Quelle politique énergétique pour l’Algérie afin d’honorer ses engagements liés à l’exportation du gaz ? - Maghreb Emergent

Quelle politique énergétique pour l’Algérie afin d’honorer ses engagements liés à l’exportation du gaz ?

Sonelgaz
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La déclaration du  ministre de l’Energie le 13  décembre 2018 pour qui au rythme actuel de consommation domestique de gaz naturel, bientôt il ne restera pas grand – chose à exporter, l’Algérie produisant  actuellement 130 milliards de M3 de gaz dont la moitié est consommée en interne et 30% devant  rester dans les puits pour qu’il puissent demeurer actifs , le gaz Butane, représentant 40% de la consommation, ne pouvant  pas être abandonné du fait de l’impossibilité couvrir l’ensemble du pays avec le réseau de gaz naturel, pose la problématique de la sécurité nationale.

 

 

Cela est corroboré par  le rapport du CREG , pour qui les besoins en gaz de Sonelgaz pour la seule génération électrique sont passés de 12 milliards de mètres cubes en 2000 à 27 milliards en 2014, , dépasseront  les  60 milliards de mètres horizon 2030 et 100 milliards horizon 2040. Tout cela renvoie à une nouvelle politique des subventions  et d’une manière générale à une nouvelle politique énergétique,  Sonelgaz n’étant qu’une entreprise d’exécution.  Tenu d’assurer la continuité du service public et la couverture de la demande, Sonelgaz devra consentir d’importants investissements et la mobilisation des financements risque d’être un exercice on ne peu plus compliqué dans un contexte de contraction des ressources.

 

1.- Au 01 janvier 2018, Sonelgaz  compte  9.184.962 clients électricité  et 5.267.104 clients gaz avec une longueur de réseau électricité de 358.260 kms et une longueur de réseau gaz de 120.315 kms . Une nouvelle  organisation a été adoptée au sein de  la société publique Sonelgaz  qui vise une rationalisation par la  réduction de  ses filiales à 16 sociétés dont la Holding Sonelgaz assurera le contrôle direct. La nouvelle organisation répondrait  ainsi « à la nécessité d’une plus grande performance et efficience du management en matière de conduite des projets, de génération de revenus et de valeur ajoutée avec un minimum d’investissement». Selon l’APS, en date du 12 février 2017, cette   reconfiguration a permis de ramener le nombre d’opérateurs activant dans le métier de production d’électricité à six (6) sociétés en comptant SPE (société de production d’électricité), SKTM (Shariket Kahraba oua Takat Moutadjadida), SKH (Sharikat kahraba Hadjret Ennous), SPP1 (Hybride gaz-solaire de Hassi R’Mel) et Karama (Production combinée d’électricité et de dessalement d’eau de mer d’Arzew).. En matière de distribution de l’électricité et de gaz, l’Assemblée générale a approuvé l’absorption des sociétés de distribution de l’électricité et du gaz de l’Est (SDE) et de l’Ouest (SDO) par la Société de distribution de l’électricité et du gaz du Centre (SDC) à laquelle seront cédées les actions détenues par Sonelgaz dans la Société de distribution d’Alger (SDA).Cette configuration permet de ramener le nombre des sociétés activant dans le métier de distribution de l’électricité et du gaz à une  seule société avec SDA comme filiale. Concernant les activités industrielles, de prestations de service et de sûreté interne, l’Assemblée générale de Sonelgaz a approuvé le maintien en l’état des sociétés créées avant la restructuration de Sonelgaz avec transfert des actions qu’elle détient dans Ceeg, Mpv, Sopieg, Sat-info, Amc, Rouiba Eclairage, MEI, Transmex, Swat, Sat, Sar, Sah, aux sociétés des cœurs-métiers à savoir SPE, GRTE, GRTG, SKTM et la Société de distribution de l’électricité et du gaz SDC. Cette restructuration avait été déjà annoncé en 2015 par  le Ministre de l’’Energie pour qui «la conjoncture actuelle marquée par une réduction drastique des revenus de l’Etat exige de trouver des réponses pérennes à la question de la disponibilité financière». Une mission qui devra s’appuyer sur plusieurs axes.

