Le vice président du CNES et Président du MAEP considère que parler d’une Afrique sous-industrialisée est une erreur et rappelle que les pays Africains ont énormément de choses à échanger entre eux en rappelant que l’Algérie a importé pour 1,4 $ milliards de marchandises de l’Afrique en 2016 dont la moitié du Maghreb.
Un accord pour la création de La Zone de libre-échange continentale (ZLEC), un des étendards de l’agenda 2063 de l’Union africaine, vient d’être signé par 44 pays. Il vise à créer un marché commun de 1,2 milliard d’habitants, dont le PIB cumulé avoisinerait 2 500 milliards de dollars. Qu’est-ce que cette décision va apporter à l’Afrique ?
Cette décision est bien, comme vous le soulignez, une des déclinaisons majeures des objectifs contenus dans l’agenda 2063 de l’Union africaine. Dans le processus de mondialisation actuel fait d’ouverture mais aussi de défenses d’intérêts économiques et stratégiques par le reste du monde, l’Afrique se doit d’opérer son intégration économique progressive en mettant en place son propre espace de libre échange à l’instar des autres grands ensembles existants ou en construction.
Certains pays : Bénin, Botswana, Burundi, Érythrée, Guinée-Bissau, Lesotho, Namibie, Nigeria, Sierra Leone, Afrique du Sud et Zambie, n’ont pas signé l’accord. Pourquoi selon vous ?
Il s’agit d’une question intéressante. Pour ma part j’estime que les raisons de la non-signature par un certain nombre de pays renvoient à trois raisons différentes. S’agissant d’abord des pays membres de l’organisation régionale SADC(Afrique du Sud, Botswana, Lesotho, Namibie, Zambie), leur perception des bénéfices à tirer de l’adhésion à l’ensemble continental de libre échange ne leur paraît pas encore évidente car leur organisation est celle qui a assuré la meilleure intégration régionale. Ensuite, pour ce qui est du Nigeria, il s’agit tout simplement des pressions des lobbies patronaux locaux qui ne veulent pas, pour le moment, partager leur grand marché avec les autres entreprises africaines. Le Nigeria changera d’avis lorsque, à l’inverse, il identifiera les opportunités de croissance offertes par cet accord pour son économie. S’agissant de la troisième et dernière catégorie de pays n’ayant pas signé l’accord pour le moment (Burundi, Érythrée, Guinée-Bissau, Sierra Leone), le faible volume de leurs échanges, pour le moment, ne les motive pas à signer les premiers. Pour conclure sur ce point, il convient de donner du temps au temps, aux uns et aux autres.
Mahmmadou Isufurou parle de 2019. Le délai est-il raisonnable pour la préparation de tous les pays concernés ?
Vous savez que la plupart des pays africains, depuis leur indépendance, ont d’une façon ou d’une autre souscrit à des accords de libre échange. Ils ont l’expérience. J’ai pu m’en rendre compte lors des évaluations de gouvernance que j’ai conduites pour le MAEP dans le continent. Ceci dit, les délais peuvent être prolongés car il ne vous a pas échappé qu’il s’agit d’un mécanisme d’adhésion volontaire.
Y a-t-il des pays africains qui peuvent en bénéficier quand on sait que le continent est sous-industrialisé ?
Il s’agit là d’un regard du passé mais je perçois bien ce que vous sous-entendez à travers cette question. Il n’y aurait au mieux, selon vous, que quelques rares gagnants, et vous demandez qui seraient-ils? Avant de répondre, je relève d’abord que l’état d’un continent sous-industrialisé est consubstantiel à celui d’un continent disposant d’un fort potentiel de croissance industriel d’autant qu’il détient des ressources naturelles importantes.
Pour revenir à votre question, j’observe que plusieurs pays africains ont entamé la diversification de leur économie (Afrique du Sud, Algérie, Angola, Égypte, Kenya et Nigeria notamment). Ceux là et d’autres ont déjà des quotités de biens et de services à mettre à la disposition des marchés africains. Quant aux autres qui ne disposent pas encore de surplus à exporter, hors produits de base agricoles ou miniers, ils veulent et peuvent, à travers des investissements croisés africains, ouverts aux partenariats avec le reste du monde, remonter les chaînes internationales chez eux aussi. C’est cela la perspective ouverte par cet accord africain de libre échange. Là, nous parlons du temps long: le temps économique et le temps stratégique.
Quels en seront les impacts sur la CEDEAO, la CAE et La CEEAC ?
Ces trois organisations régionales africaines que vous citez, qui jouent un rôle important dans l’intégration régionale du continent, vont être précisément un instrument approprié pour amorcer l’intégration à l’échelle de l’Afrique. Il n’y pas d’incompatibilité entre les instruments régionaux et l’accord continental mais, au contraire, des effets bénéfiques de synergie.
Qu’est-ce que l’Algérie peut tirer comme bénéfice de cette zone de libre-échange?
L’Algérie peut tirer des bénéfices importants de cet accord. Vous avez probablement relevé la position favorable de la communauté algérienne des affaires. Je rappelle, à ce propos, que l’Algérie avait inscrit à son agenda économique l’intensification de ses échanges économiques en direction de l’Afrique subsaharienne bien avant la signature de cet accord.
A titre d’exemple, les services pétroliers avec la présence de la Sonatrach en Libye, au Mali et au Niger,’ les matériaux de construction (ciment d’Aoulef, robinetterie, etc.) ont commencé à atteindre les marchés africains ; les produits sidérurgiques, électroniques et agroalimentaires sont entrain de suivre puis viendront les produits mécaniques et pétrochimiques. En flux inverse, des produits de base et manufacturiers entreront en Algérie à partir de toutes les régions africaines sans barrières tarifaires à terme.
Mais pour ce faire, il reste à mettre en place, à travers le continent, des réseaux bancaires et logistiques performants. Je terminerai par une remarque sur les échanges commerciaux de l’Algérie en Afrique en général et le Maghreb en particulier pour rétablir des faits qui semblent non connus. J’ai en effet lu sur une des publications reproduites dans votre site que les échanges y sont plus que négligeables. Je rappelle simplement qu’en 2016, l’Algérie a importé pour $ 1,4 milliards du reste de l’Afrique dont la moitié du Maghreb dont le Maroc.