La visite du 12 janvier 2016 du premier ministre algérien Abdelmakek SELLAL, outre les aspects sécuritaires, s’inscrit dans le cadre de la consolidation de la coopération économique entre l’Algérie et l’Allemagne. Mise sur pied en 2010, suite à la visite du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à Berlin, la commission mixte algéro-allemande est conçue dans cette logique.
En 2012, à sa deuxième réunion, la commission a fait un bon bilan de ce qui a été réalisé avec de nouvelles perspectives pour le développement des relations économiques et commerciales, mettant en relief les potentialités et les défis d’accès au marché algérien dans des domaines variés, tels que les énergies renouvelables, la technologie médicale, la formation, le secteur de l’agriculture, les transports, la pharmacologie et l’agro-alimentaire.
1.- Quelle est la situation de l’économie allemande ?
L’Allemagne a une superficie de 357 027 km² avec capitale Berlin et d’importantes villes comme Hambourg, Munich, Cologne, Francfort, Stuttgart, Düsseldorf, Dortmund, Essen, Brême, Dresde, Leipzig, Hanover, Nuremberg dont 66 villes allemandes de plus de 100 000 habitants. L’endettement public pour 2014 aurait été de 74,7% avec une baisse de 71,5% pour 2015; la balance commerciale a été pour 2014 de 217 milliards d’euros avec comme principal clients ( France, USA, Royaume Uni, Chine, Pays Bas , Autriche ) et comme principal fournisseur ( Pays bas, Chine, France, USA, Italie , Royaume Uni). Le PIB se décompose comme suit : agriculture 0,9%- Industrie 28,2% et services hautement qualifiés pour 72% étant donc loin de l’ancienne vision mécanique de l’actuelle stratégie industrielle en Algérie ignorant la transformation du monde. Le PIB a évolué ainsi en milliards d’euros : 2012, 2750, 2013, 2810 et en 2014 2904 milliards d’euros et le PIB par habitant a atteint en 2014 35.247 euros. Les exportations en en valeur ont été de 1095 milliards d’euros en 2012, 1093 en 2013 et 1133 en 2014. Pour 2014 dont 604 milliards de dollars avec l’union européenne (plus de 50%), : machines 18,1; véhicules 17,1; produits chimiques 15,7 (dont médicaments 5,3); électrotechnique 9,1; matières métalliques 8,1, alimentation 4,5; Autres 27,4. Quant aux importations elles sont évaluées à 906 milliards d’euros en 2012, 898 en 2013 et 916 en 2014. Pour 2014(653 milliards d’euros avec l’union européenne, soit plus de 60%) : produits chimiques 12,7 (dont médicaments 4,1); machines 12,3; pétrole et gaz 12,1 (en grande partie de la Russie); électrotechnique 10,1; véhicules 8,3; produits métalliques 7,6; alimentation 6,0; Autres 30,9. L’Allemagne a reçu de l’étranger des investissements colossaux estimés en 2011 à 588 milliards d’euros, en 2012 : 625 et en 2013, 650 milliards d’euros. Les sanctions russes ont impacté l’économie allemande selon les estimations que d’environ 6 milliards d’euros, s’attendant à une reprise pour l’année 2016. Selon ces instituts (le DIW de Berlin, l’Ifo de Munich, l’IWH de Halle et le RWI d’Essen), la croissance allemande devrait s’élever en 2015 à 1,8 % – au lieu de 2,1 % et également à 1,8 % en 2016, essentiellement portée par la consommation intérieure. Le Fonds monétaire international, vient de réviser à la baisse ses prévisions de croissance, les ramenant à 1,5 % pour l’Allemagne. Si la consommation croît, c’est parce que le nombre d’actifs continue d’augmenter devant dépasser les 43 millions en 2016, les salaires réels progressent, et le pouvoir d’achat bénéficie également de la baisse du prix des matières premières, notamment le pétrole. En revanche, le chômage, qui est passé sous la barre des 7 % en 2012 et qui touche en 2015 6,4 % de la population, ne devrait plus diminuer, misant même sur une légère augmentation. Si l’on prend les statistiques du FMI et ce en dollars US, et l’on utilise les taux de change du marché, les Etats-Unis arrivent en tête du classement des nations qui produisent le plus de richesses en 2015 avec 18 287 milliards de dollars, suivi de la Chine 11.285, le Japon 4882, l’Allemagne 3309, la Grande Bretagne 3003 et la France 2935 milliards de dollars devant pour avoir un aperçu objectif diviser par la population totale et ensuite voir la répartition du revenu par modèle de consommation et par couches sociales. Ainsi l’Allemagne avec une population de 79,9 millions d’habitants en 2015 contre 82,7 millions en 2007 est la quatrième puissance économique mondiale. Les projections démographiques pour 2030 seraient de 72,2 millions d’habitants (2030, cette régression de la population expliquant en partie qu’elle pourrait recevoir 1,5 million de réfugiés en 2016 selon le quotidien populaire Bild Zeitung du lundi 5 octobre 2015 qui cite un document confidentiel de l’administration et que les autorités n’ont pas démenti. Or, le PIB algérien d’environ 220 milliards de dollars est irrigué directement et indirectement par 80% de la rente des hydrocarbures via la dépense publique, représentant 6% du PIB allemand, pour une population d’environ 40 millions d’habitants, Alors que le PIB allemand repose essentiellement sur l’entreprise privée, selon un système de cogestion entreprises syndicats et sur la valeur ajoutée produite à partir du travail et de l’intelligence, une population qualifiée grâce à une formation professionnelle permanente.