Premièrement ,  la nécessité de revoir l’organisation du groupe afin de recentrer sa mission, réaffirmer les responsabilités, consolider et renforcer l’encadrement.

Deuxièmement,  de choisir les actions à même de générer des plus-values avec le minimum d’investissements.

Troisièmement, d’amorcer un exercice d’évaluation systématique, continue et responsable» des actions du groupe.

Quatrièmement, une nouvelle restructuration  étant de défaire des filialisations coûteuses et de regrouper les activités afin de bénéficier d’économies d’échelle.

Cinquièmement, la  nécessité d’ une nouvelle réforme de la loi sur l’électricité et le gaz datant de 2002 afin de permettre   de réévaluer le rôle du régulateur, à savoir la CREG, et qui ne s’est pas, pour l’heure, totalement appropriée ses missions, notamment en ce qui concerne le volet lié à la gestion des appels d’offres pour la réalisation de centrales électriques.

Sixièmement,  l’ex PDG avait prévu de lancer un  sixième emprunt obligataire via la Bourse d’Alger qui  reflète la propension de l’entreprise à recourir systématiquement à l’endettement pour le financement des investissements devenus trop lourds au regard de ses ressources.

2.- La situation financière négative de Sonelgaz est devenue intenable avec le plafonnement  du prix de l’électricité : Je recense quatre raisons :

Premièrement, Selon la direction générale de Sonelgaz , où 99%  des entrant proviennent du gaz naturel, les énergies renouvelables étant presque nulle la production électrique est passée de 6000 mégawatts en 2000, à 19.000 en 201 et une prévision de 25.000 MW/an 2030 afin d’éviter les coupures, précisant  qu’en   juillet 2018, Sonelgaz a enregistré un pic de consommation d’électricité estimé à 13 900 mégawatts (MW) . La faible industrialisation fait la  consommation des ménages contrairement aux pays développés surpasse celle de l’économie productive. L’investissement réalisé en 2017 a été de 311 milliards de dinars  et les  volumes d’investissements prévus par le Groupe Sonelgaz doivent  s’élèver entre 2019/2030  à 2.500 milliards de dinars, soit 300 à 400 milliards de dinars/an à travers un plan de décaissement. .

Deuxièmement, la tarification énergétique qui dépend de la politique du gouvernement  et non de Sonelgaz   ne couvre pas le coût de revient de la production, obligeant Sonelgaz à contracter des crédits de long terme à des taux bonifiés assortis de différés de paiement pour la réalisation de ses investissements et afin de  répondre à la demande grandissante dans le sud du pays, voire exporter rappelant   l’accord signé en 2018 entre l’Algérie et deux pays voisins, Tunisie et Maroc, dans le but d’augmenter le volume d’énergie exporté passant de 100 MW à plus de 300 MW, étant prévu par ailleurs la réalisation d’un câble sous-marin vers  l’Espagne.  Le système tarifaire actuel reste progressif selon la tranche de consommation, le  prix de revient du kilowattheure (kWh) produit par Sonelgaz étant  de 12 DA, mais, les prix au consommateur final sont beaucoup plus bas (4 DA le kilowattheure en moyenne).  Selon le Ministère, les tarifs ne changeront pas pour la tranche de consommation (250 à 500 kWh), se situant autour de 1,77 DA le kWh contre 9,06 DA le kWh au Maroc et 3,39 DA le kWh en Tunisie.  La tranche la plus élevée de consommation concerne les gros consommateurs. Cette catégorie d’abonnés se fait facturer le kWh à 4 DA, contre 15,98 DA au Maroc et 14 DA en Tunisie, la réflexion sur les prix dont il s’agit devant  être axée sur cette tranche. Cela a un impact sur le compte d’exploitation de Sonelgaz,  le déficit structurel fluctuant  selon les déclarations officielles  de 79 milliards de dinars  2013, à 98 en 2018 et serait fin 2017 de 49 milliards de dinars. Le niveau de la dette  auprès de l’Etat selon la déclaration officielle du PDG de Sonelgaz étant passée fin 2017  de 1400 milliards de dinars à 1650 milliards de dinars fin novembre 2018 malgré des  taux d’intérêts bonifiés, les échéances de remboursement arrivant pour certaines tranches  vers 2022. Aussi, même si les rapports de Sonelgaz  ne le disent  pas ouvertement, ils suggèrent, d’une façon à peine voilée, une augmentation des tarifs ou alors le gouvernement doit mettre la main à la poche. L’augmentation souhaitable des tarifs selon le rapport Sonelgaz devraient être revalorisés de 11% par an pour pouvoir financer les investissements de Sonelgaz induits par l’augmentation de la capacité de production.

