C’est un rapport de l’Institut national français de la recherche agronomique (INRA) qui devrait donner des crampes d’estomac aux dirigeants algériens et à ceux des autres pays d’Afrique du nord et du Moyen-Orient: notre dépendance aux importations qui est déjà une des plus élevées au monde risque d’atteindre des niveaux encore plus grands d’ici 2050 du fait de la combinaison de la croissance démographique, de l’évolution des régimes alimentaires et aussi de l’impact du changement climatique.
La région Afrique du Nord – Moyen-Orient (ANMO) qui est déjà considérée comme un « point chaud » climatique connait une dépendance céréalière parmi les plus élevées au monde. Elle importe déjà 40% de ses besoins alimentaires. Ce chiffre pourrait dépasser les 50% à l’horizon 2050 « si les effets du changement climatique ne sont pas contenus « .
« Dans une région complexe au plan géopolitique, les importations agricoles et les politiques alimentaires pèsent dans le budget des états et atteignent leurs limites en matière de lutte contre la pauvreté » note l’étude
L’évolution dans la région ANMO est un « miroir grossissant des défis alimentaires mondiaux et [… le] baromètre des compétitions auxquelles participent les grands acteurs agricoles de la planète « .
Les chiffres sont éloquents : la dépendance alimentaire s’est multipliée par quatre en 50 ans alors que la population s’est multipliée par 3,5 avec un régime alimentaire qui s’est « occidentalisé « .
Sous ces effets conjugués, la demande en produits agricoles est multipliée par six, celle en produits végétaux est multipliée par huit… La production céréalière a augmenté par quatre mais elle est insuffisante pour satisfaire les besoins.
Que faire ?
Les importations de blé sont passées de 5 à 44 millions de tonnes, celles du maïs qui n’étaient de 300.000 tonnes en 1961 ont atteint les 23 millions de tonnes importées en 2011. L’importation des produits sucriers a été multipliée par 15, pour atteindre 12 millions de tonnes avec un taux de dépendance de 37 %.
Cette évolution est-elle évitable ? Selon l’étude cette dépendance alimentaire pourrait être limitée à l’horizon 2050 dans le cas où trois leviers agissent simultanément : le progrès technique qui augmenterait la production locale, le changement de régime alimentaire s’orientant vers la diète méditerranéenne, et la réduction des pertes et gaspillages.
La combinaison des trois leviers – progrès technique, régime alimentaire, pertes et gaspillages – pourrait être efficace, mais cela « suppose des politiques publiques fortes en appui « . L’option la plus efficace serait de limiter le changement climatique, « ce qui suppose là-encore un engagement politique. «
Scénario catastrophe
Les tendances évoquées se fondent sur les effets du changement climatique tels qu’ils se sont exprimés au cours des vingt dernières années. Des effets qui sont « encore relativement faibles « . La situation deviendra particulièrement noire dans le cas du scénario le plus sévère envisagé par le GIEC.
« Pris isolément, aucun de ces leviers n’a d’effet. Dans le cas où aucune mesure ne serait prise pour limiter le changement climatique, on anticipe une forte croissance de la dépendance alimentaire : le Maghreb serait particulièrement exposé, perdant 50 % de ses terres cultivables » note le rapport en relevant que les effets climatiques auront pour effet d’accentuer les tensions sur l’utilisation de l’eau et des sols et celles liées à l’urbanisation et à la main d’œuvre.
Les conditions de la production agricole se dégradant, la dépendance aux importations du Maghreb pourrait atteindre les 68%. Une « situation préoccupante » note le rapport : « On connait les risques qu’il y a pour les Etats comme pour les économies, à atteindre de tels niveaux de dépendance : déséquilibre des balances commerciales, alourdissement potentiel des dettes d’Etat, exposition forte aux fluctuations des marchés mondiaux, crises alimentaires récurrentes, etc. « .
Avis à ceux qui nous gouvernent…