Au Maghreb, les »gangs » terroristes menacent. Qu’ils soient d’Aqmi, de Ansar Charia ou le tout nouveau Daach (Etat Islamique, ex-EIIL), ils veulent tous la même chose: déstabiliser la région et s’en servir comme base de recrutement de djihadistes.
Le phénomène terroriste Daach, l’Etat Islamique, qui sème la terreur en Irak au point d’avoir provoqué une autre intervention militaire américaine, a pris des allures inquiétantes au Maghreb où il semble vouloir s’installer, en créant des bases de formation et de recrutement de kamikazes. Pour les djihadistes de l’Etat Islamique, le Maghreb est devenu une plateforme de recrutement de Djihadistes. Ces derniers jours, l’Algérie et le Maroc ont annoncé le démantèlement de cellules de recrutement de Daach au Maghreb. En Tunisie, c’est la construction de tunnels sur le tracé frontalier avec l’Algérie par des djihadistes palestiniens affiliés à Daach qui occupe le devant de l’actualité politique locale.
Algérie: Il y a Syriens et Syriens
En Algérie, les services de sécurité ont, selon le journal Ennahar, démantelé un réseau de recrutement de Daach, qui envoyait en Europe du Sud des kamikazes pour y perpétrer des attentats terroristes. Dans son édition de mardi, le journal, citant des sources au sein des forces de sécurité, indique que »160 Syriens, dont des femmes et des enfants, ont été simultanément interpellés dans différentes régions d’Algérie ». Ces Syriens »étaient arrivés en Algérie par un même vol pour se disséminer ensuite dans plusieurs régions du pays, d’où ils devaient rejoindre la Libye », ajoute le même quotidien, qui rapporte que des »téléphones portables d’un même modèle, des appareils de navigation GPS et une somme de 100.000 dollars ont été saisis ». Lors des interrogatoires, les personnes interpellées ont avoué avoir »été recrutées en Syrie par des représentants de l’Etat islamique. Ils devaient suivre une formation dans les camps d’entraînement d’extrémistes en Libye et se rendre ensuite en Europe pour perpétrer des attentats ». Au moins 14.000 soldats ont été déployés en urgence au mois de juillet dernier par l’Algérie pour sécuriser ses frontières avec la Tunisie et la Libye. La crainte d’infiltration d’armes et de terroristes à partir de la Tunisie et la Libye est réelle pour les responsables sécuritaires algériens.
Tunisie, une histoire de tunnels
En Tunisie, une polémique oppose actuellement les autorités à la presse locale sur l’existence ou pas de tunnels qu’auraient construits des groupes terroristes affiliés à Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi), et qu’auraient rejoint des terroristes maghrébins en provenance de Syrie. Les autorités militaires et politiques tunisiennes sont confrontées, depuis la chute du régime dictatorial de Zine El Abidine Benali en 2012, au phénomène terroriste. En moins de six mois, deux personnalités politique et syndicale de l’opposition tunisienne ont été, officiellement, assassinés par des groupes terroristes. Les assassinats de Chokri Belaïd (février 2013) et Mohamed Brahmi (juillet 2013), ont plongé la Tunisie, jusque-là épargnée, dans la terreur. Depuis, les forces de sécurité et l’armée tunisienne n’arrivent plus à déloger les groupes terroristes qui se sont installés au mont Chaâmbi, près de Kasserine aux frontières avec l’Algérie. Samedi, la plupart des médias tunisiens, y compris la presse électronique, ont rapporté une glaçante information: des djihadistes d’origine palestinienne en provenance de Syrie, affiliés à Daach, auraient construit des tunnels sous le tracé frontalier avec l’Algérie et la Libye. Ces tunnels partent, selon la presse tunisienne, du mont Chaâmbi. Dans la soirée de dimanche, une source proche du gouvernement et de la présidence tunisienne avait démenti l’information. Lundi, c’est le ministère tunisien qui dément officiellement l’existence de tels tunnels et sermonne la presse locale. Ces informations »portent atteinte à la souveraineté nationale et sont synonymes de manipulations inadmissibles », averti le ministère tunisien dans un communiqué dans lequel il précise que ces »informations sont dénuées de tout fondement ». Sans convaincre les observateurs, les forces tunisiennes ont subi ces derniers mois plusieurs revers face à des terroristes puissamment armés, et qui auraient reçu le soutien de Daach.
Maroc, l’ombre du 16 mai 2003
Même climat tendu au Maroc où les responsables sécuritaires craignent des attentats terroristes exécutés par des marocains membres de Daach. Devant le parlement jeudi dernier, le ministre marocain de l’intérieur Mohammed Hassad a annoncé le démantèlement d’une cellule terroriste, chargée de recruter des combattants pour l’Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak. Les membres de ce réseau »s’apprêtaient à planifier l’exécution d’actes terroristes à l’intérieur du Royaume en utilisant des armes à feu et des explosifs », ajoute la même source. Ce réseau djihadiste opérait dans le nord du Maroc, à Tétouan et Fnideq, mais aussi à Fès, dans le centre, et à Ceuta, une enclave espagnole dans le nord du Maroc. Par les chiffres, le ministre marocain de l’intérieur annonce que 18 cellules terroristes ont été démantelées entre 2011 et 2013. Selon le ministre marocain, les mesures de sécurité ont été renforcées début juillet de crainte d’une »sérieuse menace terroriste ». Mohamed Hassad avait déjà donné, la semaine dernière, le nombre des djihadiste marocains au sein de l’EI, dont certains sont des cadres de Daach. Ils seraient ainsi près de 2.622 terroristes marocains qui combattent dans les rangs de l’Etat islamique en Irak. Quatre d’entre eux ont été récemment désignés émirs, et occupent les fonctions de ministre de la Justice, des Finances, de l’Intérieur et de wali responsable d’une région, selon le ministre marocain, pour qui au moins 128 de ces djihadistes, qui avaient combattu en Syrie et en Irak, sont revenus a Maroc. Un remake des attentats terroristes de mai 2003 à Casablanca, qui ont fait 45 morts et de nombreux blessés, n’est pas exclu par les autorités marocaines, qui font tout pour que la lutte antiterroriste se fasse dans la plus grande discrétion. La hantise est grande que le secteur touristique, qui représente près de 12% du PIB, n’en soit affecté.
Libye, le grand chaos
Mais, plus que les trois pays cités, c’est bien la Libye qui est actuellement au centre de toutes les inquiétudes. En proie à des combats meurtriers entre forces armées et groupes djihadistes, à la prolifération des armes et l’absence de gouvernement, le pays a déjà sombré dans le chaos. Un message d’alerte des services de renseignements américains fait état, mi-août 2014, d’avions civils libyens tombés aux mains des terroristes d’Aqmi et Ansar Charia qui ont été piégés et pourraient être utilisés pour des attaques ciblées en Algérie, au Maroc et en Tunisie. L’Algérie, qui a officiellement démenti l’information faisant état d’une intervention militaire directe pour ramener le calme en Libye, aurait, ainsi que la Tunisie, déployé sur ses frontières des missiles de défense anti-aériens, en prévision d’éventuelles attaques aux avions piégés en provenance de Libye. Les deux pays n’ont pas démenti cette infirmation.