Troisièmement, le groupe  peine  à recouvrer ses créances qui avaient atteint les 50 milliards de dinars pour l’année 2015, 63 pour 2016,  58 milliards de dinars en  2017 dont la moitié est à l’actif des entreprises publiques, 20 % à l’actif des entreprises économiques, et 30 % ont été générés par des clients physiques.  Parmi les plus importantes d’entre elles le précompte TVA (taxe sur la valeur ajoutée) et le préfinancement des programmes publics. A cet effet, le groupe Sonelgaz compte solliciter une nouvelle fois les pouvoirs publics pour le règlement définitif du dossier d’assainissement financier et pour la mise en œuvre effective du statut fiscal spécifique à ses sociétés Ces dossiers des créances impayées ont constitué des facteurs aggravants qui ont maintenu la situation financière du groupe dans un déficit structurel. Pour certains responsables des sociétés de distribution, il est impossible de couper l’électricité à certaines institutions, notamment les écoles ou les hôpitaux.

Quatrièmement, avec des branchements anarchiques, le taux de pertes de l’électricité a été 19,52%, en deçà des objectifs. Dans l’activité du gaz, le taux de pertes s’élevait à 7,1% dues, comme l’électricité. Sonelgaz, perd annuellement plus de 10 milliards de dinars à cause de la fraude tout en n’oubliant pas l’inefficience de gestion interne.

3.-Où en est l’application de la loi sur l’électricité et la distribution du gaz par canalisations Elle est régie par la Loi n° 02-01 du 5 février2002 relative à l’Electricité et la Distribution du Gaz par canalisations.  La commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG)est un organisme indépendant doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. La CREG a trois missions principales : -réalisation et contrôle du service public ; conseil auprès des pouvoirs publics en ce qui concerne le marché de l’électricité et du gaz ; surveillance et contrôle du respect des lois et des règlements relatifs au marché de l’électricité et au marché national du gaz. Son rôle est de veiller au bon fonctionnement concurrentiel et transparent du marché de l’électricité et du gaz, dans l’intérêt des consommateurs et des opérateurs. La CREG a élaboré de nouveaux textes législatifs pour inciter à l’investissement dans les énergies renouvelables où  il est stipulé que l’investissement est ouvert à tous les opérateurs algériens publics et privés. Mais cela n’est pas nouveau puisque la loi sur l’électricité et le gaz de 2002 relative à l’électricité et à la distribution du gaz par canalisation) a pour objectifs d’introduire la concurrence au niveau de la production et de la distribution d’électricité et du gaz, et a pour objet notamment la mise en place de conditions incitatives pour l’attrait des investissements privés nationaux et étrangers, notamment l’accès des tiers aux réseaux. Mais ces  décrets  n’ont pas donné l’impulsion nécessaire à l’application de la loi sur la réforme du secteur de l’électricité en Algérie et l’introduction progressive de la concurrence. Deux de ces décrets sont liés à la production. L’un prévoit la procédure d’octroi de l’autorisation d’exploiter étant donné que la loi stipule aujourd’hui que la production de l’électricité est libre. Le second concerne les droits et les obligations du producteur de l’électricité. Les quatre autres traitent du réseau de transport. Il s’agit des règles et la construction du réseau de l’électricité et du gaz. Un des quatre textes prévoit aussi la constitution d’un conseil consultatif de la commission de régulation de l’électricité et du gaz (Creg). Concernant la concurrence privée, les conditions nécessaires à leur implantation significative en Algérie ne sont probablement pas encore réunies (environnement bancaire, fiscal, assurance, services connexes etc..), ne sont pas en place, d’autant plus que les investissements dans le domaine de la production du transport ou de la distribution sont lourds et le retour sur investissement long. Pour imposer cette concurrence sur le marché, il faut qu’il y ait une abondance de l’offre en quantité et une multitude d’acheteurs. Or, dans l’état actuel de la réglementation, selon le CREG, seuls les distributeurs peuvent acheter de l’électricité. Les autres consommateurs potentiels n’ont pas encore le droit d’acheter de l’électricité à des producteurs, les autres textes d’application n’étant pas entré en vigueur.

