L’isolationnisme, pourquoi cela marche encore moins pour Bouteflika que pour Trump - Maghreb Emergent

L’isolationnisme, pourquoi cela marche encore moins pour Bouteflika que pour Trump

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La chronique hebdo d’El Kadi Ihsane, fait un parallèle entre la politique protectionniste et isolationniste de Trump et celle, semblable à son échelle de l’Algérie de Bouteflika.

 Les Etats Unis de Donald Trump et l’Algérie de Abdelaziz Bouteflika 4 sont en phase.Protectionnisme commercial, rupture des accords multilatéraux, conflit avec les instances onusiennes.  Dans le cas de Donald Trump tout était écrit dans son programme électoral « America First ».  La question se pose bien sûr de savoir où cela peut-il mener l’économie américaine après la tenue ce week-end du premier G6+1  ou G1+6 (c’est selon), qui entérine une guerre commerciale ouverte entre les Etats-Unis et ses puissants partenaires économiques européens et canadien.

Les analystes sont quasi unanimes. La première économie  du monde ne peut pas soutenir sans dégâts à moyen terme un démantèlement à rebours de son modèle de libre-échange. Le maintien des prix intérieurs américains bas durant les deux dernières décennies est le résultat des importations asiatiques et pour partie européenne.  Le cours isolationniste américain va se poursuivre durant tout le mandat de Trump car il est celui qui assure la fidélité de sa base électorale.  Pas certain qu’il suffise à le faire réélire. Mais qu’en es-t-il du cours isolationniste du 4e mandat de Bouteflika ? D’abord il n’est inscrit dans aucun de ses programmes électoraux.

Ensuite, il n’est théorisé par aucun économiste qui lui donnerait un sens stratégique à évaluer. Enfin il se déploie en un mode « je fais ce que je veux  mais ne me sanctionnez pas svp » ; qui déroute partenaires et opinions.  D’abord le protectionnisme. Il peut se défendre pour le lancement de certaines filières industrielles en substitution aux importations.  La règle suspendant le libre commerce doit être motivée, temporaire, la plus conforme possible à des clauses prévues dans les accords multilatéraux.  Les listes négatives de produits à l’importation ne l’étaient pas. Un zèle inutile là où les licences (politique de quota) avaient déjà du mal à se maintenir dans le temps.

L’instauration en cours dans le projet de loi de finances complémentaire pour 2018 (PLFC 2018) d’une taxe additionnelle temporaire de sauvegarde (DAPS entre 30% et 200%) marque une tentative de « civiliser » le protectionnisme algérien et mieux le faire accepter de ses partenaires commerciaux. Rien ne dit qu’elle aboutira. Car la tendance, à Alger comme à Washington,  est « au seul contre tous ».

L’instabilité réglementaire à quelle dose ?

L’isolationnisme de Trump a un substrat dans l’économie et dans la société. Il fait perdre une Amérique pensant en faire gagner une autre. Solde négatif. L’isolationnisme de Bouteflika est grégaire. Il est un dégât collatéral de la grande panne de réflexion que connaît le pays depuis avant même l’AVC présidentiel du 27 avril 2013. L’isolationnisme au sens nouveau américain est un mouvement décisionnel unilatéral qui déconstruit la relation au reste du monde. Avec Donald Trump il fait chavirer les plans d’investissements des multinationales. Avec le retrait de l’accord iranien sur le nucléaire, les Etats-Unis vont considérer indésirables chez eux toute entreprise qui travaillent avec l’Iran.

Conséquence Peugeot, en attendant une défense hypothétique par les européens, a amorcé une inflexion pour envisager de renoncer à son redéploiement en Iran, pays où il a une histoire industrielle.  En Algérie il détricote trop vite les cadres réglementaires de l’investissement. Dernière illustration, la politique incitative pour la substitution aux importations. Les règles qui ont lancé l’assemblage automobile en Algérie se sont avérées trop généreuses pour les investisseurs. Elles sont remises en cause dans la PLFC2018.  Il en est ainsi pour la franchise de TVA pour les intrants dans les industries naissantes. Elle est annulée. L’allemand Volkswagen engagé avec Sovac dans l’assemblage à Relizane, aurait déjà brandi la menace de quitter l’Algérie. Promesse de nouveau conflit.

Qui pour faire tourner le modèle comptable des externalités préjudiciables, dégâts plus gros  avec le maintien plus longtemps d’une exemption exceptionnelle ou avec son retrait anticipé ? Le fait est là. Quand l’Amérique change les règles qu’elle a adopté,  accord sur le nucléaire iranien,  les multinationales redoutent de perdre le marché américain et rentre dans le rang comme s’il s’agissait d’une injonction de leur propre gouvernement.

En Algérie, cela donne l’inverse. Les investisseurs qui ne sont pas venus ne viennent pas et ceux qui étaient là menacent de partir. Il existe un ilot pro-business dans l’univers conflictuel que développe la fin du règne de Bouteflika, c’est le Sonatrach de Ould Kaddour. Un management off-shore peut-il dénouer correctement toutes les négociations stratégiques engagées ? Ce sera sans doute le thème du retour du Iftar. Trop copieux pour un creux de ramadan.

A quand Le Mondial sur le câble ?

La coupe du monde de football débute cette fin de semaine en Russie. Elle ne pourra pas être vu gratuitement par les Algériens dans une des langues qui leurs sont familières ; l’arabe et le français. Consolation, il y a peu de pays dans le monde  riche qui conservent pour sa population un droit d’accès gratuit à cet événement hors normes. Tout le monde ne se souvient peut-être pas qu’en juin 2006, il n’y a pas si longtemps, une négociation avait échoué à la dernière minute pour que la télévision algérienne rachète les droits de diffusion de la coupe du monde en Allemagne de chez ART, leur détenteur saoudien pour la région arabe.

Le président Bouteflika, un peu dans le style enlevé avec lequel il vient de sauver ses compatriotes de l’augmentation des taxes sur les documents administratifs (PLFC 2018), avait alors personnellement contacté le richissime Cheikh Salah propriétaire de ART afin de négocier un achat en gros de cartes d’abonnement au bouquet sur lequel les Algériens pouvaient voir la totalité de la compétition. Algérie Poste avait alors été mise à contribution pour ouvrir un vendredi, le jour du match d’ouverture, afin de permettre l’achat du pass miracle au bonheur.

En 2006,  l’Etat a subventionné la consommation des images de la coupe du monde au profit d’un privé égyptien depuis racheté par l’ogre qatari Al Jazira (avant de devenir Bein Sport).  Personne ne trouverait cela normal en 2018. Parce que le revenu des Algériens a augmenté depuis et qu’ils ont les moyens de s’abonner tous seuls à Bein Sport ?  Parce que les ressources de l’Etat se raréfient et que les priorités ont changé.

Comment rendre alors démocratiques l’accès aux images sous droits qui excluent de plus en plus de fans du spectacle sportif ?  Peut-être en autorisant enfin Algérie Télécom à signer des partenariats avec des fournisseurs privés de solution IPTV. La télévision par câble est aujourd’hui une vraie alternative bon marché pour  de très nombreux ménages pour rester connecté avec le monde et sa grand-messe du football. Surtout pour ne pas subir l’isolationnisme mortifère de ce crépuscule tardif.

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