La ressource humaine de l’Algérie : le devoir de restitution (contribution) - Maghreb Emergent

La ressource humaine de l’Algérie : le devoir de restitution (contribution)

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L’Algérie est le seul pays au monde qui gaspille ses ressources humaines de manière systématique et organisée. Jugez-en, par vous-même! L’effort de formation effectué depuis l’indépendance de notre pays est colossal et la comparaison entre les années 60 et les chiffres actuels ne laissent apparaître aucun doute possible sur les investissements alloués dans le secteur de la formation de manière générale.

Formés en Algérie et ou à l’étranger, des centaines de milliers de cadres ont joui de cet effort gigantesque de formation toutes azimuts, sans que le retour sur investissement ne soit tangible et ne se répercute sur notre économie, sur la recherche et le développement. 

Pourquoi ? Les réponses sont multiples mais essentiellement interne, endogène à notre système de gouvernance de la ressource humaine ! Tous les pays au monde ajustent, en permanence, la formation, en général, à leurs besoins économiques et sociaux sauf nous. Pire encore, notre pays gaspille cette ressource rare et notamment par leur « gel » intérieur et extérieur (1), en ne mobilisant pas assez ou peu ce potentiel extraordinaire qui pourtant est au cœur du développement d’un pays.

Je ne souhaite uniquement prendre, en exemple (2), les générations passées, qui ont accumulé non seulement le savoir mais également l’expérience, des années durant, dans différentes responsabilités, qu’ils ont assumé et qui leur a permis de réaliser un certain nombre de projets, dans tous les secteurs d’activité.

 Sitôt mis à la retraite pour des raisons subjectives ou objectives, ils sont marginalisés alors qu’ils pourraient être valorisés dans les cinquante centres universitaires que compte notre pays. Qu’ils soient civils ou militaires, les cadres à la retraite, sont un potentiel inestimable, dont notre pays se prive, par simple non gouvernance ou plus grave par volonté politique de garder des rentes de situation, entre les mains de certains lobbies, pour ensuite mobiliser l’ingénierie étrangère, malléable à souhait, avec laquelle ils vont pouvoir négocier des dividendes.

Comment se permettre de faire fi de ce potentiel ? Comment est-il possible de gaspiller cette ressource humaine rare et de constater en même temps, un manque flagrant d’encadrement de nos institutions, de nos entreprises, et de nos universités ? C’est le constat que nous pouvons faire aujourd’hui sans que personne ne s’alarme de cette situation de fait !

Pourtant les solutions existent et elles ne coûtent pas chères dans leur mise en œuvre, s’il y avait, dans notre pays, une volonté politique de sortir de la dépendance technologique étrangère et de la déperdition de notre patrimoine intellectuel à l’intérieur de notre pays et à l’étranger.

En effet, une simple décision du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, en collaboration avec les autres départements ministériels, d’allouer obligatoirement, un volume horaire annuel substantiel ainsi qu’un budget subséquent (3), pour  la mobilisation (4), au profit de toutes les universités et autres centres de formation, de toutes les potentialités en retraite en Algérie, pour restituer, aux nouvelles générations, leur précieuse connaissance et leur expérience acquise, ce qui serait déjà un progrès énorme dans la valorisation de ce potentiel dormant.

La diaspora de par le monde ne serait être en reste et permettrait de tisser des liens fructueux à plusieurs égards, entre la mère-patrie et le reste du monde. Cet édifice devra commencer par construire une banque de données de ce potentiel, en exil intérieur et extérieur, de manière à mettre en harmonie les besoins et les compétences, par un système de « coaching » (5) très usité de par le monde (la RFA le développe avec succès).

Tout le potentiel ne répondra pas obligatoirement à cette initiative, pour des raisons objectives et subjectives mais ceux qui répondront à l’appel le feront par conviction et mus par un devoir de restitution que beaucoup d’entre nous considèrent comme une dernière contribution à son pays.

En outre, cette initiative, en plus d’engranger et de capter les connaissances et l’expérience, qui nous font cruellement défaut, peut permettre de tisser des liens générationnels et dresser des ponts féconds entre les cadres à la retraite et ceux qui sont en passe de prendre les commandes du pays, dans tous les secteurs et à moindre coûts.

Cette pratique très usitée dans le monde, semble réfractaire dans notre pays, qui, du coup, se prive d’une frange de ses cadres supérieurs qui sont « envoyés à la casse » prématurément, avant d’avoir restitué leur longue expérience et le savoir acquis à coups de millions de DA, durant les quarante ans de service actif.

Les administrations et les institutions de formation feraient œuvre utile en mettant en place ce mécanisme le plutôt possible en permettant aux nouvelles générations de pleinement profiter de ce réservoir de connaissances et d’expériences, que représentent l’encadrement retraité, de notre pays, qui est disponible et qui ne demande qu’à être mobilisé si les conditions minimales sont réunies. Il est vrai que des initiatives personnelles sont mise en œuvre, ici et là mais elles ne sont pas systématisées et demeurent aléatoires en fonction des volontés des uns et des autres.

Rendre l’opération systématique, l’organiser et la pérenniser, aura à court terme des résultats tangibles sur la qualité de la formation et se répercutera sur l’efficience de nos administration et de nos entreprises ainsi que sur la recherche-développement.

Il faut espérer que ce cri d’alarme soit entendu par les décideurs du secteur, il me semble primordial d’instituer le devoir de restitution comme une contribution ultime d’un citoyen envers sa patrie.

Dr Mourad GOUMIRI, Professeur associé.

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(1) Le gel intérieur consiste à ne pas permettre la promotion sociétale par le mérite, les capacités intrinsèques et le gel extérieur consiste à ne pas mobiliser la diaspora à l’étranger. 

(2) Je n’aborderais pas dans cet article la « fuite des cerveaux » à l’étranger et leurs conséquences catastrophiques. Ce problème sera abordé dans une analyse plus exhaustive.

(3) Le budget peut être facilement cerné par la prise en charge des frais de transport, d’hébergement et de restauration ainsi qu’une prime à fixer en fonction du niveau de connaissance et d’expérience des conférenciers. 

(4) L’expérience que j’ai menée, à l’institut national des finances de Koléa, de « récupérer » les cadres, en poste et à la retraite, du ministère des finances et de autres secteurs, a été très concluantes. Malheureusement, je n’avais ni le budget ni les instruments persuasifs pour mener cette mission à bien seules mes relations personnelles avaient été investies, ce qui a rendu l’opération aléatoire.   (5) Les pays anglo-saxons t l’Allemagne, en particulier, ont développé ce système, jusques et y compris, pour prévoir de remplacer les cadres et les techniciens, qui vont partir à la retraite, deux ans avant pour assurer la continuité et permettre le transfert des expériences et des compétences.

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