2.- L’Algérie et le commerce mondial
Selon les statistiques douanières, concernant les importations uniquement de biens par zone non inclus les services qui sont dérisoires, n’incluant paradoxalement pas l’Allemagne pour les exportations algériennes, en 2014 nous avons respectivement : Espagne avec 9.713 milliards de dollars (15,43%)- l’Italie 8.369 (13,29%)-la France 6.744 (10,71%)-la Grande Bretagne 5.482 (8,71%)-les Pays Bas 5.080(8,07%)-Les USA 4.691(7,45%)-la Turquie 2.905 (4,61%)le Brésil 2.709 (4,30%) la Belgique 2.155 (3,42%)- la Chine 1.817 (2,89%) le Portugal 1.635 (2,60%)-la Tunisie 1.584 ( 2,52%) –le Canada 1.547 (2,46%) –le Maroc 1.381 (2,19%)- et le Japon 1.257 (2,00%) sur un total d’exportation de 62,956 milliards de dollars. Concernant les importations non inclus les services d’environ 11/12 milliards de dollars par an entre 2010/2014 nous avons la Chine avec 8.197 milliards de dollars(14,05%)-, la France 6.342 ( 10,87%)-l’Italie 4.893 (8,54%)-l’Espagne 4.892 (8,54%)-l’Allemagne 3.774 (6,47%)-les US 2.858 (4,90%)-la Turquie 2.123 (3,64%)-l’Argentine 1.932 (3,31%)- la Corée du Sud 1.635 (2,79%)-la Grande Bretagne 1.419 (2,43%)-le Brésil 1.380 (2,37%)-l’inde 1.195(2,05%)-la Suisse 1.169 ( 2,00%)-les Pays Bas 1.060 (1,82%)- La Belgique 920 (1,58%)- sur un total de 43, 959 milliards de dollars US. En 2013, la valeur des échanges commerciaux entre les deux pays s’élevait à 4 milliards d’euros. Les exportations allemandes vers l’Algérie totalisaient 2,2 milliards d’euros et les exportations algériennes atteignaient 2 milliards d’euros. L’Allemagne est le 5e fournisseur de l’Algérie, selon les chiffres fournis par l’ambassade d’Allemagne qui précise que la Chambre algéro-allemande de commerce et d’industrie compte environ 400 adhérents allemands et algériens, soutiennent ces échanges économiques entre les deux pays. Le secrétaire général de la Chambre du commerce germano-arabe a fait savoir que le volume des échanges commerciaux entre les deux pays a connu une croissance de 20% en 2014 par rapport à l’ère de 2013. Si l’on prend un accroissement de 20%, nous aurons un montant en valeur des échanges pour 2014 d’environ 4,8 milliards de dollars. C’est qu’actuellement, plus de 200 entreprises allemandes sont installées en Algérie. Existant des données souvent contradictoires du fait de l’effritement du système d’information en Algérie, dans son rapport DGRECI/DPSEE – 08 mai 2014, « analyse comparative sur la période 2010 – 2013 », la direction générale des relations économiques et de la coopération internationale du Ministère algérien des affaires étrangères note que les importations d’Allemagne en 2012 ont été de 2.595 millions de dollars contre des exportations de 238,199 millions de dollars la balance commerciale accusant un déficit de 2,357 millions de dollars, déficit qui va en s’aggravant puisque les importations pour 2013 ont été de 2864 millions de dollars et les exportations seulement de 21,029 millions de dollars, soit un déficit de 2843 millions de dollars. Selon l’APS Les échanges commerciaux entre les deux pays dans les domaines agricole et agro-alimentaire ont dépassé les 612 millions de dollars au cours des neuf (9) premiers mois de 2015. L’Algérie a importé des produits agricoles allemands d’une valeur de 606,8 millions de dollars entre janvier et septembre 2015, soit une croissance de 66% par rapport à la même période de 2014, alors que les exportations algériennes vers l’Allemagne n’avaient pas dépassé les 5,8 millions de dollars, composées essentiellement de fruits, fruits secs et d’engrais
3.- Les perspectives de la coopération algério-allemande
Plusieurs domaines de coopération aient été identifiés, mais les opérateurs allemands sont peu attirés par l’investissement en Algérie, tant le cadre réglementaire n’est pas vraiment en leur faveur. Selon maintes déclarations des opérateurs et autorités allemandes, la règle 51/49, appliquée aux investissements étrangers, ne distinguant pas nettement secteurs stratégiques et secteurs non stratégiques ont fuir les entreprises allemandes notamment les PMI/PME à l’instar d’ailleurs de non nombre d’autres pays. Or les quelque 4400 entreprises de gouvernance familiale que compte l’Allemagne forment la colonne vertébrale de l’économie allemande, sans compter l’importante diaspora évalue à environ, quelque 30 000 Algériens en Allemagne, plutôt «bien intégrée». Environ 220 sociétés d’Outre- Rhin sont implantées en Algérie et emploient quelque 2000 personnes. Selon les données allemandes, quelque 200 sociétés allemandes sont implantées en Algérie. Elles évoluent dans différents secteurs d’activité entre autres l’énergie, les services, l’hydraulique, le transport et les technologies de la