Il était question, selon des déclarations officielles de l’ancien ministre du Transport Boudjemaa Talai, que la CNAN acquière 27 navires entre 2016 et 2022 pour renforcer sa flotte.
La CNAN couvre 3% des besoins de l’Algérie en matière de transport maritime de marchandises et 97% sont couverts par des entreprises étrangères dont, entre autres, MAERSK LINES et CMA CGM. Pour parer à ce déficit qui fait que les tarifs de transport maritime de marchandises sont les plus élevés en Méditerranée, ce qui se répercute négativement sur les quelques élans d’exportations qui animent la sphère économique algérienne, il a été décidé récemment d’ouvrir le secteur au privé national.
En tout, 56 dossiers ont déjà été reçus cette semaine. Le ministre des Travaux publics et des Transports, M. Zaalane, a affirmé que cette « ouverture permettra de relever le quota de l’Algérie sur le marché mondial du transport de marchandises et l’encouragement de l’investissement public et privé pour l’édification d’une économie nationale productive et la création de nouveaux emplois ». Cette perspective est-elle réaliste dans les conditions actuelles?
« Profitable à condition… »
Selon Ferthat Ait Ali, « l’ouverture est une chose positive dans l’absolu parce qu’il faut mettre fin au secteur public en faillite ». Toutefois, observe-t-il, cette ouverture doit se faire dans des conditions précises de transparence et s’inscrire dans un paradigme purement économique et ne pas s’enfermer dans des bourbiers administratifs comme c’est le cas du montage d’automobiles. « L’armement maritime étant ce qu’il est, on ne s’improvise pas armateur sur simple demande, ou appuis intéressés. C’est un monde où les Grecs, les Chinois, les Hollandais, les Nordiques et les Libanais contrôlent à grande échelle », estime-t-il en précisant que cette ouverture ne doit pas se faire au profit des « copains ».
« Pour que cette ouverture puisse profiter à l’économie, on doit faire voter une loi, qui autorise et encadre l’activité et ses conditions matérielles et juridiques, et on laisse le CNRC se débrouiller avec le dossier tout seul en en vérifiant la fiabilité, ou l’ANDI comme unique source d’agrément pour le volet douanier et fiscal. Pour le reste, l’intrusion du ministère du Transport doit se limiter aux postes à quai, qui doivent être vendus aux enchères publiques, et quiconque s’estime capable de se lancer dans ce type de projets, qu’il le fasse à ses risques et périls et si une banque veut le suivre elle est souveraine», préconise-t-il.
« Le manque de navires n’est pas l’unique problème »
Il était question, selon des déclarations officielles de l’ancien ministre du Transport Boudjemaa Talai, que la CNAN acquière 27 navires entre 2016 et 2022 pour renforcer sa flotte, couvrir 30% des besoins nationaux en matière de transport maritimes de marchandises et réduire les tarifs de 40% avec la perspective, avait-il ajouté, d’ouvrir le secteur au privé national. Aujourd’hui, des navires ont été achetés et l’ouverture du secteur s’est faite. Mais, selon Ferhat Ait Ali, ceci est loin de suffire pour « réussir ».
« Si la CNAN ne tient que 3% du transport du pays, ce n’est pas faute de navires uniquement, mais faute de souplesse et de compétences dans la gestion du fret maritime international. On ne tient pas le marché parce qu’on a des bateaux, ou de la marchandise à destination de son pays, mais parce qu’on a des hubs portuaires, et des capacités d’intervention en temps réel, sur toutes sortes de fret, et dans tous les ports de la planète. Si on achète, par exemple, 200 containers de Chine, on ne va pas y envoyer un cargo, mais on doit pouvoir intervenir en temps réel, avec le bateau le plus proche du port de transit le plus proche de ce bateau, qui doit travailler avec toutes sortes de clients. Il y a une bourse du fret et des centrales de captage pour cela, et la CNAN a plongé parce qu’elle n’avait pas les capacités d’intervention nécessaires en temps réel», explique M. Ait Ali.
« Une ouverture, c’est pour tout le monde »
Les transporteurs maritimes se marchent sur les pieds. Une concurrence infernale sévit dans ce secteur, selon Ferhat Ait Ali, et il serait aventureux d’engager 5 opérateurs dans le secteur. « Cinq operateurs dans un domaine où le marché mondial se marche sur les pieds est une blague. Jusque-là, le seul à posséder des bateaux vraquiers, à son usage propre est Cevital, et il les a achetés au rabais, et ne semblent pas être si rentables que cela en terme de compétitivité avec la concurrence et de charges internes», indique-t-il tout en précisant pourtant que « toute gestion administrative du dossier le condamnera à un échec irrémédiable ».
« Ce n’est pas une ouverture, c’est une aventure, déjà on parle d’agrément, et là ou il y a agrément, il y a administration, et là ou il y a administration, il y a blocages et prébendes. Quand on dit ouverture, cela veut dire que je me fais un registre de commerce, et je remplis les conditions d’un cahier de charges, et j’achète mes bateaux, point à la ligne. Une ouverture, c’est pour tout le monde, pas pour des candidats cooptées au préalable », tranche-t-il en affirmant que « le fait de ne pas rendre publique la liste des candidats ayant déposé des dossiers est une infraction ».