Au moment où le gouvernement promet l’ouverture du capital d’une dizaine d’entreprises publiques via la Bourse d’Alger, Alliance Assurances évoque son éventuel retrait. Un très mauvais signal pour le développement du marché financier algérien, qui laisse indifférentes les plus hautes autorités du pays.
Il y a quelque chose qui coince dans le système de cotation de la Bourse d’Alger. Et c’est le PDG d’Alliance Assurances, Hassan Khelifati, qui l’a révélé il y a quelques jours, lors d’une matinée d’information financière consacrée à la cotation de son entreprise. Selon lui, ce système sert beaucoup plus à dévaloriser un titre qu’à le valoriser : « Plus on essaie d’animer la Bourse, plus le titre baisse. La valeur du titre Alliance Assurances ne reflète pas la performance de l’entreprise. Nos actionnaires souffrent et nous avec eux. »
Du coup, Hassan Khelifati n’hésite pas à évoquer sérieusement l’option du retrait de sa société de la Bourse d’Alger. « C’est une option parmi d’autres. Notre introduction était un choix stratégique et un devoir pour dynamiser le marché financier algérien. Nous voulions surtout ouvrir la voie au privé vers la Bourse et nous nous réjouissons qu’un autre opérateur ait fait son entrée (NCA Rouiba, Ndlr). Mais cela ne doit pas continuer au détriment de l’entreprise,» a-t-il expliqué.
Le silence du ministre des finances
Le PDG d’Alliance Assurances s’est montré catégorique : son entreprise ne tire actuellement aucun avantage de son introduction en Bourse. Il a d’ailleurs déploré qu’aucun représentant des autorités de régulation n’ait répondu à l’invitation de sa société à la matinée d’information financière dont Alliance Assurances, a-t-il souligné, est l’une des rares entreprises cotées en Bourse à organiser.
Pourtant, dans un pays où l’économie et les institutions fonctionnent normalement, une telle annonce aurait fait l’effet d’une bombe, et suscité réactions et commentaires, à commencer par les responsables de la Bourse elle-même. Mais en Algérie, rien de cela. Ni la Société de gestion des valeurs boursières et encore moins le nouveau ministre des finances, n’ont jugé utile d’expliquer les raisons de ces graves dysfonctionnements. Les regards du gouvernement et ceux de l’opinion publique sont braqués sur la qualification des Verts pour les 8e de finales de la Coupe du monde. Et l’arrivée du mois sacré de Ramadhan.
Les performances étaient pourtant au rendez-vous
La compagnie d’assurance a pourtant réalisé de bonnes performances en 2013, et affiche une solide position financière qui lui permet en outre de diversifier ses activités et se prémunir d’une crise qui pourrait affecter le marché à l’avenir. Alliance Assurances a réalisé un chiffre d’affaires de 4,15 milliards de DA, en hausse de 13.5%, avec une forte progression de 58% de son résultat net à 367 millions de dinars. Selon Hassan Khelifati, outre une meilleure qualité du portefeuille, le chiffre d’affaires a crû sur toutes les lignes de métiers hors assurances. Quant au résultat brut, il a été bouclé à 500,5 millions de dinars. Cette performance s’explique, pour le patron d’Alliance Assurance, par l’augmentation du chiffre d’affaires, une meilleure maîtrise des charges de gestion et de la sinistralité (ratio financier entre le montant des sinistres à dédommager et celui des primes encaissées) et la récupération d’une créance exceptionnelle, jusqu’alors compromise, celle détenue auprès du transporteur privé Mahiedine Tahkout.
Grains de sable dans la mécanique
Si les mécanismes de cotation de la Bourse d’Alger avaient fonctionné normalement, ces résultats auraient fait bondir la cotation d’Alliance Assurances et suscité une frénésie d’achats et de vente de l’action par les investisseurs institutionnels et les petits porteurs, dans la petite salle des marchés du Boulevard Amirouche. Mais rien de cela, l’action Alliance Assurance est restée figée, malgré des tentatives d’animation via les quelques IOB (intermédiaires des opérations en bourse) que compte la place.
Pour Hassan Khelifati, «le mécanisme de fonctionnement de la Bourse d’Alger pose problème». En 4 séances, le titre Alliance Assurances a perdu 25% de sa valeur sans explication. « Il y a une autorité de régulation que nous avons saisie. Elle nous a promis de faire des enquêtes. Il n’y a pas aujourd’hui d’éléments qui peuvent dire qu’il y a une volonté délibérée ou pas. Dans le doute, mieux vaut donc s’abstenir. » Un conseiller du PDG d’Alliance Assurances va plus loin et évoque « une situation qui la met réellement en danger l’entreprise ». En attendant des explications qui tardent, la compagnie d’assurances privée s’apprête au pire : racheter toutes ses actions auprès des investisseurs et des petits épargnants. Et quitter définitivement la Bourse d’Alger.