Plusieurs investisseurs dans le schiste aux Etats-Unis commencent à connaître un niveau d’endettement fortement élevé en raison des grosses dépenses mobilisées dans les forages alors que les chiffres d’affaires s’avèrent plutôt faibles, rapporte l’agence américaine d’information économique et financière Bloomberg.
Le montant de la dette contractée pour investir dans le schiste a presque doublé entre 2010 et 2014, tandis que les revenus financiers de la production n’ont pas suivi le même rythme en augmentant de seulement 5,6%, selon une enquête menée par Bloomberg auprès de 61 entreprises américaines d’exploration et de production de schiste.
»La liste des entreprises américaines du schiste qui sont en difficulté financière est considérable », selon une société new-yorkaise de gestion des actifs du secteur de l’énergie, ajoutant que »ce n’est pas tout le monde qui va survivre » dans l’investissement dans le schiste aux Etats-Unis qui exige une forte intensité capitalistique.
Chute brutale de production après un an
Le problème est que de nombreux puits de pétrole et de gaz de schiste génèrent, au départ, une importante production au cours de la première ou les deux premières années, mais qui est suivie d’une chute brutale de la production, expliquent les experts cités par Bloomberg.
Si les entreprises n’auront pas payé leurs dettes, elles peuvent alors avoir beaucoup plus de difficultés à les rembourser et tombent dans une spirale dans laquelle une plus grande part de leurs revenus de la production doit aller vers le remboursement de la dette, souligne cette agence.
Les foreurs sont alors pris dans une impasse en continuant à emprunter massivement pour financer leurs activités afin de tenter de compenser les baisses brutales de production des puits de schiste, relève-t-elle encore.
Pour Virendra Chauhan, analyste du secteur pétrolier et auteur d’un rapport intitulé « l’autre conte du schiste », le risque pour les producteurs de schiste est qu’en raison des taux de déclin de la production, leurs dépenses en capital sont constamment élevées alors que le remboursement de leurs dettes engloutit une part croissante du chiffre d’affaires.
Les prévisions de l’AIE remises en cause
Outre cette étude de Bloomberg, des experts du site britannique d’information et d’analyse énergétique »Oil price » se montrent prudents quant aux prévisions faites par l’Agence internationale de l’énergie et les grands majors pétroliers selon lesquelles les Etats-Unis deviendraient, dans quelques années, un exportateur net de pétrole et de gaz grâce à l’essor de la production de pétrole et de gaz de schiste.
Pour ces experts, trois »grands drapeaux rouges » devraient freiner cet enthousiasme américain: les taux d’épuisement des puits de schiste, la baisse des prix du pétrole et du gaz en raison de la surabondance, et le surendettement de compagnies pétrolières et gazières américaines pour les activités en amont dans le schiste. Selon eux, les puits de pétrole et de gaz de schiste ont un taux rapide de déclin et d’épuisement.
Citant des puits dans l’Oklahoma, la production moyenne de puits de pétrole de schiste a baissé d’entre 50 et 78% après la première année alors que celle du gaz de schiste a reculé d’entre 50 et 75% après la première année. Afin de maintenir le même niveau de production face à ce déclin drastique, les entreprises en amont doivent constamment forer de nouveaux puits.
Risque de surproduction de pétrole
Autre fait relevé par Oil price est que le pétrole de schiste américain a permis d’éviter une flambée des cours mondiaux de pétrole dans un environnement géopolitique mouvementé avec des productions insuffisantes de la Libye, du Nigeria, du Venezuela et d’autres grands producteurs.
Mais dans le moyen terme, avancent ces experts, la production pétrolière mondiale devrait dépasser la demande une fois le retour à la normale de la production de ces pays, générant une surabondance de pétrole qui va pousser les prix vers le bas.
Il serait alors difficile et coûteux aux entreprises américaines de schiste d’identifier et d’exploiter les puits de ces hydrocarbures non conventionnels en faisant face à une baisse des prix du pétrole mais à des coûts plus élevés d’exploration et de production qui réduiront leurs revenus et les profits. C’est dans ce sens que ces experts considèrent que les pronostics sur le boom américain de schiste doivent être plus mesurés et plus nuancés.