Covid-19 : quel impact sur l’écosystème innovation en Méditerranée ? (Contribution) - Maghreb Emergent

Covid-19 : quel impact sur l’écosystème innovation en Méditerranée ? (Contribution)

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En 2012, le réseau méditerranéen de promotion des investissements en Méditerranée, ANIMA, dénombrait dans son Mapping des acteurs de l’innovation en Méditerranée quelques 276 organisations parmi lesquelles clusters, technoparks, incubateurs, accélérateurs, co-working spaces et fablabs ainsi que les bureaux de transfert technologique. En 2017 une mise à jour de ce mapping dans le cadre de l’initiative The Next Society permettait de recenser 478 structures actives dans les seuls pays de l’Algérie, Egypte, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine et Tunisie, représentant une augmentation considérable de 73% sur une période de 5 ans.

En Méditerranée, les entrepreneurs innovants, dont le succès est souvent associé à des modèles mondiaux et dépendants de l’interconnexion des économies, se retrouvent particulièrement touchés par la crise sanitaire actuelle. Si certains ont su rapidement proposer des solutions qui répondaient aux besoins provoqués par la crise, il est probable qu’une grande majorité ne se relève pas. Les pouvoirs publics, en accélérant l’adoption de dispositifs de soutien à l’entrepreneuriat et à l’innovation, jouent un rôle crucial en offrant un contexte plus favorable aux innovateurs qui sauront pivoter ou se réinventer en tirant les enseignements de cette crise.
 
En une quinzaine d’années, la scène start-up, émergente dans la région Méditerranée, s’est structurée autour de secteurs qui ont toute leur place dans le monde « post-Covid » : mobilité, énergies renouvelables, technologies vertes, agriculture, santé, et logiciels. Les entrepreneurs innovants, habitués à évoluer dans un environnement fait de risques et d’incertitudes (capacité d’accès au financement, aux marchés, au capital humain, en plus des aléas liés à l’évolution des tendances tech et de leurs usages), disposent de facto d’une agilité forte pour opérer les transformations nécessaires.
 
Une enquête conduite dès avril 2020 par ANIMA pour évaluer les attentes des bénéficiaires accompagnés par l’initiative The Next Society a souligné le besoin d’un accompagnement personnalisé portant sur la réalisation du pivot stratégique pour une feuille de route « post-Covid », et confirmé le caractère crucial de la question de l’accès au financement. Cela confirme donc le bénéfice apporté par le renforcement des dispositifs publics et privés d’accélération de l’innovation.

Une réponse concertée à la crise

La culture de l’entrepreneuriat et de l’innovation, encore relativement récente dans les pays sud-méditerranéens, a en effet été largement favorisée par l’essor et la professionnalisation des structures d’appui aux innovateurs[1]url:#sdfootnote1sym depuis les années 2010 : incubateurs, accélérateurs, acteurs du financement de l’innovation, technopoles ou tiers-lieux… Il convient donc désormais plus que jamais, de penser la réponse à la crise actuelle de manière concertée et systémique, en associant enfin l’ensemble des composantes de l’écosystème.  

Les incubateurs, accélérateurs ou tech hubs, ont d’ores et déjà adapté leurs offres pour inclure une palette variée de services « Covid » aux innovateurs : redéfinition de la proposition de valeur, stratégie de « pivot » pour adapter un produit ou en développer un nouveau, optimisation de la trésorerie pendant la crise, nouvelle stratégie de vente et politique tarifaire pendant et « post-Covid »…

The Next Society adapte son action et favorise l’échelon régional

Ce programme européen de soutien à l’innovation en Méditerranée piloté par ANIMA a adapté son plan d’action en regard de la crise du Covid-19 en digitalisant la quasi-totalité de ses activités en direction des start-up, clusters, chercheurs et chargés de transfert technologiques. Deux principes ont en outre guidé la réflexion pour imaginer comment le programme, qui associe plus de vingt organisations partenaires dans la région, pouvait mobiliser sa communauté d’acteurs pour développer des réponses spécifiques à cette nouvelle situation :

  • Mettre en place des activités ayant un impact direct pour ses bénéficiaires, au premier rang desquels les entrepreneurs individuels, les plus affectés.
  • Favoriser – grâce notamment à la digitalisation – une logique de collaboration régionale entre bénéficiaires face aux défis similaires qu’affrontent les pays de la région.