4.-Quelle action à mener ? L’électricité et la gaz sont des éléments fondamentaux tant au développement économique que pour les citoyens et donc un segment engageant la sécurité nationale et se pose cette question stratégique,  quel modèle de consommation énergétique pour l’Algérie horizon 2025/2030, non encore mis en place, sachant que dans moins 12 ans elle aura épuisé  son  gaz conventionnel selon le Ministre de l’Energie , la forte consommation intérieure, représentant  horizon 2030 l’équivaillent  des exportations actuelles qui peinent à atteindre 55 milliards de mètres cubes gazeux.. Cela renvoie à la cohérence et visibilité de la politiques socio économique et donc à l’approfondissement de la réforme globale. Pour les énergies renouvelables, il existe un débat qui ne fait pas l’unanimité des experts en Algérie entre le thermique et le  photovoltaïque.  Ce n’est qu’à travers un changement notable de la politique énergétique, que l’Algérie arrivera à construire un environnement adéquat pour produire 30 à 40% de son énergie à partir de sources renouvelables à l’horizon 2030. Pourtant, avec un ensoleillement annuel moyen évalué à 2 000 heures et un territoire composé à 86% de désert saharien, la puissance solaire de l’Algérie est estimée à environ 1700 KWh/m²/an dans le nord du pays et 2 650 KWh/m²/an dans le sud, ce qui correspond à une capacité électrique huit fois supérieure aux réserves de gaz naturel du pays. Selon le ministère de l’Energie, l’objectif est de disposer à l’horizon 2030, d’une puissance installée totale de 22 000 MW, dont 13 575 MW de solaire photovoltaïque et 2 000 MW de solaire thermique. Cependant, il existe des contraintes de financement, de rentabilité, bien que le coût mondial ait baissé de plus de moitié. Tout dépend de la future stratégie énergétique mondiale des firmes qui doivent produire à grande échelle pour réduire encore les coûts, auxquels s’ajoutent les pesanteurs politiques en Algérie où Sonelgaz ne fixe pas le prix de l’électricité n’ayant pas de stratégie propre sur les grands choix, ne pouvant décider seule de ses investissements et ne disposant pas de marge de gestion. C’est que la décision finale relève surtout du politique et notamment du Conseil national de l’énergie (CNE), seul habilité à définir les choix stratégiques. En bref, je préconise pour une transparence de la gestion de Sonelgaz mais également d’autres entreprises dont Sonatrach, d’appliquer le tarif du marché. En contrepartie, au niveau gouvernemental, comme je l’ai suggéré dans une audit réalisé sous ma direction sur le prix des carburants au sein d’un modèle concurrentiel  d’installer une chambre nationale de compensation chargée d’un système de péréquation intra secteurs , intra socioprofessionnelle et intra- régional  afin de soutenir les segments à valeur ajoutée et protéger le pouvoir d’achat des citoyens, toute subvention devant être budgétisée au niveau du parlement et le montant structuré inscrit clairement dans la loi de finances annuelle. ademmebtoul@gmail.com

 

 

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