La Libye replonge dans l’horreur des attentats terroristes, moins d’un mois après la conclusion d’un accord entre les deux gouvernements autoproclamés, d’un celui de Tobrouk reconnu par la communauté internationale.
Cette fois-ci ce sont les djihadistes de l’Etat Islamique qui ont plongé le pays dans l’horreur, avec deux attentats dans l’un contre une école de police et le second dans une installation pétrolière à l’est du pays. Plus que jamais, la Libye est devenue l’otage des groupes armés.
Un attentat à la voiture piégée à un point de contrôle de la ville portuaire libyenne de Ras Lanouf, où se trouve un terminal pétrolier, a fait sept morts et onze blessés, ont annoncé jeudi les autorités.
Ras Lanouf et le port voisin d’Es Sider, entre Benghazi et Syrte, sont assiégés depuis quatre jours par les djihadistes de l’Etat islamique (EI). Les deux terminaux, les plus importants de Libye, sont fermés depuis plus d’un an.
Les autorités ont annoncé que cinq cuves de stockage étaient en flammes dans les deux terminaux.
A Zliten (environ 170 km à l’est de Tripoli), plus de 50 personnes ont péri dans un attentat suicide mené jeudi contre un centre de formation de la police dans l’ouest de la Libye, l’attaque la plus sanglante dans ce pays depuis la révolte de 2011.
Un kamikaze a fait détoner les explosifs à bord d’un camion-citerne à 08H30 locales (06H30 GMT) contre le centre où des gardes-côtes suivaient une formation, a indiqué à l’AFP une source de la sécurité locale.
Selon un témoin, il y avait dans le centre quelque 300 hommes dont une majorité de gardes-côtes.
L’attaque n’avait pas été revendiquée en fin de journée, alors que le groupe jihadiste Etat islamique (EI) a profité du chaos pour s’implanter dans le pays, où deux gouvernements rivaux -l’un dans l’Est reconnu par la communauté internationale et l’autre siégeant à Tripoli- se disputent le pouvoir.
« Entre 50 et 55 personnes ont été tuées et au moins 100 blessées » dans le quartier bondé de Soug al-Talata, dans le centre-ville de Zliten, citée contrôlée par la coalition des milices de Fajr Libya liée aux autorités de Tripoli, a déclaré à l’AFP le porte-parole du ministère de la Santé, Ammar Mohamed Ammar.
Le porte-parole de l’hôpital de Zliten Mouammar Kadi a affirmé que son établissement avait reçu au moins 40 morts et 70 blessés. L’hôpital de Misrata, à quelque 70 km plus à l’ouest, a reçu quatre morts et une cinquantaine de blessés.
L’ONU appelle à l’unité
En fin d’après-midi, la télévision libyenne a diffusé des images de centaines de personnes participant aux funérailles des victimes dans le stade de football de la ville. Bravant le froid et les rafales de vent qui soulevaient des nuages de sable, les fidèles, toutes générations confondues, se sont vite organisés en rangs ordonnés, debout pour la « prière de l’absent ».
A Tripoli, Mohamad Bachir al-Naas, vice-ministre de la Défense, a dénoncé « un crime ignoble ». Dans l’Est, le gouvernement reconnu a lui aussi condamné « un acte terroriste lâche » et appelé à lever l’embargo de l’ONU sur les armes pour pouvoir lutter contre le « terrorisme ».
Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier depuis la révolte qui a mis fin au régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Pays à la structure essentiellement tribale, la Libye est depuis morcelée et sous la coupe de milices formées d’ex-rebelles.
Profitant de ce chaos, l’EI a pris pied dans le pays où il a revendiqué plusieurs attentats sanglants dont un triple attentat suicide à Al-Qoba (est) en février 2015 qui avait fait 44 morts.
Le groupe jihadiste, qui combat les forces des deux autorités rivales, contrôle la ville de Syrte (450 km à l’est de Tripoli) et cherche à élargir son contrôle à d’autres régions.
Lundi et mardi, des combats entre des gardes des installations pétrolières et l’EI dans la région pétrolière clé du Nord ont fait plusieurs morts et au moins quatre réservoirs de brut ont pris feu.
Sur Twitter, l’émissaire spécial de l’ONU pour la Libye, Martin Kobler, a condamné l’attentat de Zliten et appelé « tous les Libyens à s’unir de manière urgente pour combattre le terrorisme ».
Inquiétudes occidentales
L’ONU s’efforce de mettre en place un gouvernement d’union et M. Kobler a souligné la nécessité pour le Parlement légitime d’approuver rapidement sa formation, prévenant que tout retard profiterait à l’EI.
Un accord prévoyant un tel gouvernement a été signé sous l’égide de l’ONU le 17 décembre par des membres des deux Parlements rivaux, et doit être entériné avant le 17 janvier.
Après avoir condamné l’attentat, l’Union européenne, la France et l’Italie ont de nouveau incité les Libyens à s’unir face « au terrorisme » et à appliquer d’urgence l’accord politique.
Les Occidentaux poussent les Libyens à former un seul gouvernement, qu’ils pourront soutenir face aux jihadistes.
L’EI compte environ 3.000 combattants en Libye selon Paris. Les Occidentaux redoutent que le groupe s’enrichisse en prenant le contrôle des hydrocarbures, déstabilise l’Afrique sur le flanc sud, et exporte des jihadistes vers l’Europe.
Pour l’expert libyen Mohamed Eljarh, du Centre Rafic Hariri pour le Moyen-Orient basé à Washington, il est peu probable que l’attentat de Zliten favorise les efforts d’unité. « Cela n’a pas été le cas dans le passé même quand l’EI a intensifié ses attaques (…) Les différents groupes politiques restent focalisés sur leur lutte pour le pouvoir ».