Lors de son passage jeudi sur Radio M, le patron d’Alliance Assurances, M. Hassen Khelifati, a dénoncé une dérégulation orchestrée par une position dominante des compagnies publiques qui pèsent 77 % du marché des assurances en Algérie.
Dans l’interview accordée aujourd’hui aux animateurs de l’émission « L’invité du direct » de Radio M, le PDG de la compagnie privée d’assurance Alliance Assurance, Hassen Khelifati, a estimé qu’une intervention de l’Etat pour réguler le marché des assurances s’impose plus que jamais, dans la mesure où sa présence à travers les compagnies publiques d’assurances qui pèsent plus de trois quarts du secteur condamnent le reste des opérateurs à « une précarité systémique ». Hassen Khelifati qui a présenté les résultats de sa compagnie pour l’exercice 2013, a indiqué que la guerre des prix subsiste encore, en dépit de l’accord conclu entre assureurs plafonnant les remises promotionnelles à 50 %.
Les grands groupes boudent les assureurs privés
Hassen Khelifati s’est surtout interrogé sur les causes qui font que les résultats ne suivent pas l’augmentation, d’année en année, du potentiel assurable. Et de donner pour exemple l’assurance automobile, qui porte la croissance de tout le secteur et celui de sa compagnie en particulier : « En 2012 à titre d’exemple, l’Algérie a importé 600 000 véhicules. Si on prend une assurance tous risques pour chaque véhicule pour un tarif moyen de 40 000 DA, cela fait 24 milliards de DA (220 millions d’euros environ) alors que le secteur n’en a fait que 10 milliards de DA (92 millions d’euros environ). Ce n’est pas normal ! Ce n’est pas normal aussi que Sonatrach qui s’assurait pour 60 millions de dollars il y a quelques années le fasse actuellement à 32 millions alors que ses investissements sont plus importants qu’avant ». Il a ajouté: « Vous avez aussi l’assurance dite de responsabilité civile (RC) qui est indexée pour les dommages corporels sur le Salaire national minimum garanti (SNMG) qui évolue tous les deux ans alors qu’elle ne bouge pas. Idem pour les dégâts matériels pour lesquels nous encaissons 1 DA et décaissons 3 à 4 DA ».
Le patron a ainsi insisté sur plus d’équité car, a-t-il affirmé, l’absence de règles écrites soumet les opérateurs, privés notamment, à l’arbitraire des gestionnaires des entreprises publiques qui refusent, pour des raisons non avouée, de s’assurer chez les privés. « A Alliance Assurance, avons décidé de ne plus soumissionner dans le cadre des marchés publics parce nos efforts en la matière se sont révélés une perte de temps et d’énergie. Les managers du secteur public nous disent qu’ils ne veulent pas avoir de problèmes mais, ne nous montrent aucun texte réglementaire qui le leur interdit », a-t-il déclaré.
Mais, cette discrimination dans le segment corporate (il représente 48 % de son chiffre d’affaires, Ndlr), a souligné Hassen Khelifati, il l’a subit aussi et un beaucoup plus de la part des patrons des grands groupes privés. « Nous essayons de nous déployer auprès des petites et moyennes entreprises privée. C’est aussi un gisement à explorer. Les grands groupes privés ne s’assurent pas chez nous. J’ai eu l’occasion de le leur dire, la plupart sont mes amis. Ils ne nous laissent même pas soumissionner en le mentionnant dans les cahiers des charges déjà. Ils ont monté et retiré l’échelle. Je ne comprends pas pourquoi un privé refuse de s’assurer chez un privé.», a-t-il regretté.
AXA est un bon challenger pour Alliance Assurances selon Khelifati
Hassen Khelifati pense par contre trouver un bon challenger avec l’arrivée de la compagnie française AXA, même si sa compagnie a observé un mouvement migratoire des entreprises françaises actives en Algérie vers l’assureur français, le privant d’un important portefeuille, les concessionnaires automobiles français notamment. De même qu’AXA Algérie, détenue à hauteur de 51 % par le Fond national d’investissement (FNI) et la Banque extérieure d’Algérie (BEA) et qui est plutôt une compagnie publique, a pu débaucher un autre client important d’Alliance Assurances à savoir la Société Générale avec laquelle elle était en négociation sur des projets de banque assurance. « Cela obéit peut-être à des accords entre ces groupes internationaux, mais la présence AXA avec 2 % de parts de marché n’est pas significative en Algérie pour le moment. Ces parts vont augmenter cela est sûr, mais, elle représente pour nous un bon challenger qui va nous pousser à nous remettre en cause et à amener nos équipes à avoir plus de performance », a-t-il dit.
Il convient enfin de noter que le potentiel assurable selon Hassen Khelifati tourne autour de 5 à 7 milliards de dollars. Les assureurs algériens n’ont réalisé que 1,3 milliard USD en 2013. « Nos résultats peuvent se multiplier rapidement par cinq », a-t-il projeté. Et de conclure : « Pourvu qu’on enlève les contraintes qui nous freinent le développement du secteur et de mettre aussi tous les opérateurs dans les mêmes conditions ».