Soutenir ou non à la candidature du président sortant à un quatrième mandat ? Le patronat algérien est divisé mais ceux qui refusent de s’engager en faveur de M. Bouteflika ne vont pas jusqu’à claquer la porte du Forum des chefs d’entreprises, à la façon d’Issad Rebrab en 2004. C’est que tout le monde n’a pas la fortune aussi bien assise que le patron de Cevital.
C’est l’ultime match style « organisation de masse apporte soutien indéfectible à la direction politique ». Il se déroule au sein de l’organisation patronale Forum des chefs d’entreprises. Et même si beaucoup d’Algériens doutent qu’il y ait actuellement une « direction » dans laquelle va le pays, des patrons, qui vivent de la commande publique ne doutent pas qu’il faille faire le « bon choix ». Celui qui a été déjà fait dans le passé, « sans histoire » ou presque. Car il y a eu un précédent, en 2004 : le patron algérien privé qui pèse le plus a émis un vœu de neutralité pour le FCE, il n’a pas été suivi. Il a tiré sa révérence. C’était du rapide, à la Issad Rebrab, on ne laisse pas traîner les choses. Même s’il a tenu à faire savoir par la suite qu’il n’était pas contre Abdelaziz Bouteflika mais pour la neutralité du FCE, certains y ont vu un signe. De l’épaisseur prise par le groupe Rebrab qui se permet, ostensiblement, d’afficher une forme modeste d’émancipation à l’égard du pouvoir.
Tous ne l’ont pas, cette capacité d’émancipation. Et même si sur le site de l’organisation patronale, on affirme qu’en 2011, les chefs d’entreprises affiliés pèsent plus de 14 milliards de dollars, le FCE reste « politiquement » en orbite. Comme les « patrons » de l’UGTA, les patrons privés sont des « réalistes ». Ils attendront de devenir aussi « épais » qu’Issad Rebrab pour devenir « neutres ». Car il n’est pas question d’indépendance. Of course ! Pour l’instant, on est dans la « stabilité ». On est entré en politique en 2004, derrière un candidat, dix ans après on est derrière lui !
Sauf que ça coince. Certains de ces patrons ne supportent pas cette image très passéiste, ringarde et peu moderne, que renvoie un patronat obligé d’afficher son soutien à la « direction politique » du moment. On est en 2014, non ? Certains n’oublient pas qu’en 2009, le FCE, déjà sous la présidence de Reda Hamiani, a été puni pour s’être exprimé sur la « politique économique » du pouvoir. Sur le mode du « on ne veut pas que le FCE fasse de la politique » et sur instruction gouvernementale, les patrons publics ont obéi à une directive de l’Etat employeur : ils ont quitté « en masse » l’organisation patronale. Depuis, observe un patron, « indépendant car non affilié à aucune organisation », le FCE ne parle pas trop des politiques publiques mais il fait de la politique.
Les « patrons du président » ont découvert, sans doute avec une certaine surprise, l’existence d’une certaine résistance à cette « obligation de soutien politique » qui a été instituée à l’encontre du règlement intérieur. Cela fait des vagues et provoque des divisions. Les partisans de Bouteflika 4 s’affichent, les partisans de la neutralité sont discrets. Mais très présents puisque l’AG de soutien n’a pu se tenir car ils se sont fait porter pâles ou en voyage. Dans les prochains jours on votera. Sous tension. On y parle mêmes de « menaces » et de « peur ». Les patrons sont dans la houle à cause de la « stabilité ».