Le journaliste écrivain Kamel Daoud est en passe de bousculer l’« ordre géopolitique de l’édition », selon son éditeur Sofiane Hadjadj, patron des Éditions Barzakh. Un ordre qui fait jusqu’ici que les écrivains importants soient édités d’abord à Paris ou à Beyrouth, et ensuite en Algérie.
Lors de son passage ce mardi sur le plateau de Radio M, le patron des Éditions Barzakh, Sofiane Hadjadj a estimé que le succès du dernier roman du journaliste écrivain Kamel Daoud, « Meursault, contre enquête », qui lui a valu le prix François-Mauriac et le Prix des cinq continents de la francophonie et des nominations pour les plus prestigieux prix littéraires en France : Goncourt et Renaudot, « a creusé une brèche dans l’ordre géopolitique de l’édition ».
Selon Sofiane Hadjadj, cet ordre qu’incarne Paris qui exerce une influence sur le monde de l’édition en langue française et Beyrouth où tout se passe pour les arabophones, a fait que les écrivains importants sont édités d’abord dans ces deux capitales avant qu’ils soient réédités dans leur pays d’origine. Une influence qui, a-t-il souligné, au-delà de la visibilité qu’elle offre aux écrivains, a donné aux éditeurs français et libanais une mainmise sur les droits relatifs au gros du patrimoine littéraire algérien.
Autocensure
Ainsi, s’est félicité Sofiane Hadjadj, « c’est la première fois qu’un écrivain important (Kamel Daoud, Ndlr) soit édité d’abord dans son pays d’origine avant d’être réédité à l’étranger ». Et d’ajouter, pour évoquer la valeur du roman : « Indépendamment des questions académiques et rhétoriques, ce texte de Kamel Daoud pose de vraies problèmes et il est d’une importance capitale pour les études postcoloniales. La preuve en est qu’il est vite adopté dans les programmes d’une dizaine d’universités états-uniennes, argentines, sud-africaines et chinoises ».
Sur un autre plan, l’éditeur Sofiane Hadjadj a abordé la question de l’autocensure à laquelle s’adonnent les éditeurs en Algérie et qui concerne, selon lui, un livre sur cent. « Certes, 1/100 est marginal mais, la liberté d’expression est indivisible et un cas de censure ou d’autocensure reste un cas de trop », a-t-il déclaré. Il a également expliqué le problème que pose la terminologie à utiliser pour raconter certains faits de l’histoire récente du pays comme par exemple l’utilisation ou non de « guerre civile » pour qualifier les évènements sanglants des années 1990. Et de conclure que le recul de la liberté d’expression est dû à un rapport de force en défaveur de la société civile.
Extraits vidéo : http://bit.ly/1rxFsJC
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