Mouloud Hedir, qui était cette semaine l’invité de Radio M, a dirigé pendant plusieurs années la délégation algérienne en charge des négociations d’accession à l’OMC. Des négociations qui s’éternisent et qui font dire à l’expert algérien qu’il faut aujourd’hui commencer par remettre l’économie algérienne en ordre, élaborer un plan de route et redéfinir nos priorités.
Négociations pour l’accession à l’OMC, Accord d’association avec l’UE , Zone de libre-échange arabe, « l’Algérie s’est engagée sur une multitude de fronts sans que les contours d’une stratégie d’ensemble cohérente ne semblent avoir été définis et portés à la connaissance aussi bien du public algérien que des partenaires internationaux de notre pays »,estime Mouloud Hédir qui soutient que« l’Algérie doit se réapproprier sa politique commerciale extérieure et en faire un instrument de développement économique ». Pour l’expert algérien, l’Algérie ne peut cependant se permettre d’être en dehors de l’OMC. « Il n’y a pas un meilleur lieu pour défendre ses intérêts que d’être à l’intérieur de cette organisation. On a déjà quasiment tout ouvert à l’importation dans la pratique ainsi qu’à travers l’Accord d’association avec l’Union européenne qui concerne près de 60% de notre commerce extérieur. L ‘accession à l’OMC ne ferait qu’entériner une situation de fait », argue l’invité du Direct de Radio M, la webradio de Maghreb Emergent.
Accès à l’OMC : les services, un dossier épineux
Selon Mouloud Hedir, dans la négociation avec l’OMC, le dossier qui s’annonce le plus difficile est celui de l’accès au marché algérien dans les différents secteurs de services. Pour l’expert algérien les accords internationaux en vigueur, notamment l’Accord AGCS (Accord général sur le commerce des services), permettent actuellement à chaque pays d’ouvrir beaucoup de secteurs de manière graduelle en donnant la prééminence aux fournisseurs locaux. « Autrement dit, cela impose aux fournisseurs étrangers qui souhaitent pénétrer le marché d’avoir à s’appuyer sur les fournisseurs locaux, permettant ainsi à ces derniers de se développer et de bénéficier en priorité des savoir faire de leurs partenaires internationaux », explique-t-il. Et d’ajouter : « La difficulté, à ce niveau, est liée à la contrainte née de l’article 32 de l’Accord d’association conclu avec l’Union européenne, dans la mesure où l’Algérie sera obligée d’élargir à l’ensemble des pays membres de l’OMC la clause de traitement national, qui met sur un pied d’égalité les fournisseurs algériens et étrangers, qu’elle a imprudemment accordée aux partenaires de l’Union européenne. Il faudra sans doute pour avancer dans la négociation avec l’OMC, dénouer au préalable le contentieux ouvert avec l’Union européenne sur ce volet précis ».
Zone de libre échange avec l’UE : l’échéance de 2020 déjà en question
A propos de l’Accord d’association justement, Mouloud Hedir attire l’attention sur l’importance de la prochaine échéance de novembre 2015 qui devrait permettre de faire le point sur 10 ans d’application de l’Accord avec le partenaire européen. Il recommande au gouvernement algérien de « faire sa propre évaluation, contrairement à ce qui s’est passé en 2010 ».
Le consultant en commerce extérieur souligne également que dans les termes actuels de cet Accord « on a repoussé vers 2020 le démantèlement de toutes les positions tarifaires importantes ». Une démarche qui pourrait se révéler « intenable en provoquant des pertes importantes des recettes douanières à un moment où précisément les finances publiques de l’Algérie risquent d’être le plus fragilisées ». L’expert algérien n’exclut d’ailleurs pas que pour cette raison, « l’échéance de 2020 pour la création d’une zone de libre échange soit de nouveau repoussée de quelques années ». « Surtout si les autorités algériennes savent mettre en avant, dès maintenant, les résultats très décevants du processus de Barcelone », précise-t-il.
Pour une zone de libre échange régionale
En attendant, Mouloud Hedir plaiderait plutôt en faveur d’une inversion des priorités. « Pourquoi pas une zone de libre échange régionale qui engloberait à la fois l’UMA et les pays du Sahel ? Aujourd’hui une grande partie de nos échanges avec ces pays est constituée par les marchandises qui passent les frontières en contrebande ; Nous avons besoin en priorité de la construction d’un cadre économique stable pour nos échanges avec nos voisins de la région. Un cadre économique dont l’Algérie, compte tenu de la situation actuelle, serait le principal bénéficiaire ».
Ecouter l’émission :