Le Haut Conseil de Sécurité s’est réuni aujourd’hui et a pris un certain nombre de décisions concernant la lutte contre la propagation du Coronavirus. Les mesures ont fait l’objet d’un communiqué sommaire sans aucune explication, publié par l’APS sur son site, accompagné d’une photo de la table de réunion excessivement fleurie, et lu aux journaux télévisés. Les autorités n’ont pas jugé utile d’expliquer leur pertinence. Le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement est intervenu sur l’ENTV pour rappeler que la seule source d’information pour ce qui est des bilans sanitaires est la commission de veille.
L’effort pédagogique assure l’adhésion volontaire
Les questions que sont en droit de se poser les citoyens sont nombreuses et concernent le confinement imposé à la wilaya d’Alger uniquement entre 19h et 7h, sans en préciser la durée alors qu’il est fixé à 10 jours à Blida. Pourquoi ne pas l’imposer la journée et n’autoriser que les déplacements pour nécessité absolue avec contrôle des forces de sécurité ? La propagation se fait quand les contacts sont à leur apogée, pendant la journée. Et pourquoi uniquement Alger, alors que d’autres wilayas sont touchées et nous n’avons aucune idée de la prévalence de la contamination puisque le nombre de tests demeure très limité.
Si tout le monde s’accorde sur la fermeture de tous les cafés, restaurants, d’aucuns se posent la question de ne pas avoir inclus les banques, la poste, et toutes les administrations centrales, de wilaya et communales en maintenant des permanences au niveau de toutes ces institutions pour gérer les urgences. Par contre, les magasins ne peuvent pas tous fermer, et on pense précisément aux bureaux de tabacs, qui sont aussi distributeurs de crédit téléphonique, aux réparateurs de téléphones portables, de télévisions, d’ordinateurs ou d’électroménager, si on veut maintenir les gens chez eux. En Algérie, rien ne se fait à distance et tout a besoin de déplacement. Et ces limitations ne sont pas justifiées aussi à Blida, confinée complétement au moins pendant les dix prochains jours, extensibles. Le communiqué ne précise pas les modalités de confinement de cette wilaya. La population sera-t-elle autorisée à s’approvisionner auprès des magasins autorisés à ouvrir ? On suppose que oui, mais ce n’est pas clairement indiqué.
Compensation des pertes occasionnées par ces mesures
Comme n’est pas claire celle qui concerne l’indemnisation de la libération de 50% des effectifs applicable au secteur public et privé. Sur quelle base les indemnisations des pertes occasionnées seront-elles « examinées, évaluées pour une prise en charge ultérieure par l’Etat » ? Est-ce que les personnels travaillant dans les magasins obligés de fermer et donc libérer 100% de leur personnel sont inclus ? Et comment peuvent-ils assurer le paiement des salaires de ces personnes placées en congé payé ou en chômage technique ? Et qu’en est-il des pertes de revenu, pour toutes ces entités, aussi bien publiques et privées, puisqu’elles libèrent au moins 50% de leur personnel quand ce n’est pas 100%, et on pense aux salles des fêtes, aux restaurants, cafés, les entreprises… Sont-elles obligées de continuer à payer leurs charges fiscales et sociales ou en sont-elles exonérées pendant toute la période de la validité de ces mesures ?
De telles dispositions auraient dû faire l’objet d’une invitation du premier ministre au journal de 20h pour répondre à toutes ces interrogations et rassurer. Et pour les questions pour lesquelles il n’a pas de réponse, il chargera ces collaborateurs de les inclure dans une sorte de texte d’application détaillé de toutes ces mesures exceptionnelles. L’urgence n’est pas synonyme de précipitation. Aucune zone d’ombre ne doit demeurer pour rassurer et mobiliser tous les citoyens. La clarté et la transparence doivent être les gages de l’engagement des autorités en charge de la sécurité sanitaire, économique et sociale des citoyens pour leur libre adhésion à l’effort exceptionnel exigé par ce contexte. Les menaces envers les contrevenants à ces mesures prendront alors tout leur sens.
Abdenour Haouati