zones d’ombre sur la partie à l’origine de l’arrestation du directeur d’Interface Média, survenue vers les coups de minuit.

En effet, pour Me Hebboul, le passage de la direction générale de la sécurité intérieure, à l’origine de l’arrestation et la garde à vue, de la tutelle du ministère de la Défense nationale aux mains de la présidence de la République et l’absence de textes clairs régissant le nouveau mode de fonctionnement de cet organe sécuritaire laissent de nombreuses questions en suspens. Pourquoi cette police judiciaire a été rattachée à la présidence de la République sans la publication d’aucun texte au journal officiel et vers qui se tourner en cas de litige avec cette instance ? Le procédurier estime que les quatre accusations retenues à l’encontre de leur mandant sont des infractions politiques. « Ces poursuites et cette affaire sont purement politique et la couverture judiciaire et réglementaire qu’on veut lui donner est légère et fragile et tout le monde va le découvrir lors de l’audience publique de ce procès », tranche Me Hebboul, avant de rappeler que cette affaire est survenue quelques jours seulement après un article d’opinion et un tweet publiés par l’accusé. « Ihsane El Kadi est à la prison d’El Harrach, mais ses idées et ses articles sont toujours libres et consultés », conclut l’avocat.

« Radio M et Maghreb Emergent ne sont pas concernés »

Pour sa part, Me Said Zahi est venue clarifier la non-implication d’Interface Média dans les poursuites entamées contre son directeur du pôle éditorial. « Interface Média est une société par action qui compte 29 actionnaires. C’est une boite de communication de droit algérien régie par les lois algériennes et Ihsane El Kadi n’est pas la société. Le représentant officiel de cette entreprise est le président du conseil d’administration, qui est autre que notre mandant », révèle l’avocat du directeur d’une entreprise dont le chiffre d’affaires annuel est compris entre 40 et 50 millions de dinars algériens (entre 4 et 5 milliards de centimes). La mise sous scellés de cette société a également été faite en dehors de tout cadre juridique et en violation des lois de la République dont la constitution de 2020, affirme le même intervenant. « Tous ces faits et ces violations des procédures nous permettent d’affirmer qu’il s’agit d’une affaire purement politique dont l’objectif n’est autre que de fermer et museler une entreprise médiatique ouverte à tous les Algériens ».

« Instrumentalisation de la justice »

Cette affaire survient dans un climat de répression généralisée, a estimé de prime abord, l’avocat et défenseur des droits de l’Homme, Me Abdelghani Badi. Une répression qui vient faire taire toute voix discordante. Toute opinion divergente de celle de l’autorité politique est tue, emprisonnée et même diabolisée. « Les articles du code pénal régissant les délits d’opinion et les délits politiques sont des lois élastiques, flexibles et modulables à souhait. Toute action politique pouvant avoir un résultat est aujourd’hui criminalisée par le pouvoir politique », explique Me Badi. Ce dernier, regrette en outre, que la « fermeture imposée par le pouvoir algérien empêche les journalistes et les citoyens de pouvoir se solidariser avec Ihsane El Kadi, qui bénéficie d’un soutien et d’une solidarité impressionnante à l’international. Le pouvoir désire imposer un climat de terreur au sein des journalistes, des avocats, des académiciens et des élites. C’est pour ça que Radio M et Maghreb Emergent, qui donnent la parole à tout le monde, ont été ciblés. Le pouvoir estime être l’incarnation de l’Etat en distribuant les bons et mauvais points en matière de patriotisme et de nationalisme », conclut Me Badi, avant de laisser la parole à Me Mostefa Bouchachi. Ce dernier est catégorique “Ihsane El Kadi n’a commis aucun crime ou délit punis par les lois de la République algérienne, ni dilapidé les deniers publics. Ces poursuites sont purement politiques, pour avoir été une lueur au milieu des ténèbres, en accordant la parole à tous, en ces moments difficiles et délicats que traverse l’Algérie actuellement. L’objectif étant d’éteindre cette lueur ».

Pour le ténor du barreau d’Alger, les lois sont là pour être respectées ; pour être au-dessus de tous. « Quand on poursuit le PDG de Sonatrach ou d’Air Algérie, on ne ferme pas les deux sociétés ! Les textes sont clairs et on en arrive à la conclusion que l’unique objectif de ces poursuites est de censurer et de faire taire ce média qui laisse s’exprimer des voix discordantes et contradictoires pour enrichir le débat », estime Me Bouchachi qui regrette l’« instrumentalisation du pouvoir judiciaire pour donner de la légitimité à ce genre de poursuite judiciaires, qui touchent des milliers d’Algériennes et d’Algériens ».

Yamina Baïr

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