Energie renouvelable : L'Algérie pourrait avoir du mal à atteindre ses objectifs d'ici 2030 (analyse) - Maghreb Emergent

Energie renouvelable : L’Algérie pourrait avoir du mal à atteindre ses objectifs d’ici 2030 (analyse)

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Durant le second semestre de l’année 2016, l’Etat algérien a opté pour le modèle des Appels d’Offres au lieu de celui des tarifs d’achat garantis dans un contexte marqué par la chute spectaculaire des prix des panneaux solaires. Pour les développeurs locaux de projets, ce changement de cap a été extrêmement défavorable.

 

 

Les prévisions 2017 du marché photovoltaïque international se situent actuellement autour des 79 GW[1]. Sa progression exponentielle (+32% en 2015 et +34% en 2016) permet de comparer cette industrie à celle de l’informatique.

Son faible coût par rapport aux énergies fossiles, la demande croissante d’électricité mondiale et son faible impact sur le déploiement de coûteux réseaux électriques expliquent cette progression dans de nombreuses régions du monde.

Les analystes[2]prévoient une croissance très importante dans les prochaines années avec des perspectives de marché de l’ordre de 600GWc (soit 20% par an) d’ici 2020.

L’énergie solaire va tout juste commencer à entrer dans le mix énergétique des différents pays, sa marge de croissance est considérable. Une multitude de nouveaux marchés s’apprêtent à prendre le relais comme moteurs du développement photovoltaïque. L’Algérie est au cœur de l’une des zones les plus prometteuses mais ne possède pas de réelle capacité (moins de 400 MW).

 

Nous avons besoin de la mise en place d’un cadre stable et crédible :

L’énergie photovoltaïque en Algérie c’est toute une histoire ! L’Etat algérien a publié le 23 Avril 2014, dans le Journal Officiel, un arrêté ministériel définissant les conditions d’achat garanties de l’électricité photovoltaïque. Les tarifs d’achat garantis ont été fixés pour une durée de 20 ans, le tarif variant en fonction de la taille des installations et tenant compte du potentiel solaire du lieu d’installation.

Mais, durant le second semestre de l’année 2016, l’Etat algérien a choisi d’opter pour le modèle des Appels d’Offres au lieu de celui des tarifs d’achat garantis. En effet, le solaire photovoltaïque est devenu alors compétitif dans de nombreux pays et se développe sans l’aide de subventions. Avec la chute spectaculaire des prix des panneaux solaires (30% au cours de l’année 2016) et des composants « BoS »[3] (12% au cours de la 2éme partie de 2016), on a vu des prix très bas ressortir lors des Appels d’Offres.

Ces événements survenus sur le marché international ont coïncidé avec la nomination de Monsieur BOUTERFA Noureddine à la tête du ministère de l’Énergie. En conséquence, le conseil du gouvernement a adopté le 17 janvier 2017 un décret relatif aux conditions liées à l’appel d’offres qui sera lancé pour la réalisation de centrales solaires d’une capacité globale de 4050 MW. Monsieur BOUTERFA peut lancer alors l’élaboration du cahier de charges pour l’appel au partenariat national et international.

Pour nous, développeur local de projets, ce changement de cap a été extrêmement défavorable car, après plus de 2 ans et demi de prise en charge de l’ensemble des coûts de développement, nos projets se sont retrouvés en stand-by.

Pour autant, nous nous devons de reconnaître que cette démarche nouvelle correspond aux besoins algériens car l’État n’a pas les ressources financières pour réaliser un projet de 8 milliards de dollars. Le point positif est que le gouvernement prévoit de régler le problème du foncier et de réformer le cadre financier.

La règle du choix du « moins-disant » plutôt que du « mieux-disant » est affirmée par l’Etat algérien. Les lauréats de l’Appel d’Offres signeront avec le distributeur d’électricité SDA (filiale du groupe Sonelgaz) une Power Purchase Agreement (PPA[4]).

La compensation financière liée aux surcoûts induits par la production d’électricité à partir de ces projets est assurée par le Fonds National pour la maîtrise de l’Energie et pour les énergies Renouvelables et de la cogénération (FNER).

Puis, en plus du mécanisme d’Appel d’Offres pour les entreprises nationales et/ou étrangères, un mécanisme spécifique d’enchères de quantités d’énergie renouvelable sera mis en place pour les entreprises nationales tel que défini par l’Arrêté du 22 novembre 2016 complétant l’arrêté du 2 février 2014 fixant les tarifs d’achat garantis.Les professionnels des énergies renouvelables algériens ont salué la détermination et l’action rapide du Gouvernement pour pérenniser ce dispositif et plaident pour une vaste réforme du secteur bancaire.