Parmi les nouvelles activités en cours de lancement, le programme de préparation à l’investissement THE NEXT SOCIETY (Investment readiness programme) accompagnera de façon individuelle et personnalisée les innovateurs de la région en mettant à leur disposition un expert dédié leur permettant de pivoter leurs activités, de préparer leur levée de fonds et facilitant leur mise en relation avec des investisseurs.

Des opportunités qui émergent de la crise

Sur l’axe du transfert technologique, le programme Tech Booster, qui accompagne des chercheurs-entrepreneurs dans chacun des 7 pays prenant part au programme, sera décliné à l’échelle régionale pour démultiplier les opportunités de collaboration et de commercialisation pour ces innovations technologiques « made in Méditerranée ». S’appuyant notamment sur le succès du programme au Liban, l’édition régionale ciblera des solutions de « Recherche appliquée responsable et innovations frugales au service de la crise ». Le programme inclura un bootcamp régional virtuel d’accélération de l’innovation qui proposera des aides au prototypage des solutions développées, et des réunions virtuelles de mise en relation avec des partenaires industriels et des investisseurs issus des réseaux partenaires dans chaque pays.

Le tempo des innovateurs n’est bien sûr pas celui de ces réformes structurelles. En témoigne le rôle essentiel joué par les clusters qui ont réussi à mobiliser leur écosystème pour faire face à l’urgence sanitaire dans leurs pays.  

Au Maroc, le cluster CE3M (Cluster électronique mécatronique mécanique du Maroc) a pu mettre en place un consortium avec ses membres et partenaires (Aviarail, Pillioty, SERMP, Ministère de l’industrie, Ministère de la santé, Mascir, INPT, Université Med VI Benguérir arrimée à la fondation OCP) pour développer le premier ventilateur artificiel 100% made in Maroc (l’expertise et les composants sont tous disponibles dans le royaume). En seulement deux semaines, un prototype a été conçu, construit, testé et approuvé par les autorités publiques. Aujourd’hui, les partenaires industriels ont accéléré le processus de production afin de fournir 500 ventilateurs en 10 jours.
 
En outre, le pôle C2TM (Cluster des Textiles Techniques Marocains) et ses membres ont travaillé à la production de masques barrières et d’équipements similaires afin de fournir aux Marocains des équipements de protection individuelle contre le virus.
 
En Tunisie, les membres du Cluster 2TS (Cluster de Textile Technique du Sahel) ont mis en place un groupe de discussion virtuel et ont lancé une enquête auprès des entreprises tunisiennes travaillant dans le secteur du textile technique et notamment dans la branche du textile médical. L’objectif de l’enquête était de construire une base de données fiable et actualisée afin d’améliorer la chaîne de valeur et de consolider les synergies locales pour aider le pays dans sa lutte contre le Covid-19.
 
THE NEXT SOCIETY se félicite des succès de ces clusters qui bénéficient du soutien du programme depuis son lancement, et ont participé aux différentes activités dédiées aux clusters depuis lors (diagnostics personnalisés, formations, semaines de rencontres en Europe, B2B avec leurs homologues d’Europe et de Méditerranée, mentoring…). Ce programme d’accélération à destination des clusters leur a permis de multiplier leurs opportunités d’affaires et d’ouvrir de nouveaux canaux de collaboration pour eux-mêmes et leurs entreprises membres aux niveau national et international.
 
Prochaine étape pour The Next Society : renforcer encore son action sur ce volet en permettant à ces clusters et à leurs membres de travailler ensemble, et avec leurs homologues européens, au développement de solutions communes. En 2012, ANIMA dénombrait dans son Mapping des acteurs de l’innovation en Méditerranée quelques 276 organisations parmi lesquelles clusters, technoparks, incubateurs, accélérateurs, co-working spaces et fablabs ainsi que les bureaux de transfert technologique. En 2017 une mise à jour de ce mapping dans le cadre de l’initiative THE NEXT SOCIETY permettait de recenser 478 structures actives dans les seuls pays de l’Algérie, Egypte, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine et Tunisie, représentant une augmentation considérable de 73% sur une période de 5 ans.

Par Mathias Fillon, Coordinateur THE NEXT SOCIETY, ANIMA Investment Network.

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