construction. L’Algérie importe essentiellement de ce pays des équipements mécaniques, électriques, sidérurgiques, des véhicules et des produits chimiques et des graisses. Les exportations algériennes sont, à l’inverse, constituées essentiellement des hydrocarbures (pétrole et gaz) et dérivés. Malgré ces échanges minimes loin des potentialités, la volonté politique « partagée » par les deux capitales et leurs intérêts économiques et géostratégiques respectifs, restent, malgré la crise économique et financière mondiale, favorables au renforcement des échanges économiques et de la coopération bilatérale dans plusieurs secteurs porteurs. L’objectif essentiel est de renforcer le partenariat, tout en étudiant le marché économique des deux pays afin de rechercher les opportunités de coopération en vue d’accroître les échanges commerciaux et la coopération bilatérale notamment dans le secteur de l’énergie (solaire, éolienne et photovoltaïque) et des technologies. Dans le domaine scientifique, l’Allemand Solar-Institut de Julich (SIJ) mène un projet de réalisation d’une tour solaire thermoélectronique à Tipasa, en collaboration avec le Centre de développement des énergies renouvelables (CDER). L’accord relatif à ce projet a été signé et les travaux de réalisation, financés en grande partie par l’Allemagne, devait débuter au courant du premier trimestre 2011. Un autre projet, « Desertec », évalué à 400 milliards de dollars, destiné à exploiter le potentiel solaire de l’Algérie pour produire de l’énergie alternative, représente également un grand intérêt pour l’Allemagne, leader mondial dans le domaine des énergies nouvelles. Intitulée «Concentrating Solar Power for the Mediterranean Région» (MED-CSP), l’étude vise à démontrer la faisabilité du concept «Desertec» imaginé par le réseau international TREC (Trans-Mediterranean Renewable Energy Coopération) créé en 2003 par le Club de Rome. Le projet «Desertec» a pour objectif, d’une part l’accélération de la production d’électricité et d’eau dessalée à partir de centrales thermo-solaires et d’éoliennes, situées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et, à partir de 2020, le transport de cette électricité verte jusqu’en Europe, d’autre part. L’Algérie, bien qu’existe plusieurs options accordait pour les prochaines années la priorité aux énergies renouvelables. Aussi, parallèlement dans le cadre d’un partenariat gagnant/gagnant dans divers domaines en intégrant l’accumulation du savoir faire technologique et managérial des algériens, l’on pourrait aboutir à la conclusion de contrats de coopération avec des entreprises algériennes dans d’autres filières où l’Algérie a un avantage comparatif mondial, où l’Allemagne par un partenariat gagnant/gagnant pourrait utiliser ses réseaux de commerces internationaux, car nous sommes à l’ère de la mondialisation. C’est dans ce cadre que s’est inscrit le déplacement d’entreprises allemandes à Alger, dont la firme Messer spécialisée dans la production et la distribution des gaz industriels, la société PWT versée dans la construction d’installations de traitement de l’eau, l’entreprise Braun travaillant dans les équipements et les produits de la santé (anesthésie, médecine intensive, cardiologie, la chirurgie et le traitement sanguin extracorporel…) et la société NIPAG qui construit des installations et dispositions de traitement de l’air vicié (purificateurs, séparateurs, des tamis moléculaires et des installations à plasma non thermique.
En conclusion, les Allemands qui n’ont pas de contentieux historique avec l’Algérie, privilégiant le pragmatisme et connus pour leurs franchises ont fait savoir récemment au gouvernement algérien qu’ils étaient prêts à intensifier la coopération mais que les dernières mesures gouvernementales de l’Algérie notamment les 49/51% étaient contre-productifs, vision administrative, devant privilégier la référence économique comme la balance devises et l’accumulation du savoir faire organisationnel et technologique . L’économie allemande étant dominée par le secteur privé, et l’économie algérienne par la dominance de la bureaucratie qui produit la sphère informelle, un système financier et socio-éducatif à réformer, en plus de la levée du foncier, il nous appartient à nous Algériens de lever les obstacles à la mise en œuvre des affaires, supposant de profondes réformes structurelles, une bonne gouvernance et une visibilité et cohérence de la politique socio- économique du gouvernement. Sous ces réserves, dans la pratique des affaires n’existant pas de sentiments, la coopération algéro-allemande pourrait s’intensifier dans le cadre du respect mutuel.
*Professeur des Universités, Expert International
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