La réglementation ne fixe pas de limite à la détention de cartes internationales dans les banques algérienne. La tentation d’utiliser ce moyen de paiement pour transférer des dinars est déjà là.
De la Prépayée, en passant par la Classique, la Gold ou encore la Platinum, les cartes internationales offertes en Algérie sont présentées comme étant le seul moyen de paiement et de retrait pratique et sécurisé, utilisable partout dans le monde. Qu’elles soient directement reliées au compte, ou anonyme à rechargement renouvelable, elles sont prisées par les voyageurs qui désirent disposer de leurs avoirs à l’étranger, mais aussi par les personnes qui désirent effectuer de simples achats en ligne, et se faire livrer en Algérie. Face à cette demande croissante des Algériens en termes de cartes internationales, les banques ne cessent de se concurrencer sur ce nouveau marché juteux en proposant des offres qui se déclinent en différentes modalités selon la banque et selon la cible.
Lancées il y a quelques années par Gulf Bank Algeria, les cartes VISA et Mastercard sont aujourd’hui disponibles aussi bien chez des banques publiques, tels que la BEA, le CPA et la BDL, que chez des banques privées comme BNP PARIBAS El Djazaïr et tout dernièrement Société Générale Algérie. Ces établissements exigent au préalable l’ouverture d’un compte en dinars et en devises. En plus de contraindre leurs clients à garder un solde minimal en compte, les banques facturent différents frais : vente de la carte, rechargement, gestion annuelle, et plusieurs commissions ponctuelles comme le retrait sur distributeurs, le change hors zone euro, et paiement sur TPE.
Pas de justificatifs des fonds versés en devises
Mais, au-delà de leur aspect pratique pour les usagers, et rentable pour les banques, les cartes internationales suscitent des interrogations quant à leur utilisation comme moyens de transférer leurs capitaux vers l’étranger sinon de les blanchir tout simplement. En Algérie, les comptes devises sont crédités par des versements en euros ou en dollars américain, et bien que contraintes à un devoir de vigilance, les banques ne demandent pas à leurs clients un justificatif des fonds versés qu’a partir une certaine somme.
Interrogé à ce sujet lors d’une conférence de presse organisée pour le lancement de la carte VISA de la Société Générale Algérie, Matthieu Vacarie, le directeur commercial de la banque, a évoqué une instruction interne qui interdit un versement supérieur à 1 million de dinars, soit l’équivalent de10.000 euros, sans justificatif. Cette banque française réputée va même jusqu’à attribuer aux cartes VISA et Master une fonction économique, à savoir le transfert de la devise du marché informel vers le circuit bancaire. Afin de disposer de ces cartes, les clients convertissent leurs avoirs en devises dans un marché parallèle dont le cours peut aller jusqu’à 50 % de plus que celui appliqué officiellement. Néanmoins, certains d’entre eux sont prêts à payer des commissions considérablement élevées afin de pouvoir disposer ‘’légalement’’ de leur argent en liquide, à l’étranger, selon des plafonds de retraits définis en fonction du type des cartes, allant de 500 à 3.000 euros par semaine.
Manque de confiance dans le dinar
Ce détournement de la fonctionnalité première des cartes internationales traduit, s’il fallait encore le démontrer, le manque de confiance des Algériens dans la monnaie locale au profit des autres monnaies étrangères. Dans la conjoncture actuelle, où le gouvernement tente tant bien que mal de freiner les importations afin de préserver les réserves de change du pays, le retrait en espèce à l’étranger peut s’apparenter à une fuite de capitaux. Ce transfert légal de la devise est certes moins important en montants, mais reste toutefois considérable au regard de la prolifération du nombre de cartes internationales, surtout qu’il est possible pour une même personne de cumuler des cartes dans différentes banques. La règlementation ne fixe pas de limites à la détention de cartes internationales. Une occasion en GOLD pour ceux dont l’intention est de faire un tout autre usage de ce produit en vogue.