« L’Algérien a compris que s’il veut garder ce rythme de vie, il doit construire et travailler plus encore », écrit l’auteur de cette contribution. Pour lui, contrairement aux apparences, « les jeunes Algériens ne croient pas à l’Etat-Providence mais à l’action » et la nécessité de libérer les initiatives économiques.
Il est indéniable qu’avec la diminution des recettes pétrolières, causée par la baisse des cours des hydrocarbures sur les marchés mondiaux, le seul système susceptible de créer la richesse est l’entreprise.
Les temps ou le sous-sol, de notre pays, longtemps sollicité pour en tirer profit est désormais révolu. L’Algérie est en pleine mutation, car elle doit assurer sa survie et celle de ceux qui l’habitent. Nous sommes donc condamnés à aller droit vers une économie productive, créatrice de richesse, réalisant des profits et assurant une croissance.
Aujourd’hui, selon ses déclarations, le gouvernement s’emploie, d’une manière énergique, à démanteler les anciennes pratiques, ces systèmes de répartitions de rentes n’ayant plus cours dans cette nouvelle situation.
Tout le monde revient à l’évidence, après une décennie de dépenses incommensurables, l’Algérien a grandi et accuse le coup. Il se rend compte que le pays a traversé une période de faste et que son niveau de vie va ralentir ; mais il ne veut surtout pas trop le perdre. L’Algérien a pris goût à la vie, il ne proteste plus, il ne se révolte plus, il ne sort plus dans les rues, il ne revendique pas, il est comblé. Cette manne l’a bien occupé et l’a bien émancipé. Ce constat nous l’avons observé à travers l’ensemble des régions du pays.
Cependant, l’Algérien a surtout compris que s’il veut garder ce rythme de vie, il doit fabriquer, construire et travailler plus encore. Je suis convaincu que les jeunes Algériens sont réellement dans cette optique : ils ne croient pas à l’Etat-Providence, mais à l’action, à « Si vous ne soufflez pas dans votre trompette, nul ne le fera à votre place », et ce, tant dans les villes que dans l’arrière-pays, où les grands projets initiés ont permis à une main-d’œuvre souvent informelle de proposer ses services contribuant ainsi à la croissance relative des régions.
La croissance n’a jamais été un processus linéaire et équilibré ; c’est un processus complexe, qui se propage dans le déséquilibre. C’est ainsi que nous évoluons en Algérie, dans le désordre.
Trois groupes d’acteurs politiques
Il existe trois types d’acteurs, animateurs, dans la vie politique algérienne, d’aujourd’hui :
– ceux qui défendent la continuité dans l’économie de rente, en ne rien faisant, percevant les salaires et les subventions, faisant croire que c’est toujours possible et que note pays est très riche, recelant de grands trésors ;
– ceux qui veulent avoir toujours une mainmise sur l’économique, d’une manière ou d’une autre, dans le formel et dans l’informel, et ceci par le contrôle de l’administration ;
– et ceux qui ont compris que le pouvoir politique devrait passer du côté de ceux qui ont la capacité de créer cette richesse, signe de stabilité, d’unité et de développement.
Ces trois protagonistes se rejoignent en deux groupes :
– le premier et le deuxième convergent pour des raisons d’intérêts communs, le dénominateur commun étant la rente, leur raison d’être, et dont l’efficacité est à court terme : épuiser les réserves de changes qui nous restent ;
– Le troisième est celui qui s’apparente à des efficacités à long terme et durables, qui veut remettre l’entreprise au centre du débat politico-économique et lui permettre de retrouver son environnement et sa place de prédilection.
Ces acteurs-animateurs s’activent, nouent des alliances invraisemblables et inconcevables, pour atteindre leurs objectifs. Cette situation nous renseigne à quel point une conjoncture telle que celle que nous vivons peut démanteler des systèmes et en concevoir d’autres.
Aujourd’hui, cette situation conflictuelle, relayée par les médias, est un bon test pour mesurer la maturité du citoyen algérien, car, en fait, sur le plan sociologique, la société algérienne a subi, pendant ces dix dernières années, une grande transformation que les spécialistes n’ont pas encore éprouvé la nécessité d’analyser et partant de nous éclairer.
L’Algérien lambda a toujours les capacités de se révolter ; il n’est pas découragé ni abattu ; il attend, observe et n’oublie pas les promesses, notamment celles qu’il revendique tous les jours à travers son comportement et sa démarche quotidienne : c’est la libération des initiatives.
En effet, l’Algérien lambda a tout compris, il n’est pas opprimé ni meurtri, et il n’est pas idiot et ne veut plus que l’on manipule ; il veut vivre tout comme un citoyen dans son bien-être, à l’instar de tous les peuples du monde. L’Algérien fier, orgueilleux et avide de reconnaissance est toujours égal à lui-même (ce trait de caractère n’a pas disparu) ; il est toujours debout et dans l’expectative.
Quant aux entreprises, grandes et petites, elles adhérent à des organismes professionnels, les organismes patronaux, les Chambres de commerce et les confédérations ; cette approche nous renseigne sur le fait que l’entreprise algérienne a compris qu’elle doit jouer son rôle et constituer une force influente.
Même très petite une entreprise peut être moderne et produire de la richesse
Il est vrai que la structure des établissements à caractère économique algériens est dominée par les PME et les TPE mais cela n’empêche aucunement que ces entreprises aient cette volonté et cette capacité de se développer dans les standards internationaux et de porter d’une manière objective leur contribution économique. Dans notre pays, nous sommes obligés de nous soumettre à cette réalité : le système économico-social conçu et validé à travers l’histoire de notre pays indépendant depuis 1962, a toujours considéré l’entité privée comme étant une exploitation artisanale n’ayant pas d’abord la légitimité, ensuite les moyens et la capacité, de se développer et de s’agrandir. Cette conception stratégique a bel et bien planté le décor, notamment pendant la crise de 1986 au cours de laquelle le pays s’est trouvé contraint de s’ouvrir et de sortir de son autarcie, au début des années 1990.
Ces entreprises considérées comme très petites pour constituer une véritable force ont pris de l’ampleur suite à leur évolution et à leur participation au trois plan quinquennaux 2000 – 2014. En effet, ce faramineux boom économique qu’a connu l’Algérie, grâce et dopé par l’investissement public, fut un véritable tremplin. On peut regretter, encore une fois que nous n’ayons pas d’analyse sur cette progression des sociétés privées algériennes à travers cette période. Il est vrai que ce mix « économie formelle et informelle », dans lequel évolue la firme algérienne et qui est devenu une réalité économique, n’a pas réellement aidé l’analyse. Il demeure un fléau à réduire pour pouvoir se projeter intelligemment dans un futur économique durable, car le pays a besoin de ces établissements économiques, de leurs ressources et de leur capacité à se reconvertir.
Aujourd’hui, l’entreprise se retrouve interpelée, la conjoncture que nous traversons la conforte et la plaçant au centre du débat. Cette posture souligne son pouvoir grandissant dans la réorientation stratégique des politiques économiques structurelles. Elle se doit de peser de son poids dans les prises de décisions politiques. C’est un fait que personne ne peut nier. Nous sommes en 2015 et le seul système capable de créer la richesse est l’entreprise, notre sous-sol étant, en tout état de cause, à son stade finissant. En clair pas de choix et pas de substitut.
Les entreprises publiques doivent ouvrir leur capital aux privés, qu’ils soient locaux, étrangers ou partenaires. La loi de finance 2016 avec son article 66 est un pas vers l’ouverture tant attendue (à améliorer), que le monde entrepreneurial juge encore insuffisante quant à l’ouverture et à la libéralisation et que le groupe nostalgique du système rentier et leurs alliés considèrent comme un processus de bradage de l’économie du pays. On ne peut éprouver qu’indignation, effroi et inquiétude lorsqu’on voit ces positions radicalement fallacieuses. Faut-il laisser l’Etat faiseur de l’économie ? Faut-il laisser l’administration combiner avec ces clients ? Ou faut-il aller vers un état régulateur, à commencer par l’élaboration d’une bonne politique de privatisation, la libération de l’acte d’entreprendre pour laisser le marché faire, par la suite ? Ils veulent perpétuer l’impunité et pousser le pays à la dérive. Ce sont ceux-là même qu’il faut accompagner à se rhabiller. L’Algérie a bel et bien changé et ce sont de jeunes entrepreneurs algériens qui vont l’incarner comme l’ont fait leurs aînés lors de la révolution.
L’entreprise va redimensionner la vie économique, peser de son poids dans la prise de décision politique, c’est la seule structure susceptible, désormais de nous procurer la rente, cette fois-ci produite par la force du travail.