La production du gaz de schiste en Algérie sera aussi coûteuse que non rentable avant 15 ans (Nazim Zouiouèche) - Maghreb Emergent

La production du gaz de schiste en Algérie sera aussi coûteuse que non rentable avant 15 ans (Nazim Zouiouèche)

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S’il estime que la technique du forage horizontal n’est pas dangereuse en soi pour l’environnement, l’ancien PDG de Sonatrach rappelle que la production de gaz de schiste est un grand défi technologique. « La technologie avance vite, on risque de rester toujours à la traîne », met-il en garde, en préconisant de « mettre le paquet sur l’énergie solaire, une ressource disponible, inépuisable, propre et rentable ».

 

 

Maghreb Emergent : Les opposants à l’exploitation du gaz de schiste mettent en garde contre la pollution des nappes phréatiques par le forage horizontal des roches. Selon une étude américaine publiée en septembre dernier, c’est la qualité du ciment et les techniques d’exploitation qui sont responsables de la pollution et non cette technique en soi. Qu’en dites-vous?

 

Nazim Zouiouèche : Le forage horizontal en soi ne constitue aucunement un danger pour l’environnement. Le danger proviendrait des erreurs, des déviations, des non-précisions qui pourraient survenir lors de ce forage. Aussi, y a-t-il une question principale qui réside au niveau de l’étanchéité des puits et de la qualité des cimentations. Je voudrais préciser aussi que les nappes phréatiques en Algérie ne sont pas très profondes : elles sont situées entre 800 et 1.200 mètres de profondeur selon les endroits. Si on fracture au niveau de 2.000 ou 3.000 mètres de profondeur, cela ne représentera aucun inconvénient pour nos nappes phréatiques.

 

Ce que vous dites est loin de faire l’unanimité chez les spécialistes. Certains estiment qu’à côté des préjudices causés à l’environnement, le pays n’a ni les moyens ni la technologie ni les compétences pour assumer de tels projets dans le non-conventionnel. Qu’en pensez-vous ?

 

Il n’est un secret pour personne que les coûts des techniques de fracturation hydraulique et de forage horizontal des roches sont faramineux partout dans le monde. Ayant pratiqué des forages et des fracturations hydrauliques, je peux vous dire que le forage horizontal d’un seul puits prendra entre 2 et 3 mois chez nous, contre trois semaines aux Etats-Unis, par exemple, où les appareils de forage sont très sophistiqués. Cela nous renseigne sur les coûts énormes de production de ce gaz pour notre pays ! 

 

Avec une meilleure maîtrise des techniques du forage horizontal et de la fracturation hydraulique, et aussi avec une sensibilisation adéquate, ne pensez-vous pas que cette énergie non fossile serait quand-même un plus dans le mix énergétique algérien, étant donné que le pays recèle les troisième réserves mondiales de gaz de schiste estimées à environs 19.800 milliards de m3 ?

 

Je dirais plutôt qu’il faut tout d’abord connaître notre potentiel en gaz de schiste avant de décider de l’exploiter. Je veux affirmer ici que nos ressources en la matière ne sont pas encore complètement connues. On sait que le gaz de schiste existe en Algérie mais on ignore en quelles quantités. Les données sur lesquelles nous nous basons aujourd’hui sont celles de bureaux internationaux, lesquels les obtiennent uniquement des images satellitaires. Ces images satellitaires sont approximatives et incapables de nous donner des informations sur le potentiel d’extraction des roches. Une fois le potentiel connu, on pourra définir le pourcentage qu’on pourrait en produire. Aux Etats-Unis, par exemple, ils ne produisent que 10% du totale de leurs ressources en gaz de schiste. Il faudrait qu’on fasse ce travail sérieux à notre niveau. 

 

Les coûteux investissements dans l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels ne sont-ils pas indispensables au vu de l’épuisement annoncé des autres ressources fossiles?

 

Non, car cet investissement colossal risque de n’être même pas rentable pour l’Algérie à court terme. Je suis certain que la production du gaz de schiste ne sera pas rentable avant quinze ans. Etant donné la particularité de nos roches peu poreuses et non perméables, cela nécessiterait de grands moyens technologiques. Et puisque la technologie avance vite, on risque de rester toujours à la traîne en la matière. Je préconise de mettre le paquet sur l’énergie solaire, une ressource disponible, inépuisable, propre et rentable.

 

Entretien réalisé par Selma Kasmi

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