 

Les solutions de demain sont déjà opérationnelles :

La synergie entre les deux ministères de l’Energie et de l’Industrie vise à structurer la filière industrielle algérienne du photovoltaïque.

La diplomatie algérienne, qui s’occupe de démarchage des investisseurs, a confirmé à plusieurs reprises que la partie industrielle du projet consiste en la création de co-entreprises spécialisées dans la fabrication de modules photovoltaïques, d’onduleurs et d’autres équipements.

Mais, dans les faits, ces deux métiers diffèrent, constituant ainsi une barrière plus difficile à franchir. Si des sociétés étrangères ne s’engageront pas dans cette démarche, d’autres ont la volonté de jouer un rôle positif pour accompagner l’Algérie dans la structuration de sa transition énergétique. Ces dernières demandent à repenser cette exigence sur le volet industriel.

 Rappelons que l’Algérie dispose déjà d’une capacité de fabrication de modules photovoltaïques et composants « BoS ». En libérant les énergies entrepreneuriales, il sera possible d’enrichir le volet industriel d’autres recherches que nous sommes prêts à explorer.

Concernant ce volet industriel, je souhaite que l’on arrive à intégrer 35% des composants fabriqués localement, créant ainsi un partenariat « gagnant-gagnant ».

Ce chiffre de 35 %, même s’il apparaît moins élevé que celui espéré par l’État algérien est une base de départ, réaliste et fiable.

Si déjà 35% des composants sont fabriqués localement, le processus engagé nécessitera probablement plus de temps que prévu. Devant accompagner individuellement ses futurs partenaires locaux en vue de faire évoluer leurs procédés industriels, le lauréat devra identifier les futures entreprises partenaires, auditer leurs outils industriels et réaliser un plan d’investissement et de formation du personnel.

Ce processus chronophage est également capitalistique, le surcoût de CAPEX étant estimé à 30%. A ce jour, nous sommes dans l’attente de la publication du cahier des charges, condamnés à travailler sur de multiples possibilités théoriques. Nous attendons avec une impatience grandissante la consultation publique lancée par le Ministère de l’Energie.

 

On assiste aujourd’hui, non pas une transition, mais à une révolution :

Les énergéticiens algériens doivent revoir leur business model. C’est pour cette raison que SONATRACH est présent en tant qu’actionnaire dans les sociétés (parfois appelée SPV[5]) à hauteur de 40%.

Cela sera-t-il bénéfique ?

Pour beaucoup d’acteurs de mon niveau, co-investir au côté de SONATRACH est rassurant. Les investisseurs locaux doivent lancer un outil concret comme un fonds d’investissement dédié au développement des énergies renouvelables. Le secteur privé doit s’investir et investir, en les mobilisant, des fonds propres pour cet Appel d’Offres.

 

Nous sommes cependant optimistes :

La réalisation d’une installation solaire en Algérie s’apparente encore trop à un véritable parcours du combattant. Non seulement, les obstacles rencontrés engendrent des coûts de développement plus élevés qu’ailleurs mais ils peuvent également contraindre à l’abandon du projet, à n’importe quelle étape, la difficulté d’obtention des autorisations administratives en étant le parfait exemple.

 A l’opposé, lors d’un Appel d’Offres, les zones d’accueil sont généralement proposées par les candidats. En Algérie, c’est plutôt l’inverse. Une sélection de zones favorables à l’accueil des projets a déjà été faite par la Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz d’Algérie (CREG), l’Opérateur Système Electrique algérien (OSE – filiale du groupe Sonelgaz) et les 48 wilayas (provinces) d’Algérie.

Sachant que ces centrales seront installées dans plusieurs wilayas dispatchées à travers le pays (Béchar, El Oued, Ouargla, Biskra, Djelfa, Msila …) avec une capacité moyenne par centrale de 100 MW, les candidats connaissent ainsi, même approximativement, le coût de raccordement ainsi que les capacités d’accueil du poste-source. Cette démarche a pour résultat de réduire les coûts de développement.

L’Algérie se doit donc d’intensifier ses efforts pour faciliter le développement de la production d’énergies renouvelables. Les réseaux électriques doivent poursuivre leur renforcement. C’est cet effort que nous souhaitons accompagner de toutes nos forces.

 

Malek Drif,  expert dans le domaine des Energies renouvelables/  Cofondateur et Directeur de la Technologie d’ AL-MICHKAT Énergie Renouvelables

 



[1]Selon le rapport publié par le cabinet IHS Markit

[2]GlobalData, GTM Research, Mercom Capital, IHS Technology. et GTM Research

[3]Les photovoltaïciens regroupent les autres composants dans leur jargon sous le terme “B.O.S.” pour “Balance of system”

[4] Contrat d’obligation d’achat d’électricité renouvelable

[5] SPV : SpecialPurposeVehicle

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