Le procès de l’autoroute est-ouest et la charge du président contre l’opposition font plonger le Café Presse Politique de RadioM dans les banalités de l’Algérie de l’ère Bouteflika.
Le CCP n’arrive plus à éviter les scandales. Après le scandale Sonatrach, le Café Presse Politique (CPP) de Radio M a longuement évoqué, jeudi, celui de l’autoroute est-ouest, dans le sillage du procès avorté de cette affaire qui a marqué l’ère Bouteflika. El Kadi Ihsane estime que ce procès « est infiniment plus dangereux » que celui dit de Sonatrach. Dans le second, on reste « reste dans le périmètre de Sonatrach, sans toucher » l’ancien ministre de l’Energie Chakib Khelil. Par contre dans l’affaire de l’autoroute, Amar Ghoul, ministre actuel des transports, ministre des travaux publics au moment des faits, « est cité », « le montant de sa commission est cité, celui qui a ramené les chinois est identifié, il s’agit de Pierre Falcone, et le canal algérien par lequel il a transité est également mentionné, c’est Mohamed Bedjaoui », l’ancien ministre des affaires étrangères. C’est « un procès explosif, dommage qu’il ne puisse se tenir aujourd’hui », déplore El Kadi Ihsane.
Abed Charef relève que les deux procès ont obéi à la « même mécanique ». On y a retrouvé la même polémique autour de la présence d’un avocat, ainsi que le Trésor public qui se constitue partie civile, et on aboutit à une décision de report similaire ». Ce qui, pour Abed Charef, constitue « une gestion délibérée pour mener les procès au report », et montre que « la situation n’est pas encore mûre pour décider qui sacrifier dans ces procès ».
Lamentable
Saïd Djaafar a rappelé que le principal accusé, Mejdoub Chani, a choisi un avocat de renom, Me William Bourdon, qui n’a pas obtenu de visa pour entrer en Algérie. Le choix de cet avocat montre, selon lui, que Chani Mejdoub est déterminé à se défendre, ce qui peut mener vers un grand déballage.
El Kadi Ihsane a aussi rappelé que certains détenus sont en prison depuis six ans. « Ce n’est plus de la détention provisoire, c’est une condamnation provisoire, c’est abominable », a-t-il dit, reconnaissant que « l’avocat de l’accusé principal étant absent, les conditions du report sont réunies ». Mais le CPP a été unanime à déplorer que les politiques soient absents des deux procès.
Avant le procès de l’autoroute, le CPP avait fait le procès du pouvoir, à la suite de la polémique sur le contenu du discours du président Bouteflika, lu en son nom le 19 mars à Ghardaïa. « Qui écrit les communiqués de la présidence ? On disait que ce n’est pas le président Bouteflika qui signe les décrets, et maintenant, les discours ? », se demande Khaled Drareni. « C’est vraiment affligeant. Ça donne l’image de l’état des lieux. L’Etat algérien de 2015 ne sait plus faire ce qu’il faisait sous Boumediene », a commenté Saïd Djaafar, soulignant qu’il « faut arrêter de se demander si c’est son discours, c’est son discours ».
Mépris
Saïd Djaafar se demande si ce n’est pas une réponse « excessive » à une accusation de Abderrezak Makri, le chef du MSP, selon lequel le choix du gaz de schiste est « la contrepartie du 4ème mandat. C’est une accusation précise et grave de Makri », rappelle-t-il.
Pour Abed Charef, « le problème n’est pas dans ce que dit le président Bouteflika, mais dans le fait que l’Etat n’est pas capable de produire un discours et de l’assumer ». « On essaie de trouver une astuce, pour laisser entendre que des gens ont manipulé le discours du président Bouteflika. C’est plus grave » que les attaques contre l’opposition et la presse.
Khaled Drareni relève « une forme de mépris contre les Algériens ». Il rappelle, d’ailleurs, que bien avant d’accéder au pouvoir, Bouteflika avait parlé de la « médiocrité » des Algériens. « Faire une déclaration violente contre la presse et l’opposition n’est pas grave pour quelqu’un qui a imposé le 4ème mandat », souligne Abed Charef. « Le quatrième mandat est une expression du mépris pour les Algériens, la constitution, les institutions et l’opposition ».
Et Sellal ?
Pour bien situer les choses, Souhila Benali rappelle les propos attribués au chef de l’Etat. El Kadi Ihsane voit dans cette charge contre la presse et l’opposition « un signe de nervosité du pouvoir », qui montre « ses véritables intentions ». Selon lui, « la tentation de répression qui s’est révélée à In-Salah, à Ouargla, contre les chômeurs, est en train de se mettre en place ». Pour lui, « le 4ème mandat s’est très vite dégradé avec l’opposition qui s’est fédérée, la chute des prix du pétrole et la population du sud qui se soulève ».
Le gaz de schiste est-il un enjeu ? Saïd Djaafar estime que le président Bouteflika a voulu rappeler à ses adversaires que le gaz de schiste ne doit pas faire l’objet de divergence. « Le gaz de schiste ne fait pas partie de l’agenda du président Bouteflika », estime Abed Charef, pour qui il s’agit de déliquescence des institutions. « Un pouvoir non exercé par celui qui en a la légalité constitutionnelle est exercé par d’autres », dit-il. « Saïd Bouteflika, Gaïd Salah, Ali Haddad, chacun en prend un pan », dit-il. Et Sellal ? Personne n’a osé répondre à cette immense question.
Extraits vidéo : http://bit.ly/19pxdgQ