Rencontré à Alger, en marge d’une conférence de presse animée à l’occasion d’une visite de travail en Algérie à l’invitation de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), Erol Kiresepi, président de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), a accordé cet interview à Maghreb Emergent dans lequel il revient sur la crise de l’emploi dans le monde et les moyens d’en sortir.
Maghreb Emergent : Vous visitez l’Algérie, en votre qualité de Président de l’Organisation Internationale des Employeurs, pour la première fois à l’invitation de Saida Neghza, présidente de la CGEA, organisation membre de l’OIE. Quel regard portez-vous sur l’Algérie et sur son économie ?
Erol Kiresepi : L’Algérie est l’un des pays africains les plus importants, aussi bien par la superficie que par les choses qui s’y font et les grandes ambitions qu’il porte. Ces derniers temps, le gouvernement algérien a enclenché une belle dynamique de réformes économiques en vue d’assainir l’environnement des affaires et de permettre aux entreprises de se développer et se projeter dans le temps. L’Organisation Internationale des Employeurs, en tant qu’acteur visant à protéger les entreprises et à défendre leurs intérêts, est prête à accompagner l’Algérie dans cette dynamique à travers les moyens qui sont les siens.
Nous sommes également prêts à mettre nos moyens au service de la CGEA pour la rendre plus influente au niveau régional et international. Notre travail consiste essentiellement à intervenir auprès des agences des Nations Unis, de nos partenaires gouvernementaux et privés afin d’arracher les accords les plus favorables au monde de l’entreprise et d’accompagner les entreprises en mettant à leur disposition notre réseau. Nous sommes prêts à accompagner la CGEA et l’Algérie pour développer l’économie algérienne en créant les conditions d’épanouissement des entreprises. Car, c’est notre conviction profonde, l’avenir de l’Algérie dépend de l’avenir de ses entreprises.
Vous présidez une organisation qui compte plus de 150 syndicats patronaux issus des quatre coins du monde. Comment évaluez-vous la situation de l’emploi dans le monde ? Est-il menacé comme le disent certains hommes politiques ?
Oui, il y a une crise de l’emploi dans le monde. L’emploi est aujourd’hui menacé. Mais il est menacé moins parce qu’il n’y a pas d’offres ou il y a moins d’offres d’emplois que parce que les profils disponibles sur le marché ne correspondent pas aux besoins des entreprises.
Aujourd’hui, les écoles et les universités forment des profils inadéquats avec les attentes du marché. Nous sommes dans une dynamique économique telle que les besoins évoluent très vite, ce qui nécessite une adaptation permanente des systèmes de formation pour éviter les situations de chômage. Il est nécessaire que tous les systèmes de formations se réforment en permanence pour être toujours au diapason des besoins du marché de l’emploi. Ceci est valable pour tous les pays. Les écoles et les universités ne peuvent plus fonctionner comme si le marché de l’emploi n’existait pas. Celui-ci existe et il est souverain.
Cette menace est-elle la même dans tous les pays ?
Tous les pays, y compris les plus développés, font face à cette menace. Mais celle-ci diffère d’un pays à un autre. Il y a des pays dont les systèmes de formation sont plus réactifs et s’adaptent rapidement et d’autres plus lents, ce qui crée des situations de chômage parfois inquiétantes. D’où la nécessité d’assurer une veille stratégique en matière de besoins en emplois et de réformer continuellement les systèmes de formations pour y répondre.
Dans certains pays, on est passé, selon certains observateurs, de la « la protection du salariat » à « la protection du patronat ». Cette situation ne pourrait-elle pas déstabiliser l’économie ?
Il ne s’agit pas de protéger le patronat. Il n’en a jamais été question, du moins pour l’Organisation Internationale des Employeurs. Pour nous, c’est l’entreprise qu’il faut protéger parce que s’il n’y a pas d’entreprise, il n’y a pas de travail et il n’y a pas de travailleurs. Par conséquent, pour protéger le travail, il faut protéger l’entreprise. C’est dans l’entreprise que tout se passe.
Protéger les travailleurs au détriment des intérêts des entreprises peut conduire celles-ci à la faillite et supprimer ainsi de facto toute opportunité de création d’emplois. Il faut protéger les entreprises pour assurer la pérennité du marché du travail qui est dynamique. La flexibilité dans le travail, les contrats à durée déterminée, etc., sont, contrairement à ce qui se dit ici et là, des moyens d’offrir des opportunités de travail à ceux qui ne peuvent travailler qu’à temps partiel, de renouveler les compétences actives et de leurs permettre de s’adapter aux nouvelles exigences des entreprises. Le monde du travail n’est pas et ne doit pas être figé.
Au niveau de l’Organisation Internationale des employeurs, vous travaillez sur la question de la migration de la main-d’œuvre. On constate aujourd’hui, que les marchandises circulent plus ou moins librement tandis que les individus circulent très difficilement. Comment comptez-vous remédier à ce problème ?
L’Organisation Internationale pour les Migrations a mis en place un pacte mondial pour les migrations qui va être signé par tous les membres des Nations Unies le 10 décembre à Marrakech. Ce pacte vise à faire de la migration un facteur de succès en renforçant les compétences des migrants qui sont considérés par les initiateurs de ce projet comme une source de prospérité, d’innovation et de développement durable ». Nous sommes favorables à la facilitation de l’immigration de manière ordonnée tout en réduisant l’incidence de la migration illégale. L’OIE va être signataire de ce document.