Par Raouf Makhloufi
Les raisons du limogeage du PDG d’Air Algérie, Mr Bekhouche Alleche, et du Ministre des Transports, Mr Lazhar Hani, évoquées par le communiqué du chef du gouvernement, ne seraient qu’un prétexte. La vérité serait ailleurs…
Deux versions ont été jusque-là avancées dans la presse pour justifier ce limogeage : l’une est liée aux travaux de rénovation et rééquipement réalisées par la filiale Catering d’Air Algérie, et l’autre évoque l’achat par cette même filiale de porcelaine destinée à la première classe de la compagnie.
Selon une source interne à la compagnie, le bon de commande de porcelaine destinée à la première classe des avions d’Air Algérie est bien le prétexte qui a servi de justification au limogeage. Et il s’agirait d’un bon de 96 000 dollars, placé conformément aux règles établies en matière d’approvisionnement, pour l’acquisition d’articles en porcelaine, non fabriqués en Algérie.
De plus, cet achat rentre dans le cadre de la mise à niveau des services offerts par la compagnie nationale pour faire à une concurrence féroce sur les lignes desservies par des compagnies telles que Air France, Emirats et Qatar Airways… Notre interlocuteur rappelle que plus de 70% des billets vendus sur la première classe se font en devises, et la clientèle est très sensible à la qualité du service offert.
Conflit d’intérêt et opération de rapatriement
Les véritables raisons de ce double limogeage devraient être cherchées ailleurs. On évoque, pour le ministre Lazhar Hani, un conflit d’intérêts, puisque sa famille est active dans le domaine du transport maritime. Elle serait actionnaire dans la filiale algérienne de la société logistique espagnole Romeu Algérie, et celle de Green Algérie du taïwanais Evergreen Marine Corp.
Quant au PDG d’Air Algérie, la mauvaise gestion de l’opération de rapatriement serait la véritable raison de son licenciement. Même si le chargé de communication de la compagnie n’a cessé de rejeter la responsabilité de cette gestion catastrophique sur les autorités chargées d’arrêter et de valider les listes des rapatriés.
Il faut rappeler que les listes définitives sont établies par des services du ministère de l’intérieur et envoyées, souvent la veille du vol, aux consulats algériens à l’étranger, par le canal du ministère des affaires étrangères. Une gestion bureaucratique et occulte de l’opération de rapatriement a souvent été dénoncée. Elle serait derrière le faible taux de remplissage des avions mobilisés ainsi que du transport de personnes étrangères à l’opération de rapatriement.
Le limogeage du patron d’Air Algérie envoie un signal très négatif aux gestionnaires du secteur public, aussi bien économique que financier, déjà tétanisé par l’opération « mains propres » menée depuis bientôt deux années. Ce ne sont pas de telles décisions qui encourageront ces gestionnaires à prendre des initiatives pour faire face à la crise multiforme que connaissent tous les secteurs d